En 1935, sous le pseudonyme « La môme Piaf », Edith Piaf enregistre « Les mômes de la cloche » qui marque ses débuts dans le monde de la musique, à peine sortie du milieu de l’extrême misère. Les professionnels du spectacle tablent sur sa voix et sur son authenticité de pauvre fille, bien avant qu’elle ne devienne une icône de la chanson française. Cette chanson est déjà ancienne, elle date de 1917. La musique est de Vincent Scotto et les paroles d’André Decaye. Voici du tragique « populaire », le pire de tous, celui de la résignation des prostituées, dernières des dernières parmi les réprouvés de la société. Un tragique peut-être agréable à éprouver par procuration pour certains… car il apitoie et rassure à la fois ceux qui en réchappent ? La fameuse voix, venue des tripes, est là, (dans un enregistrement sans doute plus tardif)…
Après le succès phénoménal, en 1938, de la réplique « Atmosphère ! Atmosphère ! Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? », dans le film Hôtel du Nord, Arletty enregistre plusieurs succès où elle reprend le personnage d’une prostituée à l’accent « parigot ». La vie des petites gens, ouvriers, bistrotiers, prostituées, y est évoquée dans un style typique des années 30, que l’on peut qualifier de « comico-réaliste ». La même année 1939, Arletty figure dans la séquence collective « Comme de bien entendu » et chante seule « J’en ai marre ». Les deux chansons sont signées Jean Boyer et Georges van Parys, pour le film « Circonstances atténuantes ». L’accordéon, ce « piano du peuple » est alors vraiment le roi des instruments d’accompagnement.
Comme de bien entendu
Arletty « J’en ai marre »
A celles qu’il connaissait bien, Georges Brassens a dédié en 1961, « La complainte des Filles de joie ». Soulignons qu’il s’agit d’un hommage sans fards, profondément sensible, et non d’une caricature destinée à faire sourire les « bourgeois », y compris les bourgeois « anarchistes » (ceux qui ignorent qu’ils sont bourgeois), sans doute nombreux dans la salle de Bobino en 1964.
Brassens sera moins cru et encore plus tendre, l’année suivante, dans « La mauvaise herbe » :
« La fille à tout l’monde a bon cœur,
Ell’ me donne, au petit bonheur,
Les p’tits bouts d’ sa peau bien cachés,
Que les autres n’ont pas touchés… »
En 1971, Serge Reggiani chante « La putain » vue par les adolescents encore ignorants de « choses de l’amour » comme on dit à l’époque. Jean-Loup Dabadie sur une musique de Michel Legrand, restitue leur regard plein d’émerveillement devant l’allure, le mystère, le parfum d’une femme qui leur paraît fatale. Histoire d’une vraie passion. Un poème d’une rare délicatesse, comme peu de femmes « convenables » ont pu en susciter :
Claude Nougaro, en 1973, chante la « Rue Saint-Denis », du point de vue du mâle en rut… Puis du point de vue de la prostituée. Chanson terrible et méconnue ! Des mots déchirants de nudité. Et, dans le fond, une faim sauvage, la sensation de la rencontre cruelle de deux appétits insatiables, faits pour se combattre plutôt que pour s’apaiser mutuellement. La chambre est l’enfer d’un Huis-clos sans amour, sans issue, ni sublimation… et la question de Dieu est derrière le rideau de l’alcôve.
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Le rock belge est-il au niveau de leurs frites quand il se défonce sur « Putain, putain » ? Ce fut une chanson d’Arno en 1983 sur l’album Choco du groupe T.C. Matic. Comme on en comprend difficilement les paroles, j’ai noté les premières en français, il y en a d’autres, dans d’autres langues européennes. Les fans d’Arnold Hintjens / Jean Marie Rene Aerts complèteront les paroles, les autres oseront sans doute leur préférer les frites et les blagues belges.
Je ne suis pas un nationaliste
Je n’ai pas les cuisses d’un cycliste
J’suis trop froid pour être un nudiste
Allez allez, circulez
Avec mon cul de vieux pépé
J’aime les femmes
J’aime les garçons
Et comme j’ai déjà dit
Vive les petits zizis
Putain, putain
C’est vachement bien
Nous sommes quand même
Tous des Européens
Consolatrices, « péché, drogue, gardénal » des esseulés et des cocus, les prostituées le furent toujours… et c’est comme telles que Serge Lama les célèbre et les remercie, dans une chanson faussement légère, « Les p’tites femmes de Pigalle« en 1973 :
Pour terminer avec grâce sur un thème qui en manque parfois, remercions Aristide Bruand pour avoir immortalisé la frêle inconnue « qu’on appelait Rose » aux abords de « La rue Saint-Vincent ». La complainte, également connue sous le titre « Rose blanche », a été publiée en 1906. Tout en évoquant la vie rude de la « Belle époque« dans les rues de Montmartre, le froid et la faim, les mœurs des « souteneurs » qui séduisent de toutes jeunes filles privées de tout et d’abord d’affection, la chanson exalte la pureté d’une de ces pauvresses, morte de n’avoir pas voulu devenir une prostituée. Renaud l’a reprise en 1981, avec une sobriété qui sonne juste :
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Bonjour agathe et merci! Après « Mamie sucette », voici le palmarès des chansons « de putes », l’automne sera chaud dans les doudounes et les manteaux, comme aurait pu le chanter Eric Charden. Pour ma part, il me vient à l’esprit un titre que j’ai beacoup joué et chanté dans le passé, il m’arrive encore de l’interpréter aujourd’hui, c’est une chanson d’Hubert Félix Thiefaine, pour ceux qui connaissent : « la môme kaléidoscope « . Bonne journée.
https://youtu.be/uCqZr-WNCvs?feature=shared