Promenade nostalgique dans l’école de la IIIème République

 

Préambule : le contexte actuel

La violence s’est totalement banalisée.

Un enseignant déplore l’atmosphère délétère de l’établissement depuis quelque temps : “Dans ce collège, la violence s’est totalement banalisée. Elle est physique avec les élèves, et morale avec leurs parents. Nous, on est là à faire du mieux possible, mais ce n’est pas vraiment notre boulot. A Willy-Ronis, la principale figure d’autorité est devenue la police.” Un élève de 5e délivre un sentiment semblable : La violence, c’est devenu normal dans cette école. C’est tous les jours.”

Collège de Champigny, dans le Val-de-Marne

https://www.24matins.fr/val-de-marne-la-principale-dun-college-etranglee-par-une-mere-deleve-1136754

 

Nous avons évoqué la situation de l’école en 2020, au collège et au lycée mais les élèves d’autrefois arrêtaient l’école bien avant.

L’occasion nous est donnée de nous remémorer la situation de l’instituteur, celui de la IIIème République, dont le quotidien était très différent de celui que connaissent aujourd’hui les professeurs des écoles.

 

Un texte d’Albert Bayet, « Respectez votre instituteur», et publié dans Morale et instruction civique (cours élémentaire, 1904), nous éclaire sur le statut du maître au début du XXème siècle :

« L’instituteur instruit les enfants; il enseigne les moyens de devenir bons et heureux, il ne s’arrête pas : quand il a fini de faire la classe, souvent il va faire des cours et des conférences aux jeunes gens, aux hommes. Pour que les Français soient plus sages et meilleurs, il travaille, il travaille encore… »

Et Bayet, ancien élève de l’École supérieure, d’avertir : « Les enfants qui se conduisent mal envers leur instituteur, qui, pendant les classes, bavardent au lieu d’écouter, qui sont grossiers ou impolis, ces enfants ne se rendent pas compte qu’ils commettent la faute la plus grave. Enfants, respectez votre instituteur.»

Seul  le rôle d’évangéliste dans sa propagation des idéaux laïcs et républicains dans les coins les plus reculés du territoire peut nous faire comprendre une telle déification de l’instituteur. Secrétaire de mairie, écrivain public, arpenteur, géomètre…, l’instituteur remplissait dans les villages toutes les fonctions que sa qualité de «lettré-pédagogue de la République» lui conférait.

Un fils d’instituteurs,  Noël Coret, raconte (années 1950) :

Nos propres souvenirs nous ramènent dans les années 1950 dans ce petit village de Coulonges-en-Tardenois où nos parents, en plus de la journée de classe et de l’étude du soir, remplissaient nombre de feuilles d’impôts des parents d’élèves et venaient en aide à la mairie pour résoudre les problèmes administratifs…

Se partageant à eux deux l’éducation de quelque soixante-quinze écoliers, ils affrontaient d’autres adversités. Ainsi le logement de fonction annexe de l’école n’avait pas le chauffage central et nous nous souvenons avec émotion, lors des longs mois d’hiver, de la «tournée des poêles» que notre père faisait chaque soir, tard, et chaque matin, très tôt, pour s’assurer que ses six enfants ne souffraient pas du froid…

On ne soulignera jamais assez l’énergie, le courage et l’abnégation dont firent preuve les instituteurs ruraux du début du siècle aux années 1960…

Noël Coret, Sur nos pupitres d’écoliers, des livres de lecture, 2006. 

Et s’il fallait faire un rappel historique : non, notre école française n’est pas née toute seule.

Il a fallu beaucoup de volonté à ses initiateurs. 

Il en faudra beaucoup au peuple français contemporain pour la reconquérir.

A défaut de la mériter, les élèves de 2020 qui lui crachent dessus (et, osons le dire, certains adultes peu exemplaires) devraient relire l’histoire.

La Révolution française donnera l’impulsion décisive à l’école primaire. Le 3 septembre 1791, l’Assemblée constituante déclare dans son titre premier de la Constitution : «Il sera créé une instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignements indispensables pour tous les hommes et dont les établissements seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division du royaume. »

Quinze jours plus tard, Talleyrand présente son rapport sur l’instruction publique et déclare (extrait) : «Il faut que des livres élémentaires, clairs, précis, méthodiques, répandus avec profusion rendent universellement familières toutes les vérités et épargnent d’inutiles efforts pour les apprendre.» Le manuel scolaire devient un outil nécessaire à la propagation des idéaux républicains.

Pour preuve, le 28 janvier 1793, un décret annonce la création d’un concours pour la composition de manuels de base à une instruction élémentaire, civique et morale, conforme à la nouvelle pensée républicaine ! Mais les réformes ont du mal à entrer en application et il faudra attendre la Loi Guizot de 1833 qui institue la liberté de l’enseignement primaire et prévoit l’ouverture d’une école primaire par commune pour qu’enfin la grande aventure de la communale soit lancée !

Le texte ci-dessous ainsi que  l’illustration de l’article sont tirés de Gallica :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5511899p/f5.image

Le XIXème siècle, berceau de « la communale » et du manuel de lecture

L’épopée de l’école primaire est intrinsèquement liée au manuel de lecture, outil privilégié de la mission première de l’école : apprendre à lire. Ainsi, entre 1831 et 1833, plus d’un million d’exemplaires d’un « premier livre de lecture» sont distribués aux écoliers! Le 28 mars 1882, l’instruction scolaire est au premier rang préoccupations nationales. Obligation, gratuité et laïcité sont les trois principes essentiels du nouveau système scolaire. Jules Ferry rend obligatoire l’enseignement primaire pour les enfants, garçons et filles, âgés de 6 à 12 ans. Le certificat d’études primaires est né. La loi Ferry insiste sur l’obligation de l’enseignement élémentaire et sur la laïcisation des programmes.

