Voici quelques extraits de guides de voyage qui permettent de comprendre le fonctionnement des Sarrasins et la nécessité permanente pour les Corses de se protéger et de se défendre, ce qui explique architecture défensive et un certain nombre de traditions corses.
I Forteresses et tours génoises.
« Du XIIème siècle au XVIème siècle, s’appuyant parfois sur des structures déjà existantes, Gênes a fondé en Corse un certain nombre de cités fortes : Bonifacio d’abord, Calvi, Bastia, Saint Florent, Ajaccio et, en dernier lieu, Porto-Vecchio.
La fonction prioritaire de ces forteresses était de garantir les voies de communication maritime pour la prospérité de la grande puissance péninsulaire dont la richesse était basée sur le négoce, avec de multiples comptoirs en Méditerranée et jusqu’à la mer Noire.
‘Incrustée sur les rivages d’une montagne imprenable’, la ville génoise en Corse a un rôle militaire dans un milieu hostile.
Au XVIème siècle et par la suite, la ceinture de bastions est renforcée par l’édifice d’un chapelet de tours littorales. On pourra ainsi mieux surveiller le large, on pourra prévenir certains dangers d’une mer fréquentée mais peu sûre ! Les tours de guet communiquaient entre elles par signaux (feux, fumée, miroir, estafette, etc.) et renseignaient ainsi les villages du pourtour. »
Guides bleus Hachette. Par Marcel RONCAYOLO.
II LES DEBUTS
La légende veut que ce soit une femme appelée « CORSA » qui serait arrivée la première dans ce pays, en compagnie d’un troupeau de vaches. D’autres pensent qu’en fait elle aurait suivi une vache qui nageait en direction de l’île.
Mais une chose est certaine, c’est que la Corse était habitée au VIIème millénaire av. J.C.
En 590 après J.C., la Corse dépend de Byzance mais, christianisation oblige, elle est sous la protection du pape Grégoire le grand.
A partir du XIème siècle, Pise s’empare de la Corse puis l’Office de Saint Georges (la grande banque génoise) et enfin Gênes elle-même dès 1284-1341 et jusqu’au XVIIIème siècle. Elle ne lâchera la Corse qu’en 1768 (peu de temps avant la naissance de Napoléon qui a failli ne pas naître français !) au profit du royaume des Bourbons (Louis XV).
« Au milieu du XVème siècle, la Corse est propriété de l’Office de Saint Georges, propriétaire génois.
C’est à cette époque que Gênes aida à créer une infrastructure moderne (routes, ponts, chemins, forteresses, etc.) et bien sûr les tours « génoises » sur tout le littoral, (chacune de la hauteur d’un escalier de 59 marches) pour signaler et empêcher les débarquements des islamo-turcs car ceux-ci avaient kidnappé en Corse plus de 1000 personnes pour les conduire en esclavage au Maghreb. C’est du reste cette néfaste activité ottomane qui incita les Corses à porter sur eux des armes en permanence ! »
Les Corses aidèrent la chrétienté dans sa lutte à triompher des Turcs, ce qui n’empêchait pas l’île, défensive sur terre après avoir été offensive sur mer (voir la bataille de Lépante, 1571), de continuer à s’entourer de tours et de fortifications contre une piraterie musulmane toujours active… Aux musulmans se joignaient des pirates anglais et français et même certains marins… Corses ! Personne n’était tout à fait « blanc » dans cette période !
Mais les Corses sont aussi au Maghreb dès le milieu du XVIème siècle.
« Histoire de la Corse » de Michel VERGE FANCESHI.
Préface d’Emmanuel Le Roy Ladurie.
III L’ILE DE CORSE
« La Corse : île ouverte sur le monde. »
Montagne dans la mer, dominée par les 2710 m du Monte Cinto et des nombreux sommets dépassant les 2300 m, la Corse, la Kurnos des Grecs (du nom de Cyrnos, fils d’Hercule), devenue la Corsica des Romains est une île, zone de passage privilégiée au cœur de la Méditerranée.
LES RAZZIAS (et le politiquement incorrect !)
« Aux XVème et XVIème siècles, les Sarrasins multiplient leurs incursionssur le littoral corse et de nombreux Corses périrent ; mais nombres de Corses chrétiens n’hésitèrent pas à se faire renégats et accédèrent au commandement de navires barbares, tel Mammi Pacha, de Pino à la fin du XVIème siècle !
