Pourquoi la liberté d’expression sur la toile, telle que nous l’avons connue, n’existera plus d’ici une dizaine d’années.
1erfévrier 2019 par Daniel Greenfield
Une génération de pression économique n’a pas réussi à réglementer l’internet. Les studios de cinéma et les maisons de disques indignés ont réussi à paralyser certains pionniers du partage des fichiers, mais ils se sont cassé les dents sur YouTube.
Des sociétés telles qu’Amazon, Google, Craigslist, eBay et Netflix ont anéanti des industries entières, du commerce de détail au journal local en passant par la location de vidéos, entraînant la perte de dizaines de milliers d’emplois.
Aucune pression de la part d’intérêts commerciaux n’a pu fermer l’internet. Les politiciens étaient encore trop investis dans une vision du progrès alimentée par la croissance de quelque chose qu’ils ne comprenaient pas.
« Un rideau de fer est descendu sur le continent» avait prévenu Winston Churchill.
Un rideau de fer numérique descend maintenant sur l’internet.
La liberté d’expression, telle que nous l’avons connue, n’existera plus d’ici une dizaine d’années.
L’internet restera encore un endroit bruyant, mais ce sera un bruit géré de chambres d’écho, un système modéré dans lequel les points de vue divergents seront traités comme des égarements et éliminés aussi rapidement qu’ils seront identifiés.
Les causes politiques des deux chutes de rideaux sont les mêmes.
L’Union soviétique et la gauche américaine avaient à la fois triomphé et hérité d’une vaste région chaotique qu’elles devaient consolider sous leur contrôle.
Le triomphe de l’Union soviétique avait été militaire sur des territoires physiques, tandis que la gauche américaine avait conquis les territoires de messagerie de l’ancien domaine culturel, des médias, du divertissement et de la publicité.
Ayant atteint ces objectifs, la gauche est en train d’augmenter son contrôle sur les grandes entreprises et les grands gouvernements.
Et pour ce faire, elle doit éliminer les voix indépendantes sur l’internet qui menacent son monopole de la messagerie.
La prise en mains de l’internet par une poignée de monopoles, la politisation de la direction des entreprises et la panique suscitée par Trump et le Brexit ont créé une opportunité unique.
Le prétexte officiel pour le coup de force était les « Fake News» (les fausses nouvelles, ou nouvelles faussées» : une terminologie mal définie qui signifie « désinformation».
La désinformation s’appuyait sur la panique familière de la capacité non réglementée de l’internet à influencer la société.
Mais cette fois, on l’a liée aux Russes, une menace étrangère classique, qui rendait la liberté d’expression trop dangereuse pour être maintenue.
La crise de la désinformation a fait valoir que l’influence étrangère sur la place publique constituait une menace pour la sécurité nationale.
C’était un argument dangereux qui avait des racines dans tout, des lois sur les étrangers et la sédition à la guerre froide.
Il y a quelques années, l’idée d’une censure de l’internet pour faire face à une menace sur la sécurité nationale aurait semblé une intrigue de film peu plausible.
Mais le pouvoir culturel croissant de la gauche américaine (et sans nul doute de la gauche européenne) lui permet de saisir rapidement une idée bizarre et de l’intégrer dans un mandat politique en quelques mois ou quelques années.
Les élections américaines devaient être protégées des Russes en réglementant, surveillant et censurant l’internet.
La censure directe du gouvernement était encore illégale.
Mais la prise en mains de l’internet par une poignée de monopoles a rendu facile l’application d’une pression à la baisse sur quelques plates-formes.
Les entreprises de médias sociaux qui étaient auparavant ouvertes ont été redéfinies en tant qu’éditeurs chargés de lutter contre la « désinformation».
L’absence de responsabilité pour le contenu soumis par les utilisateurs a permis à des sociétés telles que Google, sa filiale YouTube, Amazon et Facebook, de croître sans que des sanctions soient imposées aux entreprises dont le contenu et les droits étaient violés par leurs utilisateurs.
Cela signifiait que le moteur de recherche de Google pouvait se relier à toutes sortes de contenus violant les droits d’auteur, et que Facebook ne soit pas tenu pour responsable des images que les utilisateurs téléchargeaient sur leurs profils.
