Conseil de lecture en ces temps troublés qui connaissent un regain d’antisémitisme.
Par hasard, en farfouillant dans une boite à livres j’ai trouvé : « Silbermann » de Jacques de Lacretelle, livre paru aux éditions Gallimard en 1922 (prix Fémina) …Il y a donc 103 ans.
J’ai lu avec une grande curiosité ce récit passionnant d’une amitié entre deux lycéens.
En voici le résumé (pris sur Wikipédia et que je trouve d’une grande justesse) ci-après :
« Le narrateur, qui n’est jamais nommé, se lie d’amitié avec un jeune homme d’origine juive, David Silbermann, élève dans le même lycée parisien. À la vue des brimades dont Silbermann est la victime de la part des autres élèves et de certains professeurs, il va jusqu’à lui faire un serment d’amitié exalté, où il retrouve sans peine le sens du sacrifice et de l’abnégation que lui a transmis sa famille protestante.
En affichant sa solidarité avec Silbermann, le narrateur se voit frappé d’ostracisme social. Mais il admire la supériorité intellectuelle de son ami et apprend grâce à lui à apprécier l’art et la poésie. Silbermann a peu d’estime pour le métier d’antiquaire de son père, et se rêve un destin littéraire. Il confie au narrateur son ambition de s’approprier l’histoire et la littérature françaises de la manière la plus intime. C’est un esprit brillant, inquiet et volubile. Mais la persécution dont il fait l’objet va en s’aggravant lorsqu’à la suite de pressions d’un journal antisémite, le père de Silbermann est mis en cause dans une affaire de vol. Le hasard veut que l’affaire soit confiée au père du narrateur, juge d’instruction à Paris.
Les avanies s’accumulent jusqu’à ce que Silbermann, dégoûté, décide de tourner le dos à la France et à ses ambitions littéraires pour s’exiler en Amérique. Il s’associera aux affaires de son oncle, marchand de pierres précieuses à New York. Pour se consoler, Silbermann invoque avec un orgueil blessé la ténacité dont le peuple juif a fait preuve au cours de son histoire. Le narrateur quant à lui découvre avec étonnement l’hypocrisie qui règne au sein de sa propre famille et doit reconnaître que son idéal de pureté morale exige de renoncer au bonheur simple des esprits insouciants. »
Ecrit en 1922, soit bien avant la folie meurtrière de la Seconde Guerre mondiale et cette abominable (réalisée par des « minables) Shoah :
Shoah – mot hébreu signifiant « catastrophe »– qui désigne la persécution et l’extermination systématique et bureaucratique d’environ 6 millions de Juifs, par le régime nazi et ses collaborateurs. Le terme grec « Holocauste » qui signifie « sacrifice par le feu » est également utilisé.
Silbermann est d’une grande intelligence et d’une maturité étonnante pour un très jeune homme. Il subjugue intellectuellement l’auteur.
En voici quelques extraits (en fin de livre), Silbermann dit : « Ne savent-ils pas que c’est pour avoir été rejetée toujours et par tous que notre race s’est fortifiée au cours des siècles ? »
Et aussi cet extrait, d’une incroyable actualité (!) : « Pourquoi cette explosion d’antisémitisme en France ? Pourquoi l’organisation de cette guerre contre nous ? Est-ce un mouvement religieux ? Est-ce le vieux désir de vengeance qui se ranime ?… »
Et puis encore : « Il y a paraît-il, l’inconvénient social : nous formons un Etat dans l’Etat ; notre race ne s’assimile pas au milieu ; elle ne se fond jamais dans le caractère d’un pays…Comment en jugez-vous ? Est-ce possible autrement ? Durant des siècles nous avons vécu parqués comme des troupeaux, sans alliances concevables avec le dehors. »
Le narrateur, admirateur de Silbermann, confie, à propos d’un engouement littéraire suscité par son ami, : « Je lisais une partie de la nuit et, lorsque j’avais éteint la lumière et fermé les yeux, certaines phrases restaient dans ma tête comme des feux éblouissants qui me tenaient éveillé. » Je trouve cette confession magnifique !
Sur l’apport intellectuel de son ami, l’auteur nous dit : « Enclin à contredire, prompt à exercer son sens critique, Silbermann m’avait rendu habile à discerner le défaut des choses. »
« J’avais compris que l’application d’une haute morale est impossible à aucun d’entre nous. »
Je vous invite à lire ce livre (qui devrait d’ailleurs être au programme des collèges et lycées). Bonnes fêtes à tous.
Note de Christine Tasin
Du temps où j’enseignais en collège, ce livre faisait partie des conseils de lecture officiels – je doute qu’il le soit encore, à l’heure où les torchons voulant démontrer les bienfaits de l’immigration et du wokisme se retrouvent en classe, par la grâce de profs qui devraient être licenciés- je l’ai étudié avec mes élèves comme quelques autres incontournables il y.a quelques lustres. Et les élèves adoraient. Ils se faisaient en même temps une culture historique et une âme… J’en avais même fait acheter une série par le collège, afin que nous puissions l’étudier en classe. C’est un très beau livre et effectivement. Merci Diogène pour cette belle initiative.
270 total views, 270 views today


Du temps où la littérature était engagée. Parfois pour le meilleur,parfois pour le pire. En tout cas ce roman est un plaidoyer pour la tolérance. Aujourd’hui, je ne trouve pas beaucoup d’ouvrages qui me conviennent. La littérature est devenue nombriliste.