Trump et l’Ukraine ou… la mort d’une nation

Je vous invite à prendre le temps de lire et relire l’article ci-dessous de Sylvia, excellent, sur l’Ukraine. Elle fait le point sur la situation, décortique le discours de Trump sur le sujet et nous dessine le tableau hallucinant de ce qui attend et l’Europe et l’Ukraine... 

Christine Tasin

Si je suis entièrement d’accord avec la chronique de Christine Tasin publiée mardi pour ce qui concerne les critiques de Trump sur l’Europe, je suis moins enthousiaste sur l’Ukraine et la Russie.

C’est bien sur ce sujet-là que l’on constate que Trump navigue à vue, qu’il n’a aucune stratégie, que ses propos sont même choquants. En effet, il a annoncé qu’il soutenait les objectifs de l’Ukraine de revenir à ses frontières de 1991 avec la Russie. Il croit aider l’Ukraine. Tout ce qu’il a fait est assurer la destruction d’une nation.

Avec une publication stupéfiante sur son TruthSocial, le président Donald Trump a mis fin à toute prétention d’être un médiateur de paix entre la Russie et l’Ukraine. Pendant sa campagne électorale de 2024, Trump n’a cessé de lancer que son objectif était de mettre fin au conflit « dans les 24 heures », même après avoir prêté serment.

Bien que ce délai soit insaisissable, Trump est resté déterminé à parvenir à une paix durable, même s’il est incapable d’articuler une stratégie sur la manière exacte sur la façon dont cela devrait être accompli.

Ici, Scott Ritter croit savoir que dès le début de sa présidence, Trump est mal conseillé, par une clique de responsables de la sécurité étrangère et nationale qui, à quelques exceptions près, sont des russophobes primaires. De son secrétaire d’État, Marco Rubio, à son conseiller à la sécurité nationale, initialement Mike Waltz et depuis son éviction en mai dernier, Marco Rubio, à son secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, à son directeur de la CI, John Ratcliffe, puis à son secrétaire au Trésor, Scott Bessant, Trump s’est entouré de personnes qui ont passé leur vie d’adulte à détester la Russie et son leadership.

Dans la mesure où Trump a accès à des conseillers qui pourraient préconiser de bonnes relations avec la Russie, il rejette leurs conseils, comme c’est le cas pour Tulsi Gabbard, sa directrice du renseignement national, pour ensuite nullifier, à la faveur des positions russophobes, comme c’est le cas avec l’envoyé spécial en Russie, Steve Witkoff, dont les positions sont contredites par les positions antirusses de Keith Kellog.

Les instincts de base de Trump, qui tendent non seulement à mettre fin au conflit en Ukraine, mais aussi à normaliser les relations avec la Russie, sont soumis à une opposition féroce de son cercle intime, avec peu ou pas d’opposition venant d’autres sources. Ce qui aggrave la situation, c’est le fait que les dégénérés de l’UERSS sont presque unanimement favorables à des politiques conçues pour maintenir l’Ukraine dans une vaine lutte pour vaincre stratégiquement la Russie, jusqu’au dernier Ukrainien. En conséquence, ce qui se passe concernant la politique russe dans l’administration Trump souffre d’une sévère vaccination car Trump est soumis à des pressions de toutes parts pour tourner le dos à la Russie et en particulier à Vladimir Poutine, qu’il aime beaucoup. « Poutine, est la sorte de gars », comme le dit si bien l’analyste ancien de la CIA, Ray McGovern, « la sorte de gars pour lequel Trump a beaucoup d’admiration. Il est dur, puissant, c’est le genre de gars, que Trump aime fréquenter. »

En août dernier, il semblait que les instincts du président avaient prévalu, avec une rencontre entre Trump et Poutine en Alaska. Cette réunion a abouti à ce que Trump adopte en grande partie les positions de la Russie concernant la fin du conflit, ce qui obligerait l’Ukraine à accepter des concessions territoriales, ainsi que des limitations sur sa taille militaire et sa souveraineté politique.

À peine un mois plus tard, le président Trump semble avoir fait un virage à 180° degré sur la question des concessions territoriales. « Après avoir appris à connaître et comprendre pleinement la situation militaire et économique de l’Ukraine/Russie », Trump a publié sur son compte de TruthSocial, « et, après avoir vu les problèmes économiques qu’elle cause à la Russie, je pense que l’Ukraine, avec le soutien de l’Union Européenne, est en mesure de se battre et de RECONQUÉRIR toute l’Ukraine dans sa forme originale. Avec du temps, de la patience et le soutien financier de l’Europe et, en particulier de l’OTAN, les frontières originales d’où cette guerre a commencé, c’est vraiment une option.»