Passionnés par le pouvoir, nombre de Corses parvenus sur les côtes du Maghreb, y accédèrent aux plus hautes fonctions, tels ces deys ou beys d’Alger et de Tunis, qui répondent au nom étonnant d’Hassan Corso (alias Pietro Paolo de Tavera) d’Ali Corso ou encore d’Hassano Corso (alias Lazaro de Bastia) ! Et à l’époque de Napoléon encore, la belle et pulpeuse sultane du Maroc n’est autre que Davia Franceschini, jeune musulmane de Pietra Corbara, entrée dans la famille des Alaoui… »
« En outre les musulmans, contrairement à une idée tenace, n’ont pas considéré la Corse seulement comme une île à piller et à rançonner.
D’une part, parce que les chrétiens y érigèrent très tôt des fortifications, toscanes au sud (Bonifacio élevée vers 830 dit-on par Boniface, Comte de Lucques), et génoises au nord (San Colombano à Rogliano, œuvre du génois Ido et de ses descendants les Da Mare).
D’autre part, parce que les musulmans, on l’oublie souvent, sont loin d’être de vulgaires pirates : héritiers d’une culture brillante(NDLR cela reste à démontrer), ils sont au Moyen-Age, avec les Chinois de véritables maîtres en matière de navigation, de sciences et de cartographie.
La Corse n’est pas pour eux une simple zone de fructueuses razzias : elle est aussi un site stratégique de première importance où il faut savoir se ménager escales, points d’eau et possibilités de réparations.
Il est extraordinaire de voir, dans les archives de Florence, un traité de 1150, découvert par notre cousin Etienne LECA (conservateur de la bibliothèque municipale d’Ajaccio), par lequel Pise conclut avec le roi maure de Valence une trêve de dix ans par laquelle les musulmans s’engagent à admettre librement les bateaux pisans dans les ports corses et sardes en leur possession.
Dans ces havres et abris, les musulmans ne terrorisent pas, dix années durant les Corses de façon quotidienne. Au contraire, ils ont sur eux une influence semblable à celle qu’ils exercent à la même époque sur les Portugais (ils occupent Lisbonne en 1147) ou sur les Espagnols du sud de l’Ibérie (ils demeurent à Grenade jusqu’en 1492), ou encore sur les juifs majorquins en passe de devenir grâce à eux les maîtres incontestés de la cartographie maritime méditerranéenne. »
Héritiers des Grecs, Romains et Sarrasins, de nombreux Corses deviendront à leur tour des corsaires (ou des pirates) redoutables, des commerçants marins prudents et expérimentés, des combattants de valeur dont la bravoure sera maintes fois prouvée, à Lépante (1571) ou dans la guerre d’indépendance américaines (1778-1783).
IV CHRONOLOGIE
Période 711-1014
Durant l’essor des razzias et invasions barbares, la plupart des habitants se réfugient au centre de l’île dans des villages perchés et fortifiés.
L’île est alors revendiquée par la papauté, le Saint Siège étant le seul à pouvoir assurer sa défense.
Les « Mori », devenus récemment musulmans, quadrillent la méditerranée depuis le IXème siècle.
La Corse subit leurs raids.
Si les razzias sont avérées, les chiffres concernant les captifs semblent exagérés.
En 846, les Sarrasins sont si nombreux en Corse que l’île leur sert de base armée et de ravitaillement pour lancer des raids contre la riviera Ligure, Rome, etc.
Installés à demeure sur le littoral Corse, les musulmans ne s’y livrent pratiquement plus à des razzias qui n’existent que lorsqu’ils se déplacent des côtes d’Afrique du Nord en Espagne ; en Corse, en Provence, vers les royaumes italiens, avant de retourner chez eux.
C’est comme pour le Portugal où en 1047, Lisbonne est libérée à l’issue de la Reconquista portugaise.
Occupée partiellement jusqu’en 1014, la défense de la Corse deviendra effective grâce à la coalition des flottes de Gênes et de Pise.
La présence des « Mori » (musulmans) en Corse est attestée par de nombreux patronymes tels les villages de Campo Moro, Morati, Moretti, etc.
Période 1015-1296.
Gênes protectrice de la Corse et enjeu avec Pise.
Gênes finit par l’emporter complètement à la fin du XIIème siècle.
LES TOURS DU LITTORAL DE LA CORSE
Guy MERIA et Francis ROMBALDI.
Ed. La marge (Ajaccio)
Avant les tours construites entre le XVème et le XVIIIème siècle, existaient les « castelli », villages fortifiés, les « case forte », maison fortifiée et les « case tour », les maisons avec tour fortifiée possédant des canons à la plateforme supérieure.
Si au début, les tours en construction bénéficiaient des prêts de Gênes et de son argent, dans la deuxième moitié du XVIème siècle, elles furent principalement construites à l’initiative et avec l’argent des habitants de l’île.
