Gilbert Collard :« Sans le processus nécessaire de la dédiabolisation, le RN n’en serait pas là où il est aujourd’hui »

Par Etienne Fauchaire

1 juillet 2024 20:13 Mis à jour: 1 juillet 2024 20:14

ENTRETIEN – Ancien député du Gard sous la bannière du Rassemblement national, qu’il a quitté en 2022, et désormais président de l’association « Alternative France », Gilbert Collard exprime sa satisfaction devant le score réalisé par le parti à la flamme au premier tour de l’élection législative. Toutefois, il s’inquiète du poids politique du Nouveau Front populaire, porté selon lui par un « électorat guerrier, quérulent et vindicatif », et prédit « des événements violents et tragiques, typiquement français » dans les temps à venir.

Epoch Times : Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, le RN est arrivé en tête lors d’élections législatives avec 33,15 % des suffrages, selon les résultats définitifs, avec 39 sièges dès le premier tour. Comment analysez-vous cette victoire électorale ?

Gilbert Collard : En 2012, seulement deux députés de ce qui était alors le Front national entraient à l’Assemblée nationale : Marion Maréchal-Le Pen et moi-même. En 2024, constater que 39 candidats ont obtenu des sièges au parlement dès le premier tour, préfigurant un nombre considérable de représentants, c’est tout simplement extraordinaire. Cette progression fulgurante est essentiellement due au contexte politique, sociologique, sécuritaire et économique actuel. Il existe un échec patent du discours et de la pratique politique des autres partis, avec pour conséquence un ras-le-bol généralisé des citoyens. C’est pourquoi le Rassemblement national est sur le point d’accéder au pouvoir.

Vous qui avez longtemps été très actif au sein du parti de Marine Le Pen, estimez-vous que la stratégie de dédiabolisation est à l’origine de cette nouvelle percée électorale ?

Permettez-moi de rappeler modestement que j’ai été au sein du parti le premier artisan de la dédiabolisation. Il est évident que sans ce processus nécessaire, nous n’en serions pas là aujourd’hui. En outre, il faut reconnaître que les excès de Reconquête ont également aidé, en jouant un rôle de paratonnerre, le mouvement d’Eric Zemmour s’attirant les foudres du monde politique et médiatique, qu’il cherchait, du reste, à recevoir.

Le lent processus de dédiabolisation, qui met nos adversaires dans une rage homérique, démontre son succès. Les discours sur le fascisme, Vichy et la Seconde Guerre mondiale martelés par les adversaires du RN n’ont plus d’impact sur les scrutins électoraux et amusent désormais les Français, qui ne les prennent plus au sérieux.

66,7 % des électeurs se sont mobilisés lors de ce scrutin, un taux jamais atteint depuis 2002, où la participation avait été de 64,4 % de participation au premier tour, et comparable à celui des élections législatives de 1997, provoquées également par la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac (67,9 %). Comment l’expliquez-vous ?

Je crois que les Français ont avant tout exprimé leur désir de voir le Rassemblement national accéder au pouvoir. Que cela plaise ou non, c’est une réalité électorale.

Cependant, l’augmentation de la participation électorale ne signifie pas nécessairement une réconciliation avec le système politique. Cela pourrait plutôt refléter une lassitude profonde, un souhait ardent de voir les caciques et les habitués du système être remplacés.

Le Nouveau Front populaire a été cependant placé derrière le RN par les électeurs, avec un score de 28 %. Quelles conclusions en tirez-vous ?

On observe clairement que le vote prolétarien, rural et ouvrier se dirige désormais vers le Rassemblement national, délaissant les partis de gauche. Ces derniers, en revanche, captent un nouvel électorat issu des banlieues grâce à leur rhétorique islamo-gauchiste très hostile à l’égard d’Israël.

Un vote particulier et très préoccupant pour la démocratie, car il provient d’un électorat guerrier, quérulent et vindicatif, qui descend dans la rue quand le résultat des urnes ne lui convient pas, croyant que la démocratie n’existe pas et estimant que seule compte son opinion.

Le bloc central a essuyé une nouvelle défaite après les européennes du 9 juin. Des figures de la macronie, y compris le Premier ministre Gabriel Attal, ont appelé au désistement des candidats du camp présidentiel arrivés troisième en cas de triangulaire, au profit de ceux du Nouveau Front populaire. Quel regard portez-vous sur ce choix politique ?

C’est la prime à leurs combines. Les macronistes montrent à l’opinion publique qu’ils sont dépourvus de convictions politiques sincères, qu’ils sont des marchands de voix électorales prêts à renier ce qu’ils ont dit la veille pour gagner une circonscription. Nous avons bien vu que, tout au long des dernières semaines et des derniers mois, le camp présidentiel a condamné Mélenchon, la France Insoumise et les excès du Front populaire, à commencer par Madame Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale. Maintenant, cette dernière nous dit qu’elle « fera du cas par cas », parce qu’elle a besoin des voix de l’extrême gauche pour être éventuellement réélue.

