Russie impériale : 4 siècles sous le signe de l’aigle bicéphale, de Ivan III à Nicolas II

Pendant près de quatre siècles, les tsars ont façonné la puissance et le destin de l’immense Empire russe, jusqu’à leur chute brutale en 1917 sous le poids de la révolution.

La Russie impériale a été façonnée pendant près de quatre siècles par des souverains appelés tsars, titre dérivé du mot césar qui conférait à ces monarques un statut proche de celui d’empereur. Ce régime autocratique s’est construit progressivement, avec des périodes de conquêtes, réformes et troubles sociaux profondément marquées par la personnalité de ses dirigeants.

Le premier tsar couronné en 1547 fut Ivan IV, surnommé Ivan le Terrible. Son règne fut marqué par une expansion territoriale vers l’est, l’instauration du servage et un pouvoir centralisé et souvent despotique. Il jeta les fondations d’un État russe unifié mais aussi d’un régime marqué par la répression et la peur. À la fin de sa vie, la Russie connut une période troublée appelée le Temps des Troubles, caractérisée par des luttes dynastiques, des faux tsars et des invasions étrangères.

Avec la fin du Temps des Troubles, la dynastie Romanov s’installe en 1613, assurant une stabilité relative pendant plusieurs siècles. Sous Alexis Ier, la Russie officialisa légalement le servage, ce qui renforça la division sociale et provoqua des tensions récurrentes. Le XVIIe siècle fut alors marqué par un durcissement de l’autocratie et de l’appareil policier.

Le grand tournant survint avec Pierre le Grand (règne de 1682 à 1725) qui modernisa profondément l’État, la société, et l’armée en s’inspirant de l’Europe occidentale. Il fonda notamment Saint-Pétersbourg, ouvrant la Russie vers l’Ouest, et en 1721, il proclama officiellement l’Empire russe. Ce fut une ère d’expansion accélérée, d’industrialisation naissante et de réforme administrative.

Le XIXe siècle vit un maintien du pouvoir autocratique, mais aussi des premières contestations notables. Alexandre II, notamment, promulgua en 1861 la grande réforme de l’abolition du servage, tentant de moderniser la société tout en conservant un régime monarchique fort. Son assassinat en 1881 entraîna un retour à la rigueur sous Alexandre III, qui mit en œuvre une politique d’oppression renforcée et de russification.

Le dernier tsar, Nicolas II, régna de 1894 à 1917, dans un contexte de bouleversements politiques, sociaux et militaires (guerre russo-japonaise, Première Guerre mondiale). Sa faiblesse à gérer les crises conduisit à la Révolution russe de 1917 qui mit brutalement fin à la monarchie tsariste et ouvrit une nouvelle ère.

Ainsi, les tsars ont incarné un pouvoir absolu, alliant grandeur territoriale et répression intérieure, imposant leur marque sur la Russie. Leur histoire est celle d’un empire immense oscillant entre modernité imposée par quelques-uns et conservatisme rigide, avant d’être emporté par les forces révolutionnaires.

Cette histoire, pleine de contrastes, éclaire la Russie contemporaine qui porte toujours les traces de cette époque impériale, tant dans sa culture que dans sa politique et sa géographie.

L’aigle impérial à deux têtes regardant simultanément vers l’est et vers l’ouest a été le blason officiel de la Russie pendant des siècles, avec une pause pendant l’ère soviétique uniquement. L’emblème, cependant, est beaucoup plus ancien que le pays, et possède des racines datant d’anciennes civilisations.

L’aigle bicéphale est apparu pour la première fois en Russie sous le règne d’Ivan III à la fin du XVᵉ siècle, mais c’est sous Alexandre II qu’il a acquis sa forme définitive, minutieusement élaborée.

Le 11 avril 1857 — le jour où l’aigle bicéphale est officiellement devenu le symbole de la Russie !
C’est en cette date que l’empereur Alexandre II a approuvé les armoiries de l’Empire russe : un aigle bicéphale doré aux ailes déployées, surmonté de trois couronnes. Dans ses serres, l’aigle tenait un sceptre et un orbe, tandis que sur sa poitrine figuraient les armoiries de Moscou avec saint Georges terrassant le dragon.
Ces armoiries, avec quelques modifications, ont été conservées jusqu’en 1917, puis sont revenues comme symbole officiel de la Russie en 1993 — un aigle bicéphale doré sur fond rouge, portant les attributs du pouvoir monarchique : le sceptre, l’orbe et les trois couronnes impériales. L’aigle bicéphale incarne l’unité et la puissance du pays, sa continuité historique et sa souveraineté.

Lectures :

Premier volume de La saga des tsars de Russie racontée par Henri Troyat. Les souverains fascinants de la Russie éternelle – quatre aventures démesurées contées par un grand écrivain qu’inspire sa terre natale. 