Le rôle de l’Office (de Saint Georges) est important dans la recherche de la sécurité en Corse et il a notamment favorisé l’édification des tours du littoral.
La Corse lui fut cédée définitivement en 1453.
Les tours de corse ont toutes les formes : rondes ou carrées quelques soit la période et les tours « génoises » ne sont pas plus « rondes » que les tours pisanes sont « carrées. »
V La construction des tours
« Les premières fortifications littorales ont un double objectif : l’aide à l’embarquement des marchandises et la surveillance de la navigation et des bases avancées qui constituent des points d’appui pour la maîtrise de la Corse.
La fin du XVème et le début du XVIème siècle voient s’accroître le danger que font régner les pirates barbaresques qui n’hésitent pas à créer des bases d’où partent des raids contre les marines et les villages.
L’Office de Saint Georges, à partir de 1532 décida d’élever des tours littorales.
En effet, les Turcs ont repris leurs razzias, ils capturent la population pour la mettre en esclavage (1000 personnes entre 1528 et 1531), capturent les navires, dévastent les villages. Ils emportent parfois 50, quelques fois 100 âmes…
Les tours devront assurer la sécurité des gens à terre.
Alors qu’ils édifient les tours, les Génois pourchassent les barbaresques jusqu’à Tunis.
L’usage de ces tours était le soir après « l’ave maria », d’allumer des feux pour alerter les populations.
Ces raids barbaresques incitèrent les Corses à s’armer et ils portaient leurs armes sur eux même pendant les récoltes.
Malgré cela, la malaria et la peste, la condition des Corses (toute proportion gardée) est meilleure que sur le continent ! »
Une politique suivie malgré les obstacles
Le principal obstacle est d’ordre financier même si l’Office offre des prêts comme Gênes par la suite, le coût de la construction doit être supporté par les habitants de la « piève » (pays) concerné.
Certaines tours qui devaient être construites en deux ou trois ans ne le furent que plus de dix ans après le début des travaux !
Le rôle des tours
Principalement comme il a déjà été dit, les tours assurent la surveillance de la mer, d’où venait le danger et la défense des côtes ainsi que l’alerte donnée à la population et aux autres tours du périmètre de l’intrusion barbaresque.
« En Corse, le premier soin de l’administration génoise sera de répondre de façon urgente, non seulement à une grave dépopulation dont l’origine est diverse (exode, guerre, malaria, querelles, razzias, etc.), mais encore à unevéritable hémorragie humaine résultant des razzias : 8 à 9000 personnes ont été emmenées en esclavage à la suite du désarmement général qu’à suivit la pacification de l’ile, dont 6000 dans la seule ville d’Alger.
Des permis de port d’armes sont délivrés par le gouverneur.
En fait, la piraterie est une institution de cette époque, mais il faut préciser qu’elle est le fait non seulement des pirates barbaresques, calabrais ou catalans, mais aussi de pirates de diverses nations et parfois de marins corses eux-mêmes ! »
Garde et armement des tours.
« Il ne suffit pas d’avoir des tours, il est nécessaire de les garder et de les défendre. » Sébastiano DORIA.
Difficultés financières pour garnir les tours de pièces d’artillerie, de poudre, de balles et d’armes et de « torregiani » (les gardiens des tours) qu’il faut rétribuer correctement (au risque de les voir travailler dans les champs et ne pas assurer la garde) pour leur subsistance !
VII LES GALERES DE LA BATAILLE DE LEPANTE (1571)
« L’histoire des bateaux ». G. FOUILLE, peintre de la Marine.
La plus grande bataille de galères de l’histoire se déroula en 1571 dans les eaux grecques du golfe de Lépante, entre les chrétiens commandés par don Juan d’Autriche et les musulmans commandés par le « capoudan » Ali Pacha Moezzin.
Cette bataille mit aux prises 150 000 combattants répartis en 202 galères chrétiennes et 208 galères turques.
La victoire fut complète pour don Juan d’Autriche et 116 galères turques furent conquises de haute lutte, d’autres étant coulées ou brulées.
Cette victoire fut acquise grâce à la puissance de feu des galéasses vénitiennes : grosse galères pontées, dotées d’une forte artillerie et d’où les soldats embarqués dominaient les galères ennemies.
Très basses sur l’eau, la galère proprement dite n’était armée qu’à l’avant d’un éperon et de cinq canons, dont un très gros que l’on appelait le « coursier ». Le chargement de ces pièces était lent et leur portée très faible. Il n’était possible de tirer qu’une bordée avant l’abordage, sanglante conclusion de tout combat de galères…
Il faut savoir que des Corses ont participé à la bataille de Lépante !
Dan Corbet, responsable Résistance républicaine Corse et étranger
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