
Que vient donc faire Alfred Dreyfus dans une loi de 2025, votée le 17 novembre par le Parlement ?
Je n’ai bien évidemment rien contre celui qui est présenté comme une victime de l’antisémitisme dans l’Histoire avec sa grande hache.
Alfred Dreyfus est bien entendu un symbole des méfaits d’une mentalité ancienne qui, au nom du bon ordre bourgeois, écrasait les minorités ainsi que les pauvres.
Plutôt que de tout ramener à la judéité, j’aime voir aussi dans Alfred Dreyfus le symbole de l’homme opprimé, de l’individu enserré dans un carcan administratif, hiérarchique, un cauchemar éveillé, tel qu’on peut aussi le percevoir quelques années plus tard dans les romans de Kafka.
Dreyfus acquiert ainsi une dimension universelle bien plus puissante que dans le récit traditionnel qu’on fait de son histoire.
Je me suis senti Dreyfus quand on m’a imposé un pass vaccinal pour aller dire adieu à ma grand-mère à la maison de retraite. Je me suis senti Dreyfus, comme je me suis senti K, quand on m’a confiné et restreint mes déplacements en 2020 ou encore en 2021 en plein milieu de semaine alors que j’étais dans une chambre d’hôtel à 500 kilomètres de chez moi et n’étais même pas sûr d’être autorisé à rentrer à mon domicile.
Je ne pense pas que l’affaire Dreyfus ait un lien avec l’identité chrétienne de la France, ni avec des mentalités populaires profondes. Certes, l’Eglise n’a cessé d’évoluer sur certains sujets concernant les minorités et les autres religions tout au long du vingtième siècle. Cependant, le peuple, trop occupé à assurer sa survie, à pouvoir avoir un toit et manger le lendemain, a toujours été plus tolérant que les hautes sphères de pouvoir qui ont besoin d’écraser et de dominer pour se maintenir à leur rang abusif. Pour moi, c’est là la vérité de l’affaire Dreyfus. Jamais je n’ai entendu la moindre parole antisémite chez mes aïeux qui étaient des catholiques on ne peut plus traditionnels. Cela n’a jamais été dans notre culture et notre mentalité que d’avoir la moindre parcelle de haine à l’égard des Juifs et on avait bien d’autres préoccupations et inquiétudes que d’aller s’embourber dans de tels miasmes.
Dreyfus a été victime d’une hiérarchie militaire. Certes, la France s’est divisée, nous dit-on, en dreyfusards et antidreyfusards, mais très franchement, je doute que dans les campagnes profondes ou encore chez les ouvriers d’usine, cette affaire ait eu les retentissements qu’on nous présente.
On parle d’un temps sans télévision, sans radio, sans internet…
L’affaire Dreyfus devait paraître bien lointaine au paysan de la Creuse ou du Cantal qui devait être bien plus occupé de ses chèvres et ses salades que des débats qui agitaient une sphère parisienne par où le mal arrive toujours !
C’est bien de cette sphère aussi qu’arrivent les horreurs politiques les plus actuelles. L’affaire Dreyfus agitait avant tout des intellectuels, des politiques, des hauts gradés, des puissants…
Dreyfus est ainsi un symbole de l’Homme écrasé par le système, par une hiérarchie qui méprise les Droits de l’Homme issus de 1789 et donc tout travailleur, tout citoyen opprimé par les abus du pouvoir et de l’argent peut se retrouver dans Dreyfus.
Dreyfus a vécu avant le droit administratif, avant la promotion des libertés publiques et individuelles dans le statut du travailleur et du fonctionnaire.
Il n’existait pas de recours hiérarchique sérieux, ni de recours juridictionnel effectif à son époque qui lui aurait permis de dire « non ».
Mon sentiment en tant que travailleur et citoyen français du XXIème siècle est que cette époque revient au galop et qu’il devient de plus en plus difficile de lutter contre les abus de pouvoir, les abus de puissance hiérarchique comme économique. La sphère du discrétionnaire s’étend contre nous, alors que les droits de l’Homme sont abusés quotidiennement par nos ennemis et invoqués à tort et à travers pour nous priver de libertés effectives, et tout simplement pour nous faire mal.
Les droits de l’homme en prison, les droits de l’homme terroriste, les droits de l’homme envahisseur se portent quant à eux à merveille, au contraire !
Sans nier le fond antisémite de cette affaire, je n’y vois pas la clé d’une analyse. Dreyfus a été discriminé et accusé parce que Juif comme il aurait pu l’être parce que homosexuel s’il l’avait été, ou même simplement parce que pauvre et sans défense, parce que sans éducation, parce que sans réseau influent, parce que vivant à une époque où un bourgeois pouvait faire ce qu’il voulait d’un simple soldat…
Il a pris pour un autre et n’avait pas de moyen juridique de se défendre.
Alors quelle mouche a bien pu piquer Gabriel Attal et d’autres parlementaires de la Macronie et assimilés pour déterrer Alfred Dreyfus 90 ans après sa mort et lui accorder… une promotion ?
Le contenu de cette loi est en effet très simple : « la Nation française élève, à titre posthume, Alfred Dreyfus au grade de général de brigade« .
