La reine Christine de Suède fut élevée dans la religion des Réformés. En 1650, elle succéda à son père, mort prématurément. Mais, le trône des Vasa, le pouvoir, ne satisfit pas sa nature rebelle et curieuse. Erudite, voire savante, elle abjura la foi de ses aïeux, le 7 juin 1654, parce qu’elle fit le choix de se convertir au catholicisme. Elle abandonna la couronne à son cousin Charles Gustave et quitta la Suède pour réaliser son rêve : voyager…
Ce préambule pour dire que la conversion d’une protestante à la religion catholique eut, à l’époque, un retentissement considérable dans les Cours d’Europe, au Vatican. Les divers papes qui se succédèrent à Saint-Pierre-de-Rome, pendant son existence, lui ouvrirent grand les portes du Vatican, en dépit de quelques vives réactions à son égard, suscitées par sa liberté de mœurs, une originalité peu commune pour une femme du XVIIème siècle !)
Mais, l’âge venant, le Pape Innocent XI, lui accorda toute sa confiance, encouragé par son caractère de « Croisé ».
Extraits du roman de Yann KERLAU : « L’échiquier de la Reine » : (suite)
« (…) L’orage commençait à gronder en Europe centrale où, disait-on, le sultan Mehmet IV rêvait de faire de Vienne la capitale de l’Empire ottoman. De grands rassemblements de janissaires s’effectuaient un peu partout sous la bannière d’Allah le Miséricordieux, faisant craindre le pire aux Etats qui bordaient l’empire. A Rome, le pape, inquiet de la tournure des événements, avait proposé son soutien financier à l’empereur Léopold Ier de Habsbourg, au roi de Pologne Jean III Sobieski et au duc de Lorraine Charles V. Le Vatican quittait enfin son rôle de censeur des livres, des actes et des pensées de ses ouailles pour reprendre son plus beau rôle : celui de croisé de la chrétienté.
Au palais du Riario, la reine Christine recevait sans relâche les émissaires du Vatican et avait décidé de s’engager personnellement dans la grande bataille qui se préparait. Rassemblés chez elle, les princes Pallavicini, Sforza et Ludovisi tablaient sur une grande offensive ottomane contre l’Europe dans les mois à venir.
Encore frappés par les pertes de la quasi-totalité des possessions de Venise en mer Egée, les Italiens voulaient leur revanche et entendaient bien effacer l’affront de la reddition de Candie, en Crète, en 1669. La reine de Suède leur proposa d’être le capitaine de ce navire de la foi et se déclara prête à sacrifier une année entière de ses revenus pour pouvoir lever une armées qui irait rejoindre celle du roi de Pologne. Ecoutée, encensée par ceux qui, hier encore ne la croyaient plus bonne qu’à diriger une académie poussiéreuse, elle redevint la souveraine qu’elle rêvait d’être : présente sur tous les fronts, prête à se joindre aux armées, écoutée du Vatican, admirée par les Espagnols, elle se sentait prête à prendre demain la tête de la plus puissante coalition chrétienne qui se fût jamais vue.
Seul, le roi de France, honni par le Saint-Père, ne s’était pas joint à cette croisade. Les raisons en étaient simples : fidèle aux engagements pris par François Ier, la France avait toujours recherché l’appui de la Sublime Porte contre une suprématie des Habsbourg en Europe. Poursuivant cette politique, Louis XIV avait pris l’engagement vis-à-vis du sultan de Constantinople de ne jamais prendre part à une opération militaire contre l’Empire ottoman. Allant de l’Ukraine à l’Egypte, de l’Anatolie à la Hongrie, l’empire avant montré, depuis Soliman le Magnifique, qu’il était sur terre comme sur mer un redoutable adversaire. Au grand dam des chrétiens, Louis XIV campa sur ses positions et fut l’absent le plus notable d’une levée de boucliers où la reine de Suède jouait avec panache et naturel le rôle d’une nouvelle Jeanne d’Arc.
(…) Au printemps de l’année 1683, escortée des princes italiens, elle prit la route de l’Autriche. Si les comptes faits par le Saint-Père étaient justes, soixante-cinq mille chrétiens, galvanisés par une foi sans faille allaient affronter les deux cent mille hommes de l’empire du mal. Les enjeux en étaient à la fois simples et grandioses : protéger Vienne, barrer la route aux infidèles et sauver l’honneur de la chrétienté.