Sur la construction des écoles : 

https://www.histoire-image.org/fr/etudes/construction-ecoles-somme-xixe-siecle

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8 Commentaires

  1. Bien d’accord avec vous, malheureusement tout cela a été mis au bûcher par les soixante-huitards. On pourrait même dire autodafé ou suicide puisque ce sont les enseignants eux-même qui ont voulu ça..

  2. L’école d’autrefois était d’un niveau supérieur par apport à aujourd’hui, mais il n’y avait pas de muzulmon.

  3. J’ai connu cette époque-là, car je suis entrée pour la première fois à l’école le 1er octobre 1952, j’avais 6 ans…
    J’ai terminé le lycée, avec mon Bac c’était en 1964…
    De toute ma scolarité, je n’ai gardé au final que de bons souvenirs…
    Nous respections l’institutrice que nous appelions « Maîtresse », féminin de « Maître »… à l’époque c’était ainsi…
    Tous les jours, en Ecole Primaire, en arrivant, le matin…
    Nous avions un cours de « Morale »…
    Nous aimions bien ces cours de Morale qui permettaient de faire comprendre aux élèves, ce qu’il ne fallait surtout pas faire…

    Quand nous voulions dire quelque chose, il fallait lever le doigt, sans parler… et on ne parlait qu’après y avoir été invitée, soit par la Maîtresse, soit par la Directrice, si elle était là, pour une raison quelconque…

    Nous n’avions pas le droit de parler en classe entre nous, sinon, c’était 1 point en moins sur la conduite… eh oui, chaque semaine, nous avions sur notre cahier à faire signer par les Parents, la note de conduite, et les notes obtenues dans chaque matière…

    C’était trop strict????
    Absolument pas, ça permettait à l’institutrice de faire ses cours normalement sans chahut, comme c’est le cas aujourd’hui…

    Pour moi, c’était une belle époque, nous apprenions en classe, en dehors de chez nous, tout comme à la maison… le respect des autres…!!!
    Rien à voir avec ce qui se passe depuis pas mal d’années à l’école…
    Une honte… comment avons-nous pu en arriver là???!!!!

    La Politique, en voulant rabaisser l’enseignement afin que tout le monde soit au même niveau… à fait baisser le niveau de tout ce que l’on apprenait à l’école, à un niveau tellement bas… c’est devenu invraisemblable…!!!
    L’école n’est plus l’école mais un foutoir organisé exprès en foutoir…
    On y apprend plus rien…!!! les enfants vont à l’école parce que c’est obligatoire… et encore… quand ils peuvent rester chez eux… certains se portent pâle comme on le dit si bien maintenant…

    C’est tout simplement honteux…
    Mais si on y regarde de plus près, l’école est à l’image de ce que la France d’aujourd’hui est devenue : un foutoir incommensurable!

    • l ‘on est 2 !
      en entrant au CP le 1 octobre seulement , l ‘on savait lire à Noêl

  4. l’ avenue Jules Ferry fut durant des decennies le nomde la plus belle avenue de Tunis

    son axe central était bordé de deux rangées de ficus qui abritaient des milliers de moineaux au vacarme assourdissant

    elle fut debaptisée en 1956, pour prendre le nomde avenue habib bourguiba

    tout en continuant des années a etre designée sous le nom de jules ferry

    j’ ai vécu cette époque benie ou l’ instituteur -on disait le « Maître » – bénéficiat d’ un respect absolu
    époque ou les coups de règle en bois sur la paume des mains était de rigueur

    quand a Monsieur le Directeur……un notable reconnu dans mon village

  5. Je viens de finir de lire un petit livre de 74 pages qui ressemble à un commentaire d’internaute qu’on trouverait sous un article. Il s’intitule Trois religions, l’auteur est Nicolas L. Le livre traite de la religion catholique, de la « religion » progressiste et de l’islam. C’est un plaidoyer pour le catholicisme. Il y est mentionné que les lois de 1901 et 1904 ont continué la persécution des religieux, dont un grand nombre ont dû s’exiler, et forcé la fermeture de 14 000 écoles tenues par des congrégations.

    De mon point de vue, le gouvernement de la France aurait gagné à agrandir le nombre des écoles publiques sans détruire la présence catholique en France. Peut-être aurions-nous alors aujourd’hui sur la terre de France des hommes et des femmes religieux capables de montrer au monde le traître à l’humanité qu’est le pape François. Il aurait alors fallu que les intellectuels révolutionnaires acceptent de modérer leur ivresse du pouvoir monopolisé. Les massacres du XXième siècle menés par des anti-chrétiens arc-boutés ne plaident pas en leur faveur et maintenant l’envahissement par l’islam dépasse le pire imaginable. Rejeter le principe d’un dieu d’amour, et de l’humilité qui encourage à s’améliorer soi-même constamment, coûte extrêmement cher.

  6. On pourrait ajouter la discipline, mais ce mot est devenu tout à fait obsolète…. Pas de discipline, plus de respect, plus de morale donc pas d’éducation possible. Tout ceci empêche la transmission du savoir et explique le classement Pisa, déplorable !

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