Alain Delon, mort d’un titan

« C’était le dieu de ce métier et mon dieu tout court ». Ainsi parlait Alain Delon à propos de Jean Gabin dans un entretien accordé au Point pour un hors-série consacré à ce dernier. Alain Delon était quant à lui mon dieu de cinéma français, à concurrence avec Jean-Paul Belmondo.

Non que Delon avait plus de talent qu’un Jouvet ou un Depardieu, mais il avait cette force sauvage qui vous happe sans détour et qui, gamin, vous donne envie de lui ressembler. On appelle ça un héros. Car si Delon n’était pas le plus bel acteur de sa génération et de quelques autres qui ont suivi, il était cependant le plus irradiant, en ce sens qu’on ne pouvait lui échapper.  Dès le début de sa carrière dans Le Guépard (de Luchino Visconti), et alors qu’il y tient un rôle secondaire, il envahit l’écran dans la peau de Tancrède Falconeri, embellissant de sa présence à ses côtés – si cela se peut ! – la sublime Claudia Cardinale. Delon avait aussi ce talent de rendre encore plus belles les femmes, Romy Schneider dans La Piscine (de Jacques Deray) le démontre.

Delon n’était pas comédien, il était acteur, répétait-il souvent, se définissant ainsi et avec justesse : « Un comédien c’est une vocation, un métier qui s’apprend, c’est un choix de vie. Un acteur c’est une personnalité, forte en général, prise et mise au service du cinéma par un concours de circonstances. »

Pour attester son animalité dont il ne surjouait pas, lors d’une scène du Clan des Siciliens (de Henri Verneuil), Delon, alias Roger Sartet, frappe contre les rochers un poisson qu’il vient de pêcher et ce, devant une femme interprétée par Irina Demick, totalement nue sur une serviette de bain. « Je n’ai jamais vu quelqu’un tuer un poisson comme vous l’avez fait », lui dit-elle. Et là, Delon, tout aussi impérial que désinvolte, lui répond : « Alors vous n’avez jamais rien vu. »

https://www.dailymotion.com/video/x3c8j6a

Bien sûr, Delon ne se réduisait pas un physique et il suffit de le voir évoluer sobrement et sans mise en valeur particulière dans Le Cercle rouge (de Jean-Pierre Melville), avec une économie de mots et de gestes impeccable pour s’en rendre compte. Il faut dire que le réalisateur du film, que Delon admirait, lui avait déjà proposé un rôle de quasi-fantôme silencieux : Le Samouraï, où jouait la seule madame Delon de l’histoire, Nathalie.

Me vient une anecdote à ce propos : quelques années plus tard, alors qu’il était un star incontestée, Delon se blesse sur un tournage. Là c’est la panique car le réalisateur se dit que le tournage va être bloqué pendant plusieurs jours. Mais Delon, après s’être fait soigné, revient illico pour tourner. Il aura cette réponse à ceux qui s’en étonnaient : « J’étais déjà un samouraï »

Certes, on pourrait reprendre toute la filmographie de Delon et faire taire les imbéciles qui n’ont jamais vu en lui un prodige du Septième art et ce, depuis Plein soleil (de René Clément) où il avait refusé le rôle du gentil pour celui du méchant Tom Ripley, ce qui avait fait décoller sa carrière. Dans ce film, il est, comme certains l’ont dit, d’une beauté diabolique.

On pourrait aussi retracer la vie de cet homme hors du commun : ses amis, ses amours (mythiques), ses emmerdes, mais rien ne saurait rendre compte de qui nous venons de perdre. Pour ma part, je n’ai pas envie d’écrire une nécrologie fournie et pleine de références, j’ai juste envie de chialer, je vous l’avoue. Parce que Delon, je l’admire –  je l’adule parfois – depuis près de cinquante ans et même dans ses films les moins remarquables comme par exemple Soleil rouge (de Terence Young), une histoire de cow-boys et de samouraïs, encore !

Et quelle élégance, enfin, que cet Alain Delon, qui aidait par exemple sans bruit des collègues en difficulté – tel Richard Bohringer – et dont j’ai reçu personnellement un témoignage de gratitude, il y a quelques années, tandis qu’il m’écrivait pour me remercier d’un article que j’avais publié sur Boulevard Voltaire :

https://www.bvoltaire.fr/alain-delon-lumiere-brille/

Ce qu’il m’avait écrit était sobre, élégant, sans fioritures, comme lui en fait :

« Cher Charles Demassieux,

Je tenais à vous remercier sincèrement pour le bel article que vous avez écrit me concernant, le 12 janvier dernier, dans “Boulevard Voltaire”.

 Sachez que j’ai été touché, par votre écriture si juste, et aussi parce qu’il est rare que l’on écrive ainsi sur moi.

 J’espère pouvoir vous rencontrer un jour, et nous en reparlerons.

 Bien à vous,

 Alain Delon. »

Nous ne nous sommes malheureusement jamais rencontrés, mais ce n’est pas grave car je le rencontre à chaque fois que je revois l’un de ses films…

DELON, cinq lettres qui ne cesseront jamais de retentir dans le firmament des étoiles du cinéma où désormais, et aux côtés du Vieux (Gabin), de Romy, de Mireille et quelques autres, il brille sans autre souci que de vivre une éternité de repos, lui qui ne servit pas seulement la France à l’écran mais qui engagea aussi sa vie en Indochine.

Un titan vient de mourir et moi je m’en vais y songer seul dans mon coin, orphelin définitif puisque je ne vis à présent plus sous le même ciel que Belmondo et Delon :

https://www.youtube.com/watch?v=AFu152oUEnU

Charles Demassieux

https://ripostelaique.com/alain-delon-mort-dun-titan.html

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