Vêtement « islamique » : Allah était-il donc styliste ?

 

Vêtement : Bien que s’imposent désormais à la vue des vêtements dits «islamiques», on en chercherait en vain une description précise dans le Coran. Le terme le plus courant que l’on y trouve pour désigner un vêtement (« libâs ») est très général et surtout employé dans un sens métaphorique : le mari et l’épouse sont «un vêtement l’un pour l’autre» (2, 157), le «meilleur vêtement est la crainte de Dieu» (7, 26), la nuit est «comme un vêtement» (25, 47)…

La nudité honteuse :

Comme dans la Bible, lorsqu’ Adam et Eve eurent  goûté au fruit de l’arbre, « leurs nudités leur devinrent visibles », plus exactement « leurs parties honteuses » (« saw’a ») (7, 22). Il se vêtirent alors de « feuilles du Paradis » (20, 121).

Allah a « fait descendre le vêtement » pour venir en aide aux humains devenus honteux de leur corps, un corps qu’il leur avait pourtant donné !  «Ô fils d’Adam! Nous avons fait descendre sur vous un vêtement qui dissimule votre nudité, ainsi que des atours. » (7, 26).

D’après les hadiths, plus restrictifs que le Coran, la partie du corps qu’il faut dérober au regard, pour les hommes,  se situe entre le nombril et les genoux, elle doit être couverte devant toutes les personnes sauf les épouses. Pour les femmes, le Coran n’est pas précis mais c’est la tradition islamique qui en est en venue à considérer que les femmes doivent cacher leurs cheveux, leurs gorges, leurs oreilles, leurs bras et leurs jambes, allant jusqu’à assimiler la quasi-totalité du corps féminin aux « parties honteuses », avec des hadiths comme celui-ci :

« Aïcha a rapporté qu’Asma, la fille d’Abu Bakr, était venu rendre visite au messager de Dieu portant des vêtements minces. Le messager de Dieu se détourna d’elle et dit : “O Asma, quand une femme atteint l’âge de la puberté, il n’est pas convenable qu’elle montre les parties de son corps excepté pour cela et cela. (Il pointa le visage et les mains).» (rapporté par Abu Dawood) [1].

L’usage du vêtement en terre d’islam fut surtout discriminatoire

Le vêtement doit distinguer les hommes des femmes

Abû Hurayrah a dit : « Le Messager d’Allah a maudit l’homme qui s’habille comme la femme ainsi que la femme qui s’habille comme l’homme. » (Rapporté par Ibn Mâjah – Rapporté par An-Nassâ’î – Rapporté par Aḥmad, voir également Bukhâri).

Le vêtement doit distinguer les musulmans des autres

S’habiller comme les non-musulmans est considéré dans la tradition comme une adhésion à leur peuple et à leur croyance, qu’il faut absolument éviter. Porter un costume semblable à celui des juifs, des polythéistes ou des chrétiens est un péché qui se situe au même niveau que l’association d’Allah à une autre divinité : « ʽAbdullah ibn ʽUmar relate que le Prophète (sur lui la paix et le salut) a dit : « Quiconque imite un peuple, en fait partie. » (Rapporté par Abû Dâwud, Aḥmad).

Les turbans («’imâma ») sont d’abord  perçus comme l’apanage des Arabes et des musulmans. Le Prophète aurait dit : « Les ‘imâma sont les couronnes des Arabes, quand ils les enlèvent, Dieu leur enlève leur dignité »[2] ou encore : « Ainsi mettez la ‘imâma, elle est la marque de l’Islam et elle est une frontière entre les musulmans et les associateurs. »

 Le vêtement doit permettre de reconnaître les dhimmis de loin

C’est au calife Omar, que l’on attribue la paternité de cette distinction vestimentaire pour les dhimmis. En Orient, le terme pour la désigner est le « ghiyâr », alors que pour le Maghreb, le terme employé est le mot « shikla.». Pouvoir distinguer les dhimmis a toute son importance, notamment du point de vue fiscal car ils doivent la jizya. La réglementation est allée de la coupe de cheveux jusqu’aux chaussures : « Qu’ils mettent des zunnâr en ceinture, cette ceinture est faite de ficelle grossière qui doit entourer la taille. Que leurs qalânis (bonnets portés sous le turban) soient doublés et longs. Que les lacets de leurs chaussures soient retournés ».[3]

La condition humiliante du dhimmi se manifeste aussi par la couleur, bleue pour les chrétiens et noire, ou jaune pour les juifs. Ils doivent porter sur leur costume une rouelle par devant et par derrière, morceau d’étoffe blanche sur laquelle figurent des miniatures d’animaux, le porc pour les chrétiens, le singe pour les juifs, comme sur les portes de leurs boutiques et de leurs maisons (sans doute en référence au Coran, 5, 60 ; I2, 65 ; 7, 166). [4] On leur fit parfois porter des colliers de plomb ou de fer[5], une grande croix de bois pour les chrétiens, des clochettes pour les juifs quand ils devaient se rendre aux bains[6]. Il y eut des variantes… Au fil du temps, les signes et les couleurs ont pu changer. Certains dhimmis ont pu payer pour ne pas porter le costume distinctif[7 ] ; la contrainte a pu momentanément se relâcher. Ce qui est constant, c’est la volonté de légiférer régulièrement pour réaffirmer les différences par le vêtement.

