Je ne reviendrai pas sur les circonstances de cet accident qui lui a coûté la vie, je l’ai traité dans un article sur Riposte Laïque, le 9 décembre 2019.
J’ai eu l’honneur et le bonheur d’avoir pu le rencontrer à plusieurs reprises, dans le cadre de ma profession de journaliste au quotidien « L’Aurore », à Paris, entre 1958 et fin 1959 et, notamment, quelques jours avant son départ pour le « Luberon », où il rejoignait sa famille pour les fêtes de Noël et de fin d’année.
Sans Camus je n’aurais très probablement jamais exercé cette profession car c’est grâce à son intervention que j’ai pu y accéder en 1946, en tant que « stagiaire » à la rédaction sportive du quotidien « Alger-Républicain », dont il était le brillant éditorialiste.
Deux souvenirs, entre autres, m’ont marqué plus spécialement.
C’était une soirée de ce début de 1959.
J’avais insisté pour qu’il m’accompagne afin d’assister à la pièce « La famille Hernandez », de Geneviève Baïlac, au théâtre Gramont, près des Grands Boulevards, à Paris.
Nous avons ensuite dîné ensemble, en compagnie de Marthe Villalonga et de tous les acteurs, dans le restaurant qui faisait l’angle de cette rue de Gramont et des Grands Boulevards.
Je me souviens de ses paroles, le lendemain : « Tu vois, me dit Camus, nous avons bien ri, mais il ne faudrait pas que les Français de métropole voient, à travers des spectacles comme celui-ci, le vrai visage des Français d’Algérie. Ce serait totalement faux et impardonnable. Ces scènes appartiennent à notre folklore, au même titre que les “Mystères de Paris“, le “Bal à Jo” ou la “bourrée auvergnate” le sont aux métropolitains.
C’est notre rôle de démontrer que le Français d’Algérie parle certes avec un accent, tout comme le Français de toutes les régions de France, à l’exception paraît-il des Tourangeaux, mais qu’il n’a rien à envier aux métropolitains en ce qui concerne la syntaxe ou la pureté du langage. Ce sera à des journalistes comme toi de citer à chaque occasion les noms de tous ces Français de chez nous qui appartiennent toujours à l’élite française : hommes de lettres, professeurs, maîtres du barreau, de la chirurgie, de la médecine, sportifs de très haut niveau, acteurs, chanteurs, musiciens et, hélas, politiciens aussi.
Il faudra rappeler sans cesse que l’Algérie a donné à la France les meilleurs de ses fils, sans les lui marchander.
Il m’informa qu’il travaillait à l’écriture d’un roman biographique : « J’ai toujours eu l’intention de le « pondre » sans jamais en avoir eu le temps. On n’a jamais le temps pour l’essentiel, pour le réel, pour les seules choses qui comptent. On en perd trop pour le superficiel. »
Le second souvenir, qui ne quitte pas mon esprit depuis une soixantaine d’années, c’est l’une de ses dernières déclarations, juste avant de quitter Paris, et qu’il m’avait promis de développer à son retour des fêtes : « Si demain le pouvoir nous impose un référendum sur l’indépendance de l’Algérie, je me prononcerai « contre », sans équivoque, aussi bien dans la presse française qu’en Algérie.
Je maintiens qu’Algériens, Français et musulmans, doivent cohabiter.
L’Algérie est catholique à la Toussaint, musulmane à l’Aïd-el-Kebir et juive à Yom Kippour. Ce sera à des journalistes comme toi de rappeler sans cesse cette vérité première.»
C’est ce que j’ai tenté. Mais ils sont tellement nombreux ceux qui ont « interprété », depuis sa disparition, la pensée d’Albert Camus « sans même l’avoir jamais connu » !
Manuel Gomez
https://ripostelaique.com/albert-camus-nous-a-quittes-le-4-janvier-1960.html
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J’avais lu l’étranger, ce bouquin laisse une impression d’étrangeté, mais qui ne m’a pas passionné.
Merci pour ce témoignage. S’il est une chose qu’il ne faut jamais oublier d’Albert Camus, c’est que dans le discours de réception de son Prix Nobel, il rendit hommage a sa mère, femme de ménage analphabète, et a son instituteur, Monsieur Germain. Aujourd’hui, en Francarabia, les instituteurs sont égorgés.
Je n’ai rien trouvé d’exceptionnel dans ses romans. Plutôt légers et ennuyeux. La Peste ou l’Étranger ne sont pas des fulgurances dans le monde de la littérature.
Bonjour,
Je ne suis pas du tout d’accord avec toi : ces deux romans sont des merveilles.
L’Etranger est mon plus grand choc littéraire.
De gustibus et coloribus non est disputandum :=)
Je suis plutôt Louis-Ferdinand Céline, sauf pour la période antisémite que je réprouve totalement. Ma vision pessimiste du genre humain provient sûrement de là. J’ai appris que Céline lorsqu’il s’est retiré après la guerre dans un pavillon de banlieue avait ouvert un cabinet médical et qu’il y soignait les indigents sans distinction souvent gratuitement. Il y soignait d’ailleurs tout le monde. Un homme complexe, toujours déroutant, un style hors du commun. Mort à crédit, Rigodon, Voyage au bout de la nuit et quelques autres, D’un château l’autre, Nord, Féérie pour une autre fois. I
Bonjour,
C’est exactement la discussion que j’ai avec mon médecin : il me vante Céline et l’oppose à Camus, qu’il trouve nul.
Perso, quand, ado, dans les années 70, j’ai entendu Céline geindre sur lui-même, à France-Culture, je me suis juré de ne jamais le lire.
Ce que j’ai fait : je sais, c’est c***, mais je suis c*** :=)
Je garde intacte ma passion pour Camus …
Personne n’est con à RR, et surtout pas toi. Ce qui nous rapproche est plus fort que ce qui nous sépare. Amitiés corréziennes.
Bonjour,
:=)
19 en force !
Camus m’a quand même valu une excellente note en philo où le sujet était le mythe de Sisyphe. Je me rappelle avoir décrit l’homme écrasé par son destin, transmettant de génération en génération le fardeau de la destinée humaine et de son mystère.
Bonjour,
Tu vois bien, tu devrais lui en être reconnaissant ! :=)
Ce brave homme n’a pas compris qu’un compromis, une cohabitation musulmans, Juifs , catholiques , franc-maçons, laiquards ne peut exister . C’est l’Algérie heureuse de son enfance. Un temps béni au soleil dans les odeurs parfumés et les terrains rocailleux bien irrigués. Le Père de Foucault l’avait bien compris. Ou nous les convertissons ou ils nous chasserons. La leçons n’a semble t’il pas été comprise.
l’Algérie française est morte. Reste la nostalgie de cette époque.
Je me souviens avoir lu « le mythe de Sisyphe » de Camus mais cela ne m’a pas marqué plus que ça, vouloir « solutionner » l’absurde est une absurdité en soi.