
Les Juifs fêtent le miracle de Hanukkah qui de façon prodigieuse coïncide avec la fête de Noël – En fait, Juifs et Chrétiens célèbrent la « Lumière » qui en ces récentes années, nous fait lamentablement défaut…
L’hiver approchait à petits pas dans notre quartier poussiéreux.Le soleil avait du mal à se lever et quand enfin, il réussissait à poindre des voiles de son halo de brumes, il brille d’une clarté toute particulière qui donne aux formes et aux couleurs des tons extraordinairement baignés d’une limpidité nacrée, striée comme de la moire. Le vent est chargé de senteurs de terre brûlée qu’on vient d’arroser, et sur l’étendue de gazon qui a jauni durant l’été, un tapis moelleux de feuilles mortes craque délicieusement sous nos pas. Dans les cieux des nuées d’oiseaux se démènent. Les uns se préparent pour leur grand départ, tandis que d’autres entraînent leurs oisillons dans le vol à des hauteurs, par-delà l’amoncellement de nuages qui se formaient au nord.
Avec les prémices de l’hiver, c’est Hanoucca qui surgit soudain…Hanoucca… avec son froid hésitant et ses pluies qui douchent nos ruelles étroites d’une ondée fraiche. Avec ses écoliers emmitouflés dans leurs larges écharpes bariolées, en laine, tricotées amoureusement par leurs mamans, pressant le pas vers l’école… Pour les plus chanceux, c’étaient des bottes luisantes en cuir qui protègent leurs petits pieds… Mais c’était surtout les beignets croustillants enfilés dans une lanière de feuille de palme que nos parents achetaient chez l’arabe du coin à six heures du matin…
Je le revois encore avec sa panse qui s’étalait sur ses jambes et son visage joufflu et imberbe. Je revois surtout ses doigts épais qui crevaient la pâte en son milieu avant de la jeter d’un geste théâtrale dans son immense poêle à frire débordant d’huile bouillante. Dieu seul sait combien de fois il l’avait chauffée et réchauffée puisqu’elle sentait fort le surchauffé…
Pour moi, c’était surtout le couchant doré qui baignait les murs féodaux de notre école primaire de l’Alliance Israélite Jacques Bigart de Marrakech, où nichaient de majestueuses cigognes.
On nous y réunissait tous à toute occasion, filles et garçons sous la coupole de l’énorme salle à manger de l’école pour nous distribuer des sachets pleins de fruits secs et de menus cadeaux. Nous n’étions alors qu’un petit troupeau de moutons assis sur des bancs en bois, alignés en rangées sur tout son espace.
Vigilants et affectueux, nos maitres et maitresses nous encerclaient et notre directrice d’école se démenait comme dix pour vérifier qu’aucun élève ne manque à l’appel.
Nous y chantions à vive voix les chants de Hanoucca, après avoir prêté l’oreille religieusement au conte merveilleux de l’huile sainte du temple de Jérusalem qui avait duré huit jours, alors que logiquement elle suffisait à peine pour un jour. Puis, une fillette et un garçonnet choisis parmi nous, allumaient les bougies d’une Hanoucca géante installée au préalable sur la grande tribune.
Inutile de préciser que cette salle à manger servait aussi de salle de théâtre, de lieu de réunion de l’équipe enseignante et de salle de cinéma quand par grand bonheur, on nous offrait sur l’écran improvisé un film noir et blanc de Charlie Chaplin ou de Laurel et Hardi… déclenchant des cascades de rire.
Au retour chez nous, j’aidais Grand-mère à préparer les mèches de laine qu’elle trempait dans de l’huile d’olive vierge avant de les placer méticuleusement dans sa grande Hanoucca en cuivre bien astiquée, qu’elle conservait en relief sur un rayon de l’armoire vitrée de la salle à manger durant les jours de semaine. À Hanoucca, elle la positionnait devant la grande fenêtre donnant sur la rue.
Mais tout cela c’était hier, passé lumineux que nous essayons tous de faire revivre à travers nos souvenirs. Je n’ignore pas que la force du présent et du quotidien éclipsera infailliblement ces instants sublimes que beaucoup d’entre nous refusent de les voir s’éloigner.
Mon petit fils et ma petite fille tournent sur eux-mêmes comme des toupilles lorsque je leur fredonne nostalgiquement « Sevivon sove, sove, sove » tourne, tourne, tourne comme la terre, les jours, les mois et les saisons – en tenant leurs deux petites menottes sur leurs têtes pour ressembler à une toupille… c’est tendre, c’est beau et ces deux petits chenapans réussissent par leur jeu innocent à réveiller les spirales de notre passé lumineux que nous tous cherchons tant à leur offrir en héritage.
Profitons donc de ces moments uniques tant que nous pouvons nous tenir debout et tant que notre mémoire réussit encore à puiser d’elle-même ces bribes de souvenirs qui composent notre passé inoubliable.
Hag Sameach aux Juifs et Joyeux Noël à tous ceux qui veulent fêter la lumière.
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c’est pas tres laique cette exposition publique de la menorah qui a ete meme expose a l’elysee,,
Elle est belle et a un beau symbole, à l’heure où les églises et autres cathédrales sont invisibilisées quand les mosquées se multiplient dans l’espace public avec les voiles, où est le problème d’Hanukkah aux valeurs qui sont les nôtres ?
Merci Thérèse, je vous souhaite également la même chose. J’allume toujours des bougies le 24 décembre, bougies que je pose sur le bord de ma fenêtre, pour que la lumière chasse les ténèbres et se répande sur le monde.
Du plus profond de ma mémoire,
Une lumière brûle en moi,
Qu’une très vieille femme en noir
Allumait à un feu de bois.
Elle dissipait ainsi ma peur,
Chassant les ombres maléfiques,
Conjurant ainsi le malheur,
De cette flamme magnétique.
Argo. Écrit pour celle qui n’est plus et qui m’a transmis un peu de sa sagesse, mon arrière-grand-mère.
Sublime cher Argo… Voyez-vous, nous sommes l’image même de nos ancêtres, de nos sources et rien ne pourra les déteindre.
Merci à vous mon ami