Voilà qui doit faire une belle jambe à notre Dreyfus, décomposé depuis bien longtemps et qui nonobstant ces épreuves certes plus que pénibles, réussit à vivre 75 ans, ce qui était beaucoup à cette époque…
On rejoint là toutes les médailles posthumes qui ont la cote sous Macron et Hollande. Les victimes de terrorisme ont eu les unes et les autres, elles aussi, leurs médailles qui doit leur faire une belle jambe aussi…
Victimes, si vous aviez survécu, vous auriez peut-être crié votre haine des gouvernements et parlements qui ont permis que l’horreur arrive.
On leur a dit : Taisez-vous par la grâce la sainte médaille mise dans votre bouche entrouverte comme une obole pour accompagner les morts dans leur dernier voyage, la médaille de la réconciliation vous est imposée, que vous la vouliez ou non !
https://resistancerepublicaine.com/?s=m%C3%A9dailles+victimes
On exhume, et on attribue des hochets à titre posthume. En comme aurait dit Pangloss, tout va bien dans le meilleur des mondes possibles !
Ce n’est pourtant pas dans la tradition du droit français que d’aller remuer les morts. Quand on meurt, on perd la personnalité juridique. Tout au plus le cadavre a-t-il droit à quelque respect.
Le code civil prévoit le mariage posthume quand une personne sur le point de se marier décède, mais c’est une exception au principe qu’on ne va pas chercher les morts pour leur attribuer des honneurs ou des intentions dont ils n’auraient pas forcément voulu.
Or, justement, nos députés macronistes viennent chercher un Dreyfus qui ne demande rien et qui n’approuverait pas forcément leur politique…
Peut-être que la Macronie cherche à se faire pardonner la reconnaissance d’un Etat palestinien par exemple ?
Dreyfus devient bien malgré lui une caution contre l’antisémitisme de cet abandon d’Israël…
Peut-être que déterrer Dreyfus vise à faire oublier que beaucoup de Juifs rasent les murs actuellement par l’effet d’une politique sécuritaire qui ne les protège que bien peu ?
Mais encore que l’antisémitisme importé en France a, de longue date, supplanté l’antisémitisme d’une petite minorité de prétendus catholiques réactionnaires ?
Peut-être que Dreyfus déterré par la grâce du Parlement n’aurait pas trop apprécié d’être ainsi instrumentalisé.
Et puis il y a les sous-entendus du camp du bien : nous, on aurait été dreyfusards, si on avait vécu à cette époque ! et les autres, nos opposants, ne l’auraient pas été… Cela va être à celui qui s’attribuera Dreyfus et finalement on retrouve ici l’esprit des « lois mémorielles ».
Ces lois prétendent donner un point de vue sur l’Histoire, réécrire l’Histoire, telle que la loi Taubira sur l’esclavage.
Dreyfus aurait-il apprécié que sa mémoire soit ainsi instrumentalisée pour réécrire sa vie et lui attribuer un grade qu’il n’a pas eu de son vivant ?
Et puis très franchement, j’aurais préféré être Alfred Dreyfus que Lola Daviet ou Samuel Paty. Son histoire est certes triste mais il a survécu et il a ensuite pu mener une vie normale.
Il est plus confortable pour la Macronie de convoquer les mânes de Dreyfus que celles de Lola ou Samuel car là, il y aurait beaucoup à redire…
Alors sans doute que cette loi ne fait de mal à personne, même si l’utilisation qu’elle fait du nom et du destin d’un homme 90 ans après sa mort me paraît indécente. Mais elle ne sert à rien aussi.
La loi est censée être utile au peuple, tout comme les députés d’ailleurs, qui jouissent d’énormes avantages, pour beaucoup en disproportion totale avec leur utilité sociale réelle.
Cette loi inutile vise à conforter l’appartenance de la Macronie au camp du bien, tant il est facile 150 ans plus tard de dire « moi, j’aurais été du bon côté » et donc « moi, je ne peux qu’avoir raison actuellement » puisque moi j’aurais été du bon côté il y a 150, 200, 500 ans…
Voilà une bonne petite façon de redorer son blason à moindre frais et je pense que celui qui reste dans la mémoire collective « le capitaine Dreyfus » importe finalement bien moins à ces gens que leur ego et leur existence médiatique et politique.
Ils ont de quoi s’enorgueillir d’avoir contribué à réhabiliter longtemps après la bataille le capitaine Dreyfus et d’avoir brillamment enfoncé une porte ouverte.
Maxime
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Vous êtes un homme en colère, avec des arguments justes.Et vous écrivez bien.
Exactement, ce qu’il faut pour dénoncer, leur manière sournoise et frelatée de faire croire à leur capacité d’espérer, sois-disant nous diriger .
Macron pense se rallier nos amis juifs en mettant Dreyfus à l’honneur. Ceux-ci préféreraient sûrement être en sécurité dans notre pays, dans leur pays. Macron se sert des morts pour se refaire une popularité, c’est son côté nécrophage. Je pense qu’il va bientôt réhabiliter la bande à Bonnot, vu que la France est en pleine anarchie.
Joli, Argo, oui il fallait y penser, à la bande à Bonnot !
Adieu… la casquette du père Bugeaud… Sniff…
Merci Maxime pour ce bel article. La macronnerie va-t-elle décerner aussi La legion d’honneur à Jeanne d’arc ou la médaille militaire à titre posthume à Ste Geneviève ou Jehanne Hachette ? AU NOM DU FÉMINISME…
Il serait fort étonnant que la macronie veuillent accorder la legion d’honneur à titre posthume à Charles Martel! Le gouvernement essaye t’il par ce biais, montrer qu’il n’est pas antisémite ? Bonne journée.