Ce que les hommes et femmes politiques n’ont pas compris, c’est qu’il existe aujourd’hui une donnée très importante de la vie politique : la mémoire médiatique. À notre époque, il n’est plus possible de dire aussi facilement qu’hier tout et son contraire, car la preuve de ce qui a été déclaré demeure enregistrée, en image et en son. Il est terrifiant pour le personnel politique de ne toujours pas avoir compris que les preuves de ces louvoiements, de ces tergiversations, de ces reniements sont gravés dans l’image et qu’on les a sous les yeux.

A contrario, Les Républicains, bien qu’aussi à droite, refusent de donner la moindre consigne de vote.

C’est la longue histoire de ce qui reste des Républicains. À chaque élection, ils se comportent en fonction de calculs qui leur permettront de survivre à la petite élection d’après : municipale, départementale, régionale. Ils continuent à croire que pourront peut-être être sauvés, à la faveur d’alliances mortifères, un siège de conseiller départemental, régional ou de maire. Il est vrai que ce système leur a permis de s’installer solidement à ces échelons, mais cette stratégie semble désormais usée.

Après les images de la conférence de presse de Jean-Luc Mélenchon, flanqué à sa gauche de Rima Hassan, nous avons vu le rassemblement de la gauche sur la place de la République, où les électeurs du Nouveau Front Populaire, scandant « Tout le monde déteste la police » et « Paris en feu, les fachos au milieu », étaient entourés de drapeaux algériens et palestiniens, sans qu’aucun drapeau tricolore ne soit visible. Que cela vous inspire-t-il ?

Que la France n’était pas représentée. C’est un électorat vindicatif qui ne se bat pas pour la France, mais pour la cause palestinienne, pour le chaos, pour s’opposer à la lutte contre l’insécurité. C’est un électorat de guerres urbaines. Il est invraisemblable de voir des drapeaux palestiniens et des drapeaux de pays étrangers lors d’une manifestation en France à l’issue d’une élection française.

Qu’est-ce qui se jouera à vos yeux dimanche prochain ?

Je pense que l’issue politique vers laquelle se dirige notre pays ne se décidera pas dimanche prochain. Quoi qu’il arrive, la France, par la folie de son président de la République, est entrée dans une de ces périodes turbulentes dont elle a le secret. C’est une spécificité française, cette capacité à entrer dans une phase de tumultes qui donnent naissance à des événements incroyables. Nous ne savons pas ce qui va se produire. Nous guettons, nous attendons.

Pour comprendre ce qui se passe, il faut connaître l’histoire de France. Nous sommes dans une de ces situations d’où quelque chose émerge toujours. Quoi exactement ? Je n’en ai aucune idée. Que le Rassemblement national accède ou non au pouvoir dans les prochains jours, qu’il obtienne une majorité relative ou absolue, cela comptera bien sûr pour la politique immédiate, mais annoncera surtout d’autres évolutions dans l’avenir politique du pays.

Si l’on se plonge dans les écrits de Joseph de Maistre, qualifié de providentialiste pour sa foi en la Providence, on découvre qu’il avait du mal à expliquer les événements qui ont débuté à partir de 1789. Comme on l’entend aujourd’hui, les gens lui disaient : « On ne comprend rien à ce qui se passe. On en a assez, on n’en peut plus. » C’était il y a plus de deux siècles.

Aujourd’hui, que dit-on partout ? « On ne comprend rien, on en a marre, on n’en peut plus. On cherche un médecin, il n’y en a pas ; une administration, elle ne répond pas. On réclame la sécurité, elle fait défaut. On espère un allégement fiscal, mais les impôts s’accumulent. On demande la vérité, on ne reçoit que des mensonges. On souhaite la souveraineté, mais c’est l’Union européenne qui décide. On réclame justice, mais il faut six ans pour obtenir une décision judiciaire. »

Je pense que nous nous dirigeons vers des événements violents et tragiques, typiquement français sur le plan historique. En France, rien ne se règle autrement que par des révolutions. Le processus peut prendre du temps, mais il est désormais enclenché.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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1 Commentaire

  1. La différence avec 1789, différence notable, c’est que les Français disposent tous aujourd’hui du droit de vote. Dimanche, c’est à eux de décider. Tous ceux qui porteront leurs voix sur les mêmes qui ont amené la France au chaos depuis tant d’années, Gauche et Droite confondues, sont responsables de ce qui va arriver. Responsables et coupables. La connerie atavique de ces électeurs n’excuse rien. C’est même une circonstance aggravante. Il n’est pas donné à tout le monde d’être con, mais il ne faut pas en abuser.