Une isba visible au musée de l’architecture en bois Vitoslavlitsy qui se situe sur le territoire du Monastère Saint-Georges de Iouriev, à 4 kilomètres de la ville de Novgorod, sur la rive sud du lac Miatchino (zoom).
Une isba est construite en posant, pour former au sol un carré ou un rectangle, des cadres faits de rondins (appelés venets) les uns au-dessus des autres, sans clous, en utilisant seulement la hache. Le poêle russe (Le poêle de masse) est une partie intégrante de l’isba, fournissant la chaleur, un endroit pour cuisiner, un emplacement douillet pour dormir en hiver, et un habitat pour l’esprit de la maison : le Domovoï.
La création de l’habitation traditionnelle doit répondre à tout un ensemble de conditions incluant : Traditions – Procédures Techniques – Vigilance et Magie, sans oublier l’Esthétique.
Le mot « isba » vient de « истьба », qui en vieux slavon signifie « maison » ou « banya ».
L’aventure commence par le choix d’un emplacement favorable pour ériger la bâtisse.
Pour cela de nombreux facteurs sont pris en compte :
· que s’est-il passé auparavant dans ce lieu, quelle est son histoire,
· quelles légendes locales se rapportent à ce site,
· quels évènements favorables ou négatifs se sont déroulés ici,
· comment les villageois le perçoivent-ils,
· où passent les lignes et les zones de forces, les eaux souterraines, (Un sourcier sera le plus souvent déplacé pour analyser ces champs et déterminer les points les plus favorables).
· ce site a-t-il été choisi par le grand-père ou le père ?
Enfin quand l’emplacement idéal est déterminé, on procède à l’implantation avec orientation de la porte et un maximum de fenêtres au sud.
Le creusement des fondations s’en suit.
Suivant les convictions, le pope peut être invité pour confirmer le bon choix de l’endoit. Il reviendra bénir une fois la bâtisse terminée.
De l’argent a été placé sous les quatre angles du soubassement de la maison, pour attirer la fortune.
De l’écorce de bouleau est déposée dans le fond de fouille afin que la maçonnerie du socle ainsi que les premières poutres, ne puisent pas l’humidité du sol.
De l’écorce de bouleau est placée également sous le seuil des portes dans le même but.
Particularité de technique de construction :
Le bois est frais-coupé et humide quand utilisé. Ici pas de séchage forcé en étuve ou attente de quelques années en extérieur. Sur la base de ce matériau cru, la méthode de construction consiste à bâtir la structure, toit inclus, en une mise hors d’eau avec des portes et fenêtres temporaires, et attendre que le séchage naturel vienne « murir » l’édifice.
Ce processus prend en principe de 2 à 3 ans. Ensuite, quand les bois ont séché et que la structure s’est « assise », les issues sont fermées de huisseries définitives et l’aménagement intérieur effectué.
La maison traditionnelle est construite en rondins de pin écorcés, préparés, traités, taillés, empilés, emboîtés, enclavés, enchâssés, ajustés et coincés par des entailles.
Quand elles sont érigées selon les méthodes traditionnelles, ces maisons sont d’une exceptionnelle isolation thermique, au point que le simple poêle à bois suffit pour que la famille ne porte dans son intérieur, au quotidien que des vêtements légers et de simples chaussettes, même au plein hiver.
Lors de la pose des cadres de fenêtre, des chevilles (chopiki) en tremble sont utilisées.
Les fenêtres sont disposées de manière à ce que le propriétaire puisse regarder dans toutes les directions. Si une direction reste sans surveillance, le mal et le négatif viendront forcement de ce côté.
Le tremble sera de préférence employé pour les poutres de la toiture et pour les bardeaux.
L’orientation générale au sud ensoleille la cabane, et permet au printemps après la pluie de sécher rapidement la cour.
L’isba peut être agrémentée d’un sas intérieur, pour couper l’air froid, et d’un porche pour protéger le seuil des intempéries.
Les 7 emplacements particuliers dans l’isba
La maison est un microcosme singulier, ou chaque point, chaque détail est rempli de sens, et traduit la relation de l’habitant avec le monde qui l’entoure.
Quelques règles simples déterminent les comportements et habitudes dans la maison, par exemple :
· Ne serrez pas la main d’un invité à travers le seuil,
· Fermez soigneusement les fenêtres pour la nuit,
· Ne frappez pas du poing sur la table,
· Ne crachez pas dans le four !
1. Les portes
Nous sommes donc entrés dans la cabane, nous avons franchi le seuil. Pour un paysan, ce seuil, cette porte, n’est pas seulement l’issue de la maison, c’est aussi la frontière entre les 2 mondes : l’extérieur et l‘intérieur.
L’extérieur, ou peuvent se rencontrer menaces, et potentiels dangers.
Par cette porte, une personne mauvaise et des esprits pernicieux peuvent pénétrer dans la maison, donc à ce niveau les précautions et les défenses seront décuplées.
L’intérieur protecteur est lui aussi, muni de tous les boucliers contre d’éventuelles agressions d’êtres malveillants ou de mauvais sorts.
En plus des serrures, et des verrous, un système de remparts symboliques a été développé pour protéger l’habitation des «mauvais esprits» : des croix, des branches d’ortie, un fer à cheval, des fragments de faux ou lame de couteau coincées dans la fissure du seuil ou du montant de la porte.
Le paysan pour parfaire sa protection, fait appel aux lutins, gnomes et farfadets amicaux.
Comme vous avez respecté les usages en entrant dans la maison, il est de coutume d’en sortir en répétant certains gestes traditionnels.
Ces pratiques ont pour but d’assurer la santé et la pérennité des habitants que vous quittez, mais aussi d’assurer votre sécurité pour la route qui vous attend.