Le costume manifeste la sainteté

Les ascètes du soufisme, « mutasawwifas », les saints de l’islam, se présentaient dans des vêtements de laine si usés et si souvent rapiécés qu’on ne distinguait plus le tissu original. Leur valeur spirituelle paraissait d’autant plus grande que leur vêtement s’était transformé en haillons. Sidi Muhriz, le sultan de de Tunis disait que « Le croyant mange la première nourriture venue et s’habille tout juste de ce qu’il faut pour cacher sa nudité... »[8]

Les reliques vestimentaires de Mahomet ont un pouvoir prophylactique

 

Posséder et vénérer une réplique de sandale de Mahomet confère une série de bénédictions et de protections : la « baraka ».

Le manteau du Prophète attire les musulmans à Istanbul pendant le Ramadan au Palais Topkapı (Turquie).

Le vêtement islamique tombait en désuétude au milieu du XXe siècle

Gamal Abdel Nasser, président de l’Egypte de 1956 à 1970, se rit de la demande des Frères musulmans qui voulaient réimposer le voile aux Egyptiennes, les rires de la salle sont révélateurs :

La minijupe arrive en Egypte en 1960.

Etudiantes iraniennes en 1960.

Le vêtement islamique actuel ou la panoplie de la réislamisation

Vêtement islamique féminin : comment on a manipulé le mot « voile »

Photo: AFP

De gauche à droite, et de haut en bas, une femme porte : un hijab, un niqab, un tchador et une burqa.

Aucun de ces couvre-chefs n’est mentionné ni prescrit dans le Coran. Le hijab n’est pas une pièce de vêtement dans le Coran. Le mot désigne une barrière, infranchissable, celle qui séparera les croyants appelés au Paradis des incroyants voués à L’Enfer (7, 46 ; 17, 45) ou celle qui séparera Dieu et les damnés au Jour du Jugement dernier (83, 15), ou bien encore le Prophète et les incrédules (41, 5). C’est aussi le rideau de séparation à travers lequel les croyants doivent s’adresser aux épouses du Prophète (33, 53)[9].

Deux versets seulement parlent du vêtement des femmes. Or on en diffuse de fausses traductions !

  • Traduction standard:« Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leurs grands voiles sur leur poitrine… » (24, 31).

Les «grands voiles» que l’on « rabat » laissent à penser qu’il s’agit, comme nous le voyons couramment aujourd’hui, de longs voiles couvrant la tête que l’on replie sur la poitrine. Sauf que le terme « voile » (« hijab ») n’est pas présent, encore moins « grands voiles »… le texte dit en fait : « Et dis aux croyantes de réfréner certains regards (« ghadd min al absâr » , de maîtriser leurs organes génitaux (« yahfazna furûja-hunna », qu’elles couvrent (« daraba ») de leurs étoffes (« khumur ») l’échancrure (« juyûb »= « fente ») ( de leur poitrine ? de leur décolleté ?) . Il n’est pas question de se couvrir la tête. On pourrait  se demander quelle « fente » il s’agit de couvrir ici au nom de la pudeur…

  • Traduction standard: « Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles : elles en seront plus vite reconnues et éviteront d’être offensées. » (33, 59).

Comme dans l’autre verset, il n’y pas ici le moindre « voile » hijab ») mais seulement « les pans » (« yudnîn ») de « leurs vêtements de dessus » (« jalâbîb »). «… Dis à tes épouses et aux femmes des croyants de tirer à elles les pans de leurs vêtements de dessus »[10] Rien ne dit que la tête ni le visage ni les mains doivent être couverts.

« Toutes les traductions faisant mention de voiles ou de grands voiles ne sont que des erreurs volontaires destinées à infléchir le sens du Coran »[11].

Le vêtement islamique masculin

 

Le qamis est apparenté au latin camisia. Il désigne une chemise ou une tunique, un vêtement cousu et non drapé, répandu dans l’Antiquité tardive. On a dit que le mot latin « camisia » dérivait du mot arabe « qamis », ce n’est pas impossible, mais l’inverse se défend aussi : les Arabes auraient pu adopter le mot et le vêtement à la romanité tardive puisque, dès le IVe siècle, trois siècles avant Mahomet, le mot camisia est attesté en latin[12].