Trump a ensuite changé de direction concernant son pronostic sur la progression du conflit. En mai, Trump a reconnu que le président russe ne cherchait pas d’issue au conflit en Ukraine, parce que la Russie croyait gagner la guerre. Cette perception a été maintenue lors du sommet de l’Alaska. Mais les affirmations ukrainiennes d’une contre-attaque réussie au nord de Pokrovsk, et la poursuite des frappes de drones ukrainiens contre des cibles énergétiques russes ont aidé à influencer Trump pour qu’il change son analyse. « La Russie », a noté Trump, « se bat sans but depuis trois ans et demi dans une guerre qui aurait dû prendre moins d’une semaine à une véritable puissance militaire pour gagner. Ce n’est pas distinguer la Russie. En fait, cela les fait beaucoup ressembler à un tigre de papier » !

Trump a ensuite continué à caractériser davantage sa perception d’une Russie affaiblie maintenant vulnérable à une Ukraine enhardie. « Lorsque les gens vivant à Moscou, et dans toutes les grandes villes, villes et districts de toute la Russie découvriront ce qui se passe vraiment avec cette guerre », a écrit Trump, « le fait qu’il soit presque impossible pour eux d’obtenir de l’essence à travers de longues files d’attente qui se formeront, et toutes les autres choses qui se passent dans leur économie de guerre, où la plupart de leur argent est dépensé pour combattre l’Ukraine, qui a un grand esprit, et cela ne fait que s’améliorer, l’Ukraine serait capable de reprendre son pays dans sa forme originale et, qui sait, peut-être même aller plus loin que ça ! »

Ignorons pour un moment que Trump a littéralement approuvé des actions qui, si elles étaient mises en œuvre, entraineraient très certainement une guerre nucléaire. Le fait est, que quelqu’un l’a convaincu que la Russie serait vulnérable militairement et économiquement. Qui a eu assez de crédibilité pour lui faire avaler cette sottise ? La Russie n’a jamais été aussi florissante ! « Poutine et la Russie sont en GRANDE difficulté économique » a déclaré Trump, « et c’est le moment pour l’Ukraine d’agir. » Trump conclu en « souhaitant bonne chance aux deux pays » et en déclarant que les États-Unis « continueront de fournir des armes à l’OTAN pour que l’OTAN fasse ce qu’ils veulent avec elles. »

Ce post de Trump met fin à toute idée qu’il reste engagé à résoudre le conflit russo-ukrainien. Personne n’aurait dû être surpris par cette décision. Trump a déclaré qu’il s’éloignerait du conflit s’il n’était pas en mesure de convaincre les deux parties de conclure un accord de paix. Aucun des deux et voilà le résultat. A la surface, le post de Trump semble anti-russe et pro-ukrainien. Mais la posture publique cache la simple vérité que Trump abandonne en grande partie l’Ukraine à son destin inévitable. Bien que Trump ait adopté le récit de Zelensky concernant les prouesses sur le champ de bataille de l’Ukraine et la faiblesse économique de la Russie, il n’a pris aucune mesure significative pour favoriser davantage l’Ukraine.

Trump ne modifiera pas les politiques de son administration concernant les ventes d’armes à l’Ukraine, continuant plutôt à suivre une formule selon laquelle l’Europe achète des armes aux États-Unis, puis les transfère en Ukraine. Il n’y a pas de changement dans la priorisation de la fabrication, qui est biaisée en faveur du réapprovisionnement des stocks américains épuisés. Le résultat est, que les armes dont l’Ukraine prétend avoir désespérément besoin, ne commenceront pas à entrer en Ukraine en quantités significatives avant 2027.

Trump a également lié toute initiative américaine décisive concernant la sanction de la Russie à des initiatives similaires de l’UERSS, y compris la cessation de tous les achats de pétrole et de gaz russes et l’imposition de sanctions à l’Inde et à la Chine comme punition pour leurs achats continus d’énergie russe. Le problème est que l’UERSS n’est pas en mesure de remplir ces conditions préalables, ce qui signifie que la politique américaine en matière de sanction contre la Russie restera largement inchangée.

Et Scott Ritter de continuer :

La réalité est, qu’en dehors de la rhétorique très chargée de Donald Trump, il n’y a pas de changement fondamental dans l’approche américaine envers la Russie et le conflit ukrainien. Et ce n’est pas parce que le POTUS affirme la supériorité militaire de l’Ukraine sur la Russie, et la faiblesse économique russe, que cela changera les choses. La Russie continue de maintenir un avantage stratégique sur l’Ukraine sur tous les indicateurs utilisés pour mesurer le succès dans un conflit, militairement, économiquement et politiquement.