Vous ne devez pas entrer dans la maison et ne pas la quitter, sans prononcer d’une courte prière (« Sans Dieu – pas au seuil »). Avant un voyage, il y est de coutume de s’asseoir.
De plus il est interdit aux inconnus et aux passants de parler à travers le seuil et de regarder les angles intérieurs.
2. Le poêle de masse
Imposant de par ses dimensions, le poêle est le centre névralgique de l’isba
On ne voit que lui en entrant.
Le poêle, qui sert à la fois de source de chaleur, d’emplacement pour cuisiner et d’endroit où dormir, est aussi utilisé pour traiter diverses maladies, par la chaleur douce qu’il diffuse.
Une maison sans poêle n’est pas habitable, comme un mec sans poil n’est pas un homme.
La fonction principale du four – la cuisson des aliments, peut être entendue non seulement dans son usage économique, mais aussi dans sa mission sacrée : de cru, et impur l’aliment est transformé en maîtrisé, cuit, et pur.
N’oublions pas aussi qu’il abrite le Domovoi, l’esprit de la maison.
3. Le Coin Rouge
Dans la hutte russe, il y avait toujours un Coin Rouge en diagonale du poêle, où sont arborés : des icônes, la Bible, des livres de prières, des images d’ancêtres, tous ces objets qui portent une haute valeur spirituelle.
Le Coin Rouge est préférablement placé dans l’angle est de la hutte.
Le Coin Rouge est un lieu sacré de la maison, qui est mis en valeur par son nom : le rouge c’est le beau, le solennel, le festif.
Toute la vie était concentrée sur le Coin Rouge. Ici, les paysans ont dîné, prié, béni, c’est vers le Coin Rouge que les têtes des lits ont été tournées. La plupart des rituels associés à la naissance, aux mariages, aux funérailles ont été exécutés ici.
4. La table
La table dressée et garnie, en symbole d’abondance, de prospérité, de stabilité. La vie quotidienne ou festive de la famille est concentrée ici, l’invité est assis à cette table, et du pain et de l’eau bénite y sont déposés. La table est assimilée à un sanctuaire, un autel, qui laisse une empreinte sur le comportement de tous.
5. Bancs, Coffres et Huches d’entreposage
Dans la hutte, pour le confort, des bancs mobiles et d’autres fixes sont disponibles et à partir du XIXe siècle, les chaises ont commencé à apparaître.
Le long des murs, les propriétaires ont installé des bancs fixes, aux pieds sculptés et décorés de motifs ouvragés et d’ornements coloriés traditionnels.
Les bancs servaient aussi le plus souvent de coffre et de rangement divers. Bien sûr on séparait la aussi hommes et femmes avec attributions et emplacements spécifiques.
Et voici le banc, dit du « mendiant », situé près de la porte. On lui a donné ce nom parce qu’un mendiant ou quiconque est entré dans la cabane pour quémander de l’aide, pouvait s’y asseoir.
Sur le tableau ci-dessus, vous remarquerez au plafond, la poutre maitresse.
6. La poutre maîtresse
Si nous nous tenons au milieu de la cabane et levons les yeux, nous voyons une poutre énorme, qui soutient le plafond.
C’est la clef de toute la construction, sur laquelle viendront se poser les poutres secondaires, puis les bois de charpente.
Cette poutre massive s’appelle » matitsa « . Les poutres secondaires posées, les espaces entre elles sont recouverts d’argile, pour l’isolation.
Dans la tradition, un anneau était vissé à la poutre-mère pour le « ochep », une perche souple mais solide, à l’extrémité libre de laquelle le berceau était suspendu .
La iatitsa a été créditée du rôle de frontière symbolique entre l’intérieur de la cabane et l’extérieur. L’invité, entrant dans la maison, doit s’assoir sur le banc et ne peut pas s’avancer au-delà de la poutre-mère sans l’invitation des propriétaires. Ce formalisme largement teinté de superstition n’a heureusement plus cours.
D’après un article original paru sur https://www.culture-russe.com/
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On comprend pourquoi l’on appelait la Russie, la Sainte Russie. – Le coin rouge, la table assimilée à un sanctuaire, à un hôtel, Le banc dit du mendiant pour l’accueil du pauvre; La iatitsa, frontière symbolique à ne pas dépasser sans invitation (…).
Lire ‘l’hôte du pape’ d’un russe exilé, sur la révolution russe et le communisme, excellent. (Bcp de larmes ont coulé dans les maisons de la Sainte Russie, la pureté communiste, de l’humour et des passages sur la papauté).
Un petit reportage sur la samagonka ukrainienne, après ça ? ☺
cela ressemble a nos chalets des alpes !Mais excellent documentaire
Très bel article. Ça a une autre gueule que les clapiers moderne préfabriqués.
Sympa, cette petite visite…
https://fr.rbth.com/ Vous voulez de l’histoire et de la culture Russe vous serez pas décus
Article très instructif et intéressant ! Bravo et merci pour cette leçon d’histoire Russe !
Merci Jules Ferry pour ce reportage captivant, où l’on comprend la complexité de l’âme russe. L’âme russe est comme la surface d’un lac, tantôt calme, tantôt agitée. Pour la comprendre, il faut d’abord l’aimer.
Article très intéressant.
Mais on s’aperçoit qu’ont peut être croyant (Bible, coin rouge) et en même temps superstitieux comme au fin fond de la Normandie ou de l’Auvergne….
Comme me disait un ami sur un autre sujet : « C’est partout pareil ! »
Je suis chrétien (j’ai tout mes diplômes depuis le baptême 😉) mais non croyant et non superstitieux …