
ACTE II
QUATRIÈME TABLEAU
( La chambre de Siegelmann, à l’aube)
L’AUTRE VOIX et SIEGELMANN, puis le CHEF et des étudiants.
La voix ( proche et avec douceur. ) Souviens toi Nathan Siegelmann. (Siegelmann est immobile dans son lit Lampe de chevet. ) Relis les Écritures et tu comprendras tout.
Siegelmann ( calme.) Si j’étais sûr qu’on nous tue, je n’aurais pas peur. Mais je crois qu’on préfère nous battre.
La voix ( après un temps. ) Réfléchis
Siegelmann : Ne serait-ce que parce qu’on peut le faire en cachette, si il est vrai qu’on nous bat, et qu’après on peut le nier. Quand on nous frappe, nous éprouvons une douleur : est-ce une douleur dont j’ai peur? ( il sourit. ) Elle passe, la douleur. Mais notre cerveau n’est plus organisé pour accepter l’idée d’être fouetté, elle nous est étrangère : c’est de cela que nous souffrons . (Un temps.) De cela seulement ?
La voix : De cela seulement ?
Siegelmann : Et puis la connaissance acquise de ce que nous appelons l’être humain, en qui nous croyons comme à la vie même de nôtre vie, elle s’effondre. ( il réfléchit. ) Ils veulent faire de nous des bêtes : mais nous n’avons pas besoin de le devenir, nous n’aurions qu’a jouer à la bête pour qu’ils soient contents. Et ce serait peut-être un moyen de s’en tirer ? Je parle de jouer à la bête, mais qui me dit que la douleur physique soit la seule douleur qu’éprouve une bête quand on la frappe ? Même cela n’est pas prouvé.
La voix ( plus forte et angoissée. ) Siegelmann, tu n’as pas le temps de rêver.
Siegelmann : Je n’ai pas le temps.
( à la porte, on sonne et on frappe à coups violents. )
La voix: Réfléchis Siegelmann.
Siegelmann : Réfléchir ?
La voix : C’est l’heure de réfléchir, sinon à quoi t’aurait servi ta pensée ?
Le chef ( du dehors.) Ouvrez ! La police !
La voix : La faculté d’agir par la pensée n’a été donnée qu’à toi, penses-y, Siegelmann.
Siegelmann : Agir par la pensée…
( La porte de l’appartement à cédé. Des pas d’hommes, des voix. On entend le nom de Siegelmann. )
La voix : je vais enfin savoir si oui ou non on nous bat. Si oui ou non…
( On ouvre la porte violemment entrent six étudiants commandés par une sorte de chef étudiant lui-même. Ils portent des jaquettes différentes en cuir. )
Le chef ( calme.) Nathan Siegelmann ? (Siegelmann est incapable de faire même un geste. Le chef s’installe à la table. ) Tu peux t’habiller, en attendant. ( il cherche dans ses papiers. Un des hommes soulève Siegelmann par les épaules pour le faire sortir du lit. Le chef lit à voix haute : Nathan Siegelmann, accusé d’avoir exercé pendant des années une action désagrégeante parmi les étudiants allemands…(on lui lance ses vêtements.) A su, sous des apparences de bonne camaraderie dissimuler la haine qu’il partageait avec les professeurs juifs contre ceux des étudiants dont le noyau racial est pur de toute souillure…A su, de concert , avec les professeurs juifs dresser des obstacles devant le désir impérieux de culture ressenti par les étudiants dont la race est sans mélange…A su, par là, empêcher leurs progrès et ceci en refusant, par exemple, de leur prêter certains livres dont ils avaient besoin…A su,, dans les derniers temps pendant le relèvement progressif de l’esprit et de l’honneur allemand, témoigner de son mépris et de sa haine en se montrant assidu aux conférences où il ne devait pas assister parce que juif...A su s’y afficher chaque fois sans vergogne et n’a pas hésité à souiller de sa présence la salle des fêtes le jour mémorable où s’est tenu le grand discours solennel…(il regarde Siegelmann. ) Ne mets pas de chaussettes ni de souliers, tu resteras pieds nus ( continuant à lire 🙂 A su manifester sa haine pou le peuple allemand et sa résolution de le trahir en interrompant par des exclamations répétées l’élan des étudiants de sang pur contre les professeurs de sang impur et en sabotant la lutte héroïque qui commence dans le but de leur renvoi. Et ce particulièrement, pendant la séance inoubliable où le professeur Marcus à été unanimement conspué…A voulu, ce faisant, avilir le réveil de l’Allemagne ! En conséquence, l’exigence de l’heure nous impose comme un devoir national de sévir immédiatement contre lui.(ton bref.) Avoue ! (Siegelmann se glisse dans son pantalon. Le chef écrit en lisant 🙂 A reconnu ses fautes et en a fait l’aveu. Tu t’es rendu par là coupable de trahison, en vertu de la 《 loi sur la sauvegarde de l’état et du peuple allemand 》. Tu seras conduit au lieu du châtiment que tu as mérité, mais, auparavant, tu seras, conformément à l’esprit de l’《 Œuvre d’épuration nationale 》 exposé et abandonné à la réprobation publique.
A SUIVRE.
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La solution finale en marche. Par degrés. Effrayant.