Pire, les paroles de Trump rendent tout à fait impossible la réalisation d’un règlement négocié. En conséquence, l’Europe continuera à fournir un soutien financier et militaire à l’Ukraine, prolongeant un conflit qui a été perdu depuis longtemps.

Mais cette prolongation se fera au détriment de l’Ukraine. La Russie a maîtrisé l’algorithme de la guerre d’usure, et l’Ukraine continuera à perdre du personnel et de l’équipement à un rythme qui dépasse de loin sa capacité à remplacer l’un ou l’autre. La Russie continuera également à détruire les infrastructures industrielles et énergétiques critiques, rendant l’Ukraine encore plus dépendante des largesses européennes pour que sa survie continue. La combinaison des tensions militaires et économiques exercera à son tour une pression sur la visibilité politique continue du gouvernement Zelensky. Finalement la tension combinée de ces trois piliers en train de s’effondre, mènera à la désintégration de l’Ukraine en tant que territoire gouvernable.

En bref, l’UKRAINE n’existera plus comme pays souverain.

Le prix de cette défaite sera insupportable pour l’Ukraine. On peut facilement prévoir un nombre de morts parmi les soldats ukrainiens qui double le 1,7 million de soldats ukrainiens morts et disparus qui sont tombés à ce jour. L’Ukraine perdra également des territoires supplémentaires, y compris Odessa, Mikolayev, Kharkov et peut-être aussi Dniepropetrovsk et Sumy. On peut également s’attendre à une perte supplémentaire de territoires alors que la Pologne, la Hongrie et la Roumanie se découpent ce qui reste, ne laissant qu’un petit Etat croupion centré sur Kiev, qui serait connu sous le nom d’Ukraine. Le concept d’indépendance et de souveraineté a également été remis en question et tout ce qui reste de l’Ukraine sera à jamais sous le contrôle de la Russie. C’est ce qu’observent et déclarent tous les meilleurs analystes de la communauté internationale des géopolitologues. Les rêves d’adhésion à l’UERSS seront remplacés par un statut de l’Ukraine en tant que partenaire junior d’un état de l’union élargie.

C’est ce que Donald Trump a accompli, à cause de ses publications sur les réseaux sociaux et ses apparitions médiatiques ultérieures. Il pense qu’il se comporte comme un homme fort. Mais la réalité est très différente : Le président Trump, en levant les espoirs de l’Ukraine tout en les brisant, s’est révélé intellectuellement limité et moralement diminué. Ce n’est que trop tard que l’Ukraine et ses sponsors dégénérés de l’UERSS réaliseront qu’ils ont été dupés. D’ici là, la duplicité de Donald Trump sera évidente pour tous, sauf bien sûr pour les millions d’Ukrainiens qui périront ! Comme je le dis toujours, les États-Unis ne sont et n’ont jamais été nos amis, mais des alliés de circonstances, parfois. Enfin, j’espère que les lecteurs réaliseront que nous allons payer un prix très cher par l’effondrement définitif de nos pays et en particulier l’Allemagne, la France, la Grande Bretagne.

Bien sûr, la réaction ironique mordante de l’inénarrable Dmitri Medvedev sur les déclarations de Trump n’ont pas manqué au tableau.

« Il se passe des choses à New-York. Trump s’est une fois de plus enfermé dans une réalité alternative et a sorti une partie des sortilèges politiques sur le thème ; la faiblesse de la Russie, la défaite finale de la Russie, l’Ukraine triomphante, une économie en ruine, des files sans fins devant les stations-services et enfin le tigre de papier. Je n’ai aucun doute, il reviendra. Il revient toujours. Mais Trump n’est pas du tout le genre. Vraisemblablement qu’il proposera dans quelques jours au pianiste de signer la capitulation. Peut-être s’envolera-t-il sur Mars avec Elon Musk avec lequel il semble réconcilié. Ou alors, il fera quelque chose d’autre de très important qui le qualifiera pour le prix Nobel ! L’essentiel est de changer radicalement d’avis sur les questions les plus diverses, et tout ira bien. C’est l’essence même de la gouvernance réussie par le biais des réseaux sociaux ! »

On ne peut plus ironique. La chute de la déclaration Medvedew exprime ce que disent les Profs Sachs, Doctorow, Mearsheimer, les Alexander Mercouris et tous les autres. Tragique !

Sylvia Bourdon, 24 septembre 2025

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