 

Dans le Coran, on ne rencontre le mot « qamis » que dans la sourate 12, consacrée à Joseph. (12, versets 18, 25, 26, 27, 28, 93, 96). Dans la seule sourate où il apparaît, le qamis est seulement mentionné, il est traité comme un objet sans importance. La forme de ce vêtement n’est pas décrite (chemise, tunique, autre ?), son port n’est pas particulièrement prescrit.

« Djellabas » et « qamis » revêtent aujourd’hui en Occident une signification confessionnelle qu’ils n’ont jamais eue ou qu’ils avaient perdue. Il s’agissait seulement de tenues traditionnelles, délaissées dans la vie courante au profit de tenues occidentalisées, plus adaptées au travail et aux tâches de la vie moderne. Ce sont aujourd’hui des signes d’appartenance communautaire et des marqueurs de territoire.

On voit aussi des musulmans compléter leur tenue par des pantalons raccourcis qui ne recouvrent pas leurs chevilles car, selon une tradition, « Le prophète a dit : « La partie d’un vêtement inférieur qui dépasse sous les chevilles sera dans le feu… » (Abu Dawud, livre 27, n° 4082). La tenue masculine ne doit comporter ni soie ni or, « Le Prophète a pris de la soie dans sa main droite et de l’or dans sa gauche puis a dit : “Ces deux choses sont interdites aux hommes de ma communauté.” » (Abû Dâwûd, al-Nasâ’î, Ahmad).

Le « keffieh » est à l’origine un foulard porté par les paysans qui remonterait loin dans le temps (entre le IV et le IIe millénaire avant notre ère), en Mésopotamie, dans l’actuel Irak ; il est devenu un symbole antisioniste en Palestine et ailleurs.

La force symbolique du keffieh n'a fait que se renforcer, jouant un rôle dans l'identité collective des Palestiniens. | Pavel Danilyuk <a href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/portrait-studio-poser-arriere-plan-blanc-8422457/">via Pexels</a>

 

En conclusion, c’est en forçant les mots du Coran que la tradition a imposé aux musulmans des vêtements spécifiquement islamiques. Ce fut une longue élaboration faite de surenchères de la part de tel ou tel ouléma, de tel ou tel calife. Sous le prétexte d’un scrupule religieux, du respect de la pudeur, la motivation réelle de ces prescriptions vestimentaires a toujours été une stratégie politique. Cette motivation revient, à nouveau, dans le cadre général d’une réaction contre les mœurs occidentales : c’est le signe visible d’une volonté de réislamisation des croyants et d’islamisation des pays d’accueil.

 

[1] Mary Ali, « Pourquoi les musulmanes couvrent-elles la tête ? » in Religion de l’islam, sans date. https://www.religiondelislam.fr/pourquoi-les-musulmanes-couvrent-elles-la-tete/

[2] Mohammed Tahar MANSOURI, Du voile et du zunnâr, L’or du temps, 2007, p. 134. Cette phrase est attribuée au Prophète mais aussi au deuxième Calife, Omar, cf., JABBOURI, al-malâbis al-‘arabiyya fi al-Shi”r al-Jâhili, Beyrouth, 1989, pp. 196-197.

[3] Mohammed Tahar MANSOURI, Du voile et du zunnâr, L’or du temps, 2007, p. 117, citant Abou YOUSSEF, Kitâb al-Kharâj, (« Traité des impôts »pp. 74-75 paragraphe n” 232, 236.

[4] Ibid., p. 130.

[5] Ibid., p. 139.

[6] Ibid., p. 132

[7] Ibid., p. 144, citant J. FIEY,‘ahwâl al-Nasarafi khilâfat bani al-Abbâs, Beyrouth, 1990, p. 324.

[8] Abu al-TALUR al FARISI, Manâqib Muh riz b. Kluilaf, éd. et lrad. de H. R. Idris,

Pub. de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines d’Alger, PUF, Paris, 1959, p.

114 (texte arabe) p. 292 de la traduction.

[9] Heidi TOELLE, « Vêtement », in Dictionnaire du Coran , dir . Mohammad Ali Amir MOEZZI, Patricle Laffont ; Paaris, 2007, p. 906.

[10] Ibid. « Le voile comme signe distinctif des musulmanes »  https://www.alajami.fr/2018/01/26/le-voile-comme-signe-distinctif-des-musulmanes/

[11] Al AJAMI, « Le voile selon le Coran et en islam », in Que dit vraiment le Coran ? ,  https://www.alajami.fr/2018/01/20/le-voile-selon-le-coran-et-en-islam/

[12] (Le Robert, Dictionnaire étymologique et analogique de la langue française, Paris 1974, p. 738).

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