Le 16 décembre 1921, un vieil homme dîne au restaurant de l’hôtel Oasis à Alger. Son repas terminé, il fait une partie de dominos avec ses amis. L’homme gagne, mais il gagne toujours ! Content de lui, il dessine une fleur sur le papier qui lui avait servi à compter les points, puis il va se coucher. Notre homme a bien un petit rhume, mais son médecin traitant lui a dit que ce n’était rien. Le vieux monsieur va se coucher et reçoit la visite de son intendant qui lui propose une tisane. Faisant mine d’être en colère, l’homme répond qu’il n’a besoin de rien. Mais quelques minutes plus tard, le serviteur croit entendre un râle provenant de la chambre. Et bien qu’un médecin soit mandé en urgence, le vieillard a juste le temps de dire « cette fois je crois que c’est la fin » et il s’éteint à l’âge de 86 ans, à 22 heures Il s’appelait Camille Saint-Saëns.
En bas, dans les salons de l’hôtel, on fait la fête au son d’un orchestre populaire, mais quand la nouvelle du décès de Saint-Saëns est connue, c’est la consternation. Saint-Saëns est né le 9 octobre 1935 à Paris. Naturellement je ne vais pas m’étaler sur la biographie de ce génie français, ce serait forcément lassant ! Sa longue existence lui aura permis de composer un nombre d’oeuvres très important, une petite partie seulement est jouée couramment de nos jours. Saint-Saëns est toujours resté un classique, en dépit de l’impressionnisme de Debussy, du dodécaphonisme de Schönberg ou des audaces d’un Stravinski. C’est pour cette raison que les Français ont souvent et injustement une opinion sévère vis-à-vis de Saint-Saëns, mais ils ont le même sentiment envers Berlioz, accusé pour le coup d’en faire trop ! Saint-Saëns n’était pas seulement un compositeur prolifique mais aussi un organiste et un pianiste de grand talent.
Passons à la musique à présent !
On va commencer avec la musique pour piano et orchestre, cinq concertos plus des pièces pour piano et orchestre. On va commencer avec le concerto numéro 2, sans doute le plus célèbre, composé en 1868 pour son ami Anton Rubinstein. Toutefois, lors de sa création, c’est le pianiste qui dirigeait l’orchestre, le compositeur tenant le clavier.
C’est un autre Rubinstein que nous allons voir maintenant, il est accompagné par l’orchestre symphonique de Londres dirigé par André Prévin :
Autre morceau pour piano et orchestre, composé initialement pour piano seul en août 1884. Voici cette version jouée par le maître lui-même !
Et maintenant la version avec orchestre, de novembre 1884, on pourra remarquer la différence de tempo entre les deux interprétations, 6’53 » pour Saint-Saëns et 10’23 » pour l’orchestre des jeunes de Toronto !
Pour les symphonies, s’il est généralement admis que Saint-Saëns en a écrit trois, le nombre est de cinq, en effet deux compositions ne comportent pas de numéro d’opus, Saint-Saëns les ayant rejetées. La dernière symphonie est la plus connue, elle utilise un orgue dans les deuxième et quatrième mouvement, une première dans le genre ! Il y a aussi un piano qui intervient à deux mains dans le troisième mouvement, à quatre mains dans le dernier. Cette symphonie a été composée en 1886 et elle est dédiée de l’ami Franz Liszt décédé le 31 juillet 1886, bien que la première fut jouée à Londres le 19 mai de la même année sous la direction du compositeur. Si les quatre mouvements traditionnels sont bien présents, le premier et le deuxième s’enchaînent sans interruption, même chose pour les deux derniers :
Pour le violon, Saint-Saëns a écrit trois concertos et des pièces pour violon et orchestre comme Havanaise et Introduction et rondo capriccioso. Voici cette musique magnifique jouée par la belle Janine Jansen accompagnée par l’orchestre philharmonique de Berlin dirigé par Neeme Järvi en 2006 :