« J’étais, Monsieur, à la seconde bataille de Lépante » (C’est la reine Christine qui relate) :
(…) Après Sienne, Venise fit un triomphe à ceux qui allaient venger l’honneur perdu de la Sérénissime. De jour en jour, des centaines de volontaires se joignaient spontanément à nous et quittaient femmes et enfants pour nous accompagner. Comme le Saint-Père l’avait escompté, la bannière de la foi rassemblait les hommes prêts à mourir pour défendre leurs croyances.
Plus près du théâtre des combats, Sa Majesté l’empereur Léopold Ier et le roi Jean III Sobieski nourrissaient, quant à eux, les plus vives inquiétudes sur la progression des janissaires dans de nombreuses régions du centre de l’Europe. Exactions, églises incendiées, villages où la politique de la terre brûlée était pratiquée sans merci, viols et assassinats faisaient partie du quotidien de milliers d’innocents pris pour premières cibles par les soldats du sultan Mehmet IV.
(…) Vienne resterait chrétienne quel que fût le prix à payer. Si Candie avait résisté durant plus de quinze ans avant de se rendre aux Ottomans, le devoir des Habsbourg était de se battre jusqu’au dernier pour sauver la capitale du Saint Empire Romain Germanique. De Bavière, les princes Wittelsbach devaient rallier Vienne et avaient enrôlé tout ce que ce pays comptait d’hommes jeunes et prêts à en découdre. Du Sud italien, du Nord allemand, de l’Est polonais, notre armée avançait dans un enthousiasme qui tranchait avec l’inquiétude extrême des Viennois.
Le 8 juillet 1683, l’armée ottomane quitta à son tour la Hongrie qu’elle occupait pour marcher sur Vienne. Les villes autrichiennes de Felbach, Graz et Friedberg tombèrent sans résistance devant la fureur ottomane. Afin d’éviter un encerclement qui eût été fatal à l’armée du Saint Empire, l’empereur Léopold et la Cour durent quitter Vienne pour s’installer à Linz, dans un mouvement vers l’ouest qui fit craindre le pire aux habitants de la capitale. Alors que les cloches des églises carillonnaient dans toute l’Autriche pour annoncer l’arrivée imminente de l’ennemi enturbanné, l’empereur laissa le commandement suprême de Vienne au Comte Arnst von Starhemberg avec des instructions sans appel :
« Plutôt mourir que vous rendre et, s’il fallait en arriver à cette extrémité, faites de cette ville un désert qui ensevelira les fous d’Allah ».
(…) Des chiffres fusaient : l’un affirmait que les Ottomans avaient perdu ce jour-là les deux tiers de leur flotte, l’autre renchérissait en avançant le chiffre de quatre cents navires turcs coulés, un troisième affirmait que la victoire des chrétiens avait fait cent quarante mille morts chez les Turcs. La Sainte Ligue qu’avait jadis constituée le Vatican renaissait de ses cendres. (…) La fougue de ces guerriers de la foi serait-elle suffisante pour empêcher le sultan Mehmet IV de faire de Vienne la capitale d’une grande Turquie européenne et musulmane ?
Aux premiers jours de septembre 1683, le grand vizir Kara Mustapha mit le siège devant les remparts de Vienne et fit savoir aux quelques milliers de Viennois qui n’avaient pu fuir qu’ils périraient tous par le feu avant trente jours. (…) Lorsque les troupes du Saint Empire firent leur jonction avec les soldats menés par le roi de Pologne, les combats entrèrent dans une phase de violence qu’aucun des protagonistes n’avait pu imaginer. Sous un déluge de feu et de tirs de canon, des pans entiers de l’enceinte de Vienne s’effondrèrent, permettant aux janissaires de prendre pied dans certains points stratégiques de la capitale. D’heure en heure, nul ne put dire qui sortirait victorieux de ce carnage. La bravoure du roi Jean III Sobieski fit de lui le héros de ce que l’on nomma la bataille du Kahlenberg. Alors que la grande offensive du 12 septembre allait commencer, il réunit ses troupes et leur déclara :
« Nous n’avons pas qu’une ville à sauver mais l’ensemble du monde chrétien et Vienne est son rempart. Ce n’est pas une bataille, c’est une guerre sainte ».