Cette utopie a été rendue possible par la loi sur la décence de la communication (« Communications Decency Act»), un texte législatif presque oublié de l’ère Clinton, qui visait à protéger les enfants de la pornographie.
La partie « décence» de cette loi, la CDA, a rapidement été invalidée par les tribunaux en tant que violation du premier amendement.
Mais une phrase particulière de la CDA,
« Aucun fournisseur ou utilisateur d’un service informatique interactif ne peut être traité comme l’éditeur ou l’interlocuteur d’informations fournies par un autre fournisseur de contenu d’informations»
a fourni un niveau d’immunité presque illimité aux réglementations informatiques par les gouvernements .
En clair, cela signifiait que si vous importiez un extrait de votre film préféré Marvel sur YouTube, Google ne pouvait pas être poursuivi en justice par Disney, producteur du film.
Les fournisseurs n’étaient pas responsables de ce que leurs utilisateurs faisaient.
La CDA avait pour objectif de réglementer l’internet, mais au lieu de cela, l’internet a été complètement déréglementé.
C’est pourquoi YouTube a prospéré si prodigieusement.
Quant à la CDA, elle a contribué à rendre possible l’énorme monopole des entreprises de communications par l’internet en leur donnant libre passage.
Mais cela rendait la liberté sur l’internet plus vulnérable, pas moins. Google et Facebook sont devenus énormes sans avoir à se soucier de la réglementation gouvernementale ou des poursuites des entreprises.
Mais à partir du moment où un puissant mouvement politique contrôlant la culture a décidé qu’il était temps de censurer l’internet, il pouvait rapidement imposer sa volonté à une poignée de monopoles de l’internet qui étaient pour la plupart d’accord avec lui.
Cette fois-ci, il n’y aurait pas de réglementation gouvernementale.
La pression sociale exercée par la gauche par le biais des médias, déjà fortement motivée pour s’en prendre aux plates-formes sociales et de recherche qui contrôlaient leur trafic, associée à des dépositions et à une action des Européens, ferait l’affaire.
Les plates-formes seraient transformées en éditeurs et chargées de l’obligation, non pas de servir leurs utilisateurs libres ni même leurs annonceurs rémunérés, mais le bien social, tel que défini par la chambre de l’écho des médias.
Leur travail serait de promouvoir un contenu politiquement correct, tel que celui des médias, et de pénaliser un contenu politiquement incorrect, tel que celui produit par les conservateurs.
Et c’est à partir de là que le rideau de fer numérique tombe.
Les deux forces motrices, la consolidation culturelle de la gauche et la consolidation économique des monopoles de l’internet, s’allient pour former un nouvel environnement.
Dans cet environnement, la liberté d’expression et tout type d’individualisme en dehors de la tendance constituent un phénomène dangereux.
Les monopoles de l’internet qui évaluent leurs bases d’utilisateurs à des centaines de millions, voire des milliards, ne peuvent les traiter que comme des ensembles, suivis, mesurés et façonnés par des algorithmes d’apprentissage automatique en canaux rentables.
Et la gauche américaine (bientôt suivie par la gauche européenne), à l’instar de son prédécesseur soviétique, estime que s’il existe une infinité de genres, il n’y a qu’une seule façon correcte d’aborder l’une de ses nombreuses questions politisées.
Big Data et Big Brother gagnent tous deux de l’argent et gagnent en puissance lorsqu’ils peuvent prédire ce que vous allez faire et vous inciter à le faire. Big Brother propose des techniques à Big Datapermettant de façonner le comportement des utilisateurs grâce à la pression des pairs, tandis que Big Data offre à Big Brother de nouveaux moyens de suivre et de manipuler les attitudes humaines.
L’âme de l’internet était autrefois aussi anarchique que son infrastructure.
Avec la consolidation de l’infrastructure, l’internet est devenu un environnement collectiviste, et l’individualité a fini par être perçue comme un « égarement ».
Un environnement centralisé sera par nature collectiviste.
Il est impossible que ce soit autre chose.
Et lorsqu’une poignée d’entreprises contrôlent l’internet, elles en deviennent le point faible politique et culturel.