Pour ne pas trop charger cet article, je vais faire l’impasse sur les concertos pour violoncelle, mais certainement pas sur la danse macabre ! Cette pièce a été créée le 24 janvier 1875. Pendant la nuit, des squelettes sortent de leur tombe pour faire la java. Evidemment ça se passe à minuit, la harpe sonnant les 12 coups. Puis un violon volontairement grinçant annonce les festivités, les squelettes sont dehors et le xylophone imite le claquement de leur os. Au lever du jour, le coq chante (avec le hautbois). Les squelettes retournent dans leur tombe et le silence revient :
Et nous allons terminer ce premier voyage en compagnie de Saint-Saëns avec sa « fantaisie zoologique », le carnaval des animaux. Il fut composé au début de 1886 dans un village proche de Vienne, en Autriche. Il fut créé le 9 mars 1886 à l’occasion de carnaval de Paris. et joué le 2 avril de la même année en présence de Franz Liszt qui en admirait l’orchestration. Mais très vite on reprocha à Saint-Saëns d’avoir écrit cette musique qui faisait désordre à sa réputation de musicien sérieux. Le compositeur réagit en interdisant l’exécution du carnavale des animaux, à l’exception du cygne. C’est donc en 1922 que l’œuvre a pu être jouée. Il faut dire que c’est un peu loufoque, on y trouve pêle-mêle un lion, des tortues, des fossiles et même des pianistes condamnés à effectuer leurs pénibles exercices : Saint-Saëns a aussi parodié de nombreuses musiques, y compris la sienne ! Ecoutons à ce sujet ce qu’en dit le grand chef Leonard Bernstein. Oui c’est en anglais mais si j’arrive à comprendre, alors vous aussi !
Pour commencer, les tortues :
Suit l’éléphant :
Enfin les faux-cils fossiles :
Voici deux liens, le premier vous amènera à une version comportant des dessins, l’autre vous aurez l’orchestre :
Notre premier voyage avec Saint-Saëns, se termine là. La prochaine fois, nous le retrouverons en Afrique et dans une ville dont il était tombé amoureux : Alger !
DU BONHEUR ET DU RIRE EN BONUS
Le carnaval des animaux a été donne en concert en 2005 au théâtre de verdure de Berlin, en solistes, les fameuses sœurs Katia et Marielle Labèque, qui jouent toujours ensemble, soit des musiques avec deux pianos, soit des musiques en piano à quatre mains. Dans la partie « pianistes », elles commettent volontairement des erreurs et le chef Simon Rattle joue le jeu :
En 1993, les sœurs Labèque auraient pu voir leur carrière s’arrêter d’un coup, elles avaient un duo prestigieux qui pouvait leur faire de l’ombre :
Du bonheur avec la leçon de musique dans La Mélodie du bonheur :
https://tvs24.ru/pub/watch/5541/do-r-mi/
Et voilà ce que l’on a fait de cette chanson dans la gare d’Anvers, pas de personnes issues de la diversité, pas de représentants de la Religion d’Amour de Tolérance et de Paix, admirez la joie des danseurs et la flamme qui brille dans les yeux des spectateurs ! Quel monde merveilleux c’était !
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Saint Saens est un de mes compositeurs préférés. Merci pour ce très bel article !
Merci de mettre Saint-Saens à l’honneur, il avait le génie de l’inspiration mélodique. Comme Gabriel Fauré il a été un maitre pour d’autres musiciens, pas seulement français, mais aussi russes… On doit beaucoup à la musique Française d’avoir au long des siècles fait école.
Merci pour cet article.
Je pense que même ceux qui ne connaissent pas Saint-Saëns doivent quand même déjà avoir entendu sa fameuse « Danse Macabre »?
Pour moi, Saint-Saëns est bien LE compositeur dont les musiques seraient idéales dans les dessins-animés – voire les films? …je ne sais pas trop – pour ENFANTS.
Ses compositions sont toutes pleines d’histoires, après tout… et ces tons…!
Merci encore pour cet article, et notamment pour les deux dernières vidéos : ça redonne un peu de chaleur sous la pluie…!
Merci de votre commentaire, c’est vrai que tout le monde connaît la danse macabre, et sans doute la bacchanale de Samson et Dalila que je publierai la semaine prochaine avec le cinquième concerto pour piano « l’égyptien », la fantaisie africaine et un extrait de la suite algérienne.
Bien à vous,
Filoxe