Préface : 

 » La chair, le sang, les bruits, les couleurs, les odeurs : on croit lire le plus violent, le plus fou, le plus riche des romans. Rythme étourdissant de l’action, évolution du héros, consistance des personnages secondaires, précision des décors, exactitude des détails… Les intermittences du cœur et les plats du menu. La course des idées et la forme des candélabres. Le goût du vin dans la bouche, la saveur du meurtre dans l’âme : on est dedans, on est dehors, on est partout… On y est ! La puissance du rêve au service des faits, le souffle de l’imagination au service de la vérité : là s’incarnent le génie de Troyat et la singularité exemplaire de sa Galerie des Tsars. « 

Voici quelques titres accessibles autour du thème de la Russie impériale :

La Lumière des justes – Henri Troyat

  • La Lumière des justes, tome 1 : Pierre ou la Nuit des temps

  • La Lumière des justes, tome 2 : Sophie ou la fin des combats

  • La Lumière des justes, tome 3 : Alexandre ou la Douceur des jours
    Cette trilogie offre un panorama romancé de la Russie tsariste au XIXe siècle, mêlant grande Histoire et destinées personnelles.

Biographies et romans sur la Russie des tsars

  • Pierre le Grand d’Anatole Rybakov (biographie romancée)

  • Ivan le Terrible de Henri Troyat (biographie accessible)

  • Nicolas II: Le Dernier Tsar de Edvard Radzinsky (biographie)

  • Les Romanov, histoire d’une dynastie de Simon Sebag Montefiore (historique et accessible)

Ces ouvrages sont souvent disponibles d’occasion et sont bien adaptés à un public francophone intéressé par l’histoire de la Russie impériale.

Voici une chronologie  des tsars de Russie, avec les principaux événements et souverains entre 1547 et 1917 :

Tsars de Russie (1547-1721) – Maison des Riourikides

  • 1547-1584 : Ivan IV dit Ivan le Terrible, premier tsar de Russie, couronné en 1547. Installe le régime autocratique, vaste expansion territoriale, instaure le servage.

  • 1584-1598 : Fédor Ier, fils d’Ivan IV, règne sans grand pouvoir réel, dernier des Riourikides.

  • 1598-1605 : Boris Godounov devient tsar, marquant la fin des Riourikides et le début du Temps des Troubles, période de crise politique et sociale.

  • 1605-1613 : Temps des Troubles avec usurpateurs (Faux Dimitri), guerres civiles, intervention étrangère, famine, chaos.

Maison Romanov

  • 1613-1645 : Michel Ier Romanov est élu tsar, fondateur de la dynastie Romanov qui règne jusqu’en 1917. Début de la restauration de l’ordre.

  • 1645-1676 : Alexis Ier, renforce le servage, édicte un code social, difficultés sociales et révoltes paysannes.

  • 1676-1682 : Fédor III, règne court.

  • 1682-1696 : Règne conjoint d’Ivan V et Pierre Ier (Pierre le Grand).

  • 1689-1725 : Pierre Ier le Grand, modernise l’État, l’armée, fonde Saint-Pétersbourg, proclame l’Empire russe en 1721.

Tsars et empereurs du XVIIIe siècle

  • 1725-1727 : Catherine Ire, veuve de Pierre le Grand, poursuit les réformes.

  • 1727-1730 : Pierre II, règne court.

  • 1730-1740 : Anna Ivanovna, renforce le pouvoir autocratique, grave période de terreur.

  • Plusieurs souverains se succèdent avec un pouvoir souvent fluctuant jusqu’à Catherine II la Grande (1762-1796), qui étend l’empire.

XIXe siècle

  • Alexandre Ier (1801-1825) : Victoires contre Napoléon, conservatisme.

  • Nicolas Ier (1825-1855) : Autocratie renforcée, répression.

  • Alexandre II (1855-1881) : Réformes, abolition du servage.

  • Alexandre III (1881-1894) : Politique conservatrice, russification.

Fin de l’ère tsariste

  • Nicolas II (1894-1917) : Dernier tsar, règne marqué par la révolution de 1905, la Première Guerre mondiale, troubles sociaux intenses. Abdique en 1917 lors de la Révolution russe, fin de la monarchie.

 253 total views,  249 views today

image_pdf

Répondre à Jules Ferry Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


6 Commentaires

  1. Avant 1547, qu’y avait-il comme dirigeant ? la RUSSIE était -elle morcelée ? Existait-elle ? Était-elle alors sous le joug des guerriers de steppes asiatiques ? Pourquoi des Tsars seulement à partir de la seconde moitié du XVI siècle ? Je me méfie de WIKIPEDIA et préfèrerait avoir des informations par des spécialistes impartiaux.

    • Bonjour Vendéenne,
      Avant 1547, la Russie était dominée par des princes, particulièrement ceux de Moscou.

      La Russie était morcelée en plusieurs principautés slaves, en proie à l’influence et à la domination des guerriers nomades d’Asie centrale (Mongols, Tatars).

      La Horde d’Or exerçait un joug féodal et militaire jusqu’à la fin du XVe siècle.

      Ivan III (1462-1505) fit cesser cette suzeraineté en refusant le tribut en 1480.

      Le titre de tsar, incarné par Ivan IV en 1547, marque la montée d’une monarchie centralisée et impériale russe.

      • Tout cela est d’ailleurs bien raconté dans le fameux film d’Eisenstein, Jules, et merci pour ces précisions. Bonne journée.