Pour ceux qui liront ces lignes, qu’ils se rassurent, je n’ai jamais fêté Noël de l’autre côté du rideau de fer, mais dans une commune administrée par un maire PCF. Question mentalité, par contre, c’était la même ambiance.
J’avais trois ans alors. Mon père, militaire de carrière, était en Indochine. Nous habitions, ma mère et moi, chez mon arrière-grand-mère en attendant qu’il nous revienne. Trois ans, c’est bien jeune me direz-vous, mais je possédais déjà une excellente mémoire. Deux années de suite, j’ai été victime de brimades de la part de cet émule de Maurice Thorez et Jacques Duclos réunis.
Tous les ans, à Noël, la commune offrait un goûter et un cadeau aux enfants de la commune. Pour le goûter, ils n’ont pas pu faire autrement que me mettre au régime commun. Mais pour le jouet, le maire me tendit une vilaine boîte grise, le genre de boîte qui devait s’offrir entre Berlin- Est et Moscou au temps de l’ex-URSS. À l’intérieur, une poule en fer blanc qui fonctionnait en remontant un ressort avec une clé. J’ai compris tout de suite que j’avais droit à un traitement de faveur. Les autres avaient des panoplies diverses, des trains mécaniques, les filles, des poupées, des poussettes, des dînettes. Même les plus petits se voyaient offrir des joujous rutilants dans de belles boîtes.
Plus tard, j’ai saisi que l’on me traitait ainsi parce que j’étais le fils d’un assassin (c’est ainsi que ce militant de ce glorieux parti traitait les combattants).
De retour à la maison, grand-mère fit la moue. Bon, j’ai joué avec le gallinacé, mais c’était vraiment de la camelote, il rendit l’âme pas longtemps après. Le deuxième Noël, rebelote. Une poule en fer blanc, même boîte triste à pleurer. Je ne connaissais pas encore les mots brimade et discrimination, mais je les ai ressentis dans ma chair, au plus profond de mon âme d’enfant. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais traiter ainsi un enfant pour des histoires de politique, je trouve cela dégueulasse et absurde. J’ignorais ce qu’était le communisme, mais quand mes grands-parents en parlaient, et que pépé crachait dans le feu, je sentais bien que ce n’était pas grand-chose de propre.
Lorsque mon père est revenu d’Indochine suite à la défaite de l’armée française à Dîen Bîen Phu, nous sommes repartis en région parisienne. Je n’ai jamais oublié ce maire. Douze ans plus tard, ce cuistre était toujours le premier magistrat de la commune. Nous habitions alors à Tulle, chef-lieu de la Corrèze. Lors des vacances d’été, que nous passions chez les grands-parents, ma mère me chargea d’aller à la mairie du lieu pour demander des bons de prise en charge médicale. Mes arrière-grands-parents étaient classés économiquement faibles. Pour ceux qui ne connaissent pas, les personnes âgées qui ne bénéficiaient que de la retraite des vieux travailleurs, une misère, se voyaient octroyer ce service. Les médecins, les pharmaciens regimbaient à accepter ces bons. Triple humiliation, en comptant la mairie.
Lorsque je me rendis à la mairie, je fus reçu fraîchement. Les yeux du marxiste auraient été des pistolets… Devant son peu d’empressement, je lui déclarai : » Vous préférez les laisser crever? » J’ai cru qu’il allait avoir une attaque. Perfidement, je rajoutai : Bon, ce n’est pas grave, mon père ira les chercher à la préfecture. J’ai cru qu’il allait mourir sur place. La préfecture, l’épée de Damoclès de tout maire qui sort de ses prérogatives. Rageur, il m’en signa bien une dizaine, sans oublier les tampons officiels. J’aurais pu ajouter, sur le ton de Clovis à propos du vase de Soissons : « Souviens-toi de la poule en fer blanc. «
Lorsque je parvins à la maison, grand-mère fut étonnée. Elle me déclara qu’avec tous ces bons, elle en aurait bien pour dix ans, vu qu’elle ne voyait le médecin que rarement. C’est ce jour-là que j’ai décidé que personne ne m’humilierait plus jamais. Jamais. Et si quelqu’un s’avisait de le faire, il trouverait à qui parler. Je me souviens qu’un client s’était offusqué de mon eau de toilette, et m’avait déclaré que mon bureau sentait mauvais (lui ne sentait franchement pas bon), ma réponse fut : « Depuis que vous êtes entré. » Il finit par s’excuser platement.
FIN
ARGO
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Bonjour et merci mon ami, il n’y a rien de plus ignoble que de punir les enfants pour atteindre les parents! Et dire qu’il y a des gens qui croient encore que voter pour un maire, c’est voter pour un gestionnaire de la commune et pas pour un parti politique et pourtant, ce sont bien les maires qui choisissent les candidats pour la présidence de la république.Je l’aurais bien envoyé se faire cuire en oeuf de cette poule en fer » made in China. » à ce « coco,rit coco ». Je me souviens, lorsque j’étais à la maternelle, ou plutôt au « lebensborn », il y avait cette coutume au matin : on nous examinait mains, cheveux, oreilles…et si tout était en ordre, on nous donnait un bonbon de noel même au mois de mai! C’est à croire qu’ils avaient des actions chez le fabricant ! J’étais toujours en règle, mais je n’aurais pas voulu pour rien au monde être à la place de celui qui n’avait pas eu de bonbon ! C’eut été la honte de ma toute jeune vie. Bon dimanche
Jacques Duclos, Jacques Duclos … Jacques Doriot aussi, non ?