La débacle de l’armée turque fut à la mesure des espoirs que la coalition chrétienne avait fondés. Avec vingt mille morts, des milliers de prisonniers, Mehmet Pacha comprit enfin que la Turquie ne ferait jamais partie de l’Europe. Dès le 13 septembre 1683, le roi de Pologne fit porter au pape Innocent XI les bannières vertes laissées sur le champ de bataille par les Turcs. Il y joignit ces mots écrits de sa main :
« Je suis venu, j’ai vu. Dieu a vaincu ».
(…) Quelques semaines plus tard, nous apprîmes que, sur ordre du sultan, le grand vizir Kara Mustapha, jugé responsable de la déroute de l’armée turque, avait été étranglé à Belgrade.
(…) Encouragés par cette victoire décisive, l’empereur et le roi de Pologne se concertaient pour déterminer de quelle manière ils allaient libérer la Hongrie, puis la Croatie de la tutelle ottomane.
Dans ce grand concert des nations chrétiennes, la voix de la France ne s’était toujours pas fait entendre.
(…) Au mois de juin 1683, la Sainte Ligue s’honora de deux nouvelles victoires contre les Turcs : en Hongrie, Visegrad leur fut reprise, puis les deux cités de Pest et Vac tombèrent à leur tour aux mains du duc Charles de Lorraine ».
– Le contraste entre le combat mené par nos aïeux et nous, nos dirigeants est considérable ! On peut dire sans se tromper que ce n’est pas le pape François qui sauvera l’honneur de la chrétienté ! Que penseraient Léopold Ier et Jean Sobieski de Mme Merkel ? Tant de luttes, de sang versé par les nôtres pour sauvegarder leurs pays, leurs valeurs, pour en arriver où nous en sommes, quel naufrage !
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je pense qu’il n’y a pas bcp de commentaires , malgré le remarquable travail accompli, parce que malheureusement, on ne peut que remarquer que, seule la France était absente de ce grand rassemblement de la chrétienté,
Ce qui fait que la plupart des lecteurs ont dû se sentir tout penauds et exclus de cet enthousiasmant combat de nos « ancêtres » catholiques,
Je dis nos ancêtres, car avec le brassage des peuples européens, nous avons sans doute un peu de leur sang guerrier dans nos veines.
Ainsi donc, depuis louis XIV, la France se rangeait du côté des turcs muzz .
C’est attristant et peu motivant pour les commentateurs qui ne pensent qu’à en découdre avec les muzz.
Et dire qu’aujourd’hui, Bruxelles et ses larbins trépignent d’impatience à l’idée de faire entrer la Turquie dans leur cénacle !
Olivia,
Vous m’avez donné envie de lire ce roman historique; il est déjà commandé chez mon libraire.Et si les commentaires ne fusent pas c’est que les évènements de ces derniers jours on accaparé nos résistants.J’avoue que le résumé et extraits que vous nous avez mis à disposition poussent à en savoir plus. Projet de lecture qui, pour ma part, sera réalisé aux alentours de Noël.
Merci pour votre travail passionnant.
MERCI GAMMA ! Je pense que vous ne serez pas déçu !
Merci Maxime pour votre commentaire qui récompense mon effort !
J’avoue, que je suis surprise par l’absence de succès de ce témoignage… Du jamais vu qu’un article n’attire pas de commentaires… Sans, vous j’en serais pour ma peine. Merci pour votre empathie.
J’ajoute que vous ne vous tromperez pas en offrant ce livre, si la personne à qui il est destiné aime l’Histoire et l’Histoire de l’Art, l’intrigue, les romances passionnées… Tout y est. Le livre est disponible en poche mais également toujours dans sa version originale. Je crois que l’éditeur est Albin Michel. Tout bon libraire vous renseignera. Bon Noël à vous !
Merci Olivia pour cet immense et sans doute désagréable effort, vous n’avez même pas pu faire un copier-coller j’imagine, il fallait en vouloir pour nous faire partager ces belles pages 🙂
Vous m’avez donné une idée de cadeau de Noël à offrir, alors encore merci.