Tout gouvernement ou mouvement totalitaire pouvant les compromettre contrôlera l’internet.
Si nous voulons un internet ouvert, nous devons à nouveau l’envisager comme un environnement chaotique d’entreprises concurrentielles, aucune d’entre elles ne pouvant devenir si forte qu’elle tiendrait son avenir et le nôtre entre ses mains.
La réglementation gouvernementale a un rôle important à jouer, mais pas dans le contrôle des monopoles, une politique mal avisée qui conduirait inévitablement à la fin de la liberté d’expression.
La consolidation d’un marché autrefois libre sous un petit nombre de monopoles n’est pas un simple problème d’internet, mais se répercute dans de vastes secteurs de la vie américaine, des soins de la santé aux finances.
La censure de l’internet est la manifestation de ce très vaste problème.
C’est devenu le pouvoir croissant de la gauche.
La gauche n’a jamais craint les grandes entreprises.
Elles sont faciles à prendre en main ou à intimider.
Ce qu’elle craignait, c’était une société ouverte dynamique avec de nombreux centres de pouvoir montants et descendants, sans levier facile pour un contrôle total.
Elle s’est organisée pour prendre en charge les structures statiques du pouvoir.
Quand une société est ouverte, elle ne peut pas gagner.
La libre entreprise n’est pas une idée abstraite capable de subsister sans friction dynamique d’une concurrence active.
Lorsqu’une poignée de monopoles contrôlera votre service téléphonique, votre connexion internet et votre santé, votre mode de paiement à l’épicerie et l’endroit où vous pourrez faire vos achats, vos libertés seront également monopolisées.
Une société de monopoles d’entreprises deviendra inévitablement une société de monopoles politiques.
La seule façon d’arrêter l’ascension de Big Brother est de démanteler le Big Data.
Traduit par Jack pour « Résistance Républicaine ».
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Cet article est très intéressant, merci @Jack! Nous sommes tellement intoxiqués d’ordinaire par les infos dans le sens du « mouvement » des media, que nous devenons démunis même sur le plan de la compréhension basique de ce mouvement. Il semble naturel, aujourd’hui encore, à la plupart des Français de concevoir la »gauche » comme une tendance généreuse qui protège individuellement les citoyens en l’assimilant au contre-feu spontané, débrouillard, bon-enfant du cynique capitalisme mondialisé qui vole les individus, les peuples de « travailleurs » et les fait taire. Somme toute, nous sommes encore dans le reflet d’il y a un siècle, avec les caricatures de l’Oncle Sam son cigare au bec, son haut de forme et son pantalon rayé. C’est sur cette image que M.Mélenchon a enflé son score jusqu’à 20% ou presque au 1er tour des dernières présidentielles. La conclusion me semble une alerte à prendre -et vite!- en considération: « Une société de monopoles d’entreprises deviendra inévitablement une société de monopoles politiques. » A cette prévision, j’ajouterai la disparition de la monnaie en tant qu’espèces « sonnantes et trébuchantes », sauf bien sûr celle des trafics au noir opportunément recyclée, en petites quantités, dans l’immobilier et « l’outil de travail », çàd fonds de commerces, petits transports régionaux et maritimes.. entre truands. Vous ne croyez pas que des élevages de pigeons voyageurs çà et là sur nos » Territoires » pourraient devenir un bon investissement, au terme de la prochaine décennie( bien sûr pour la gastronomie française ..)?
Très bel article. Il manque, selon moi, le pourquoi internet devient de plus en plus centralisé ou monopolisé. La réponse est assez simple, parce que c’est beaucoup plus facile comme ça. Le client demande de la centralisation car c’est clé en main, l’entreprise fait le travail pour lui (en effet, quand on veut partager des photos, c’est bien plus simple de le faire via facebook en deux clics que d’installer son propre serveur avec une application de partage, il en est de même pour la connexion internet, il est bien plus facile d’appeler free pour avoir une connexion que de devenir soi-même son propre opérateur). On a eu l’ère de la décentralisation d’internet, avec le partage de fichiers, chacun son petit serveur dans son coin, impossible de contrôler le net à cette époque, puis on a maintenant l’ère de la centralisation avec toujours plus de services inutiles et simples, et une grande simplicité de censure.