
A l’époque, j’écrivais pour Riposte laïque, Résistance républicaine n’ayant été créée qu’en 2010
https://ripostelaique.com/Interview-de-Sylvain-Gouguenheim.html
En 2008, j’avais interviewé Sylvain Goughenheim pour son « Aristote au Mont-Saint-Michel »
Riposte Laïque : Sylvain Gouguenheim, spécialiste du Moyen-Âge, vous venez de publier un ouvrage : Aristote au mont Saint-Michel, les racines grecques de l’Europe chrétienne, qui vous a valu les foudres d’un certain nombre de vos collègues. Pourriez-vous d’abord, en quelques phrases, préciser aux lecteurs de Riposte Laïque vos objectifs et les conclusions auxquelles ce travail vous a mené ?
Sylvain Gouguenheim : Mes objectifs étaient de rendre accessibles au grand public un grand nombre d’articles et de travaux érudits dispersés dans des revues spécialisées, autour d’un problème assez difficile : celui de la redécouverte par les hommes du Moyen Age du savoir grec antique. J’en suis venu à la conclusion qu’à côté de l’intermédiaire arabe, indiscutable, avait existé une autre voie, celle reliant directement l’empire byzantin et le monde européen. Il y a aussi, les spécialistes le savent bien, le rôle de centres culturels comme la Sicile ou Antioche.
Mon idée est double : les lettrés du Moyen Âge (du VIIe au XIIe siècle environ) ont cherché à retrouver les textes des lettrés et des savants grecs, il y a donc une cohérence et une continuité dans l’attitude des lettrés européens de cette époque. Dans cette quête, la recherche directe de textes grecs dans le monde byzantin est plus importante qu’on ne le croit (je rappelle que Byzance était bien en partie en Europe puisque cet empire englobait la Grèce!). Dans ce processus les traductions et les commentaires effectués au Mont Saint Michel ne sont pas à minimiser. Il faut y ajouter le rôle des Arabes chrétiens, des Syriaques. Je me suis enthousiasmé pour les moines du Mont saint-Michel, fort bien connus certes, mais dont le rôle au début du XIIe siècle m’a semblé méconnu du grand public.
Riposte Laïque : Un collectif international de 56 chercheurs en histoire et philosophie du Moyen-Âge vient de rendre public une pétition vous concernant. Ils prétendent tout d’abord que vous vous appuyez sur de « prétendues découvertes », lesquelles ?
Sylvain Gouguenheim : D’abord, la pétition n’est pas un mode normal de discussion scientifique. Je ne prétends pas faire de “découverte”, puisque je passe mon temps à citer d’autres auteurs (il suffit de lire mon livre pour s’en rendre compte), mais j’ai vu des manuscrits, ceux du Mont Saint Michel – qui étaient déjà connus – et j’ai été convaincu, après examen, de leur importance.
Riposte Laïque : Pourquoi vous font-ils grief de faire porter votre étude sur la période du VI° au XII° siècle ?
Sylvain Gouguenheim : Je ne sais pas car j’explique bien que le problème que j’étudie n’existe plus aux XIIIe-XIVe siècles ni par la suite : l’Europe, le monde arabe ou turc ont évolué et le problème ne se pose plus dans les mêmes termes.
Riposte Laïque : On vous reproche des erreurs, qui, aux yeux du non-spécialiste, semblent des détails, qui ne seraient des fautes que dans une thèse universitaire. Votre ouvrage se veut-il un ouvrage de référence pour les étudiants ou bien un ouvrage de vulgarisation destiné au grand public ?
Sylvain Gouguenheim : Ce n’est pas un ouvrage de référence. C’est un essai de vulgarisation de problèmes historiques difficiles. Le sujet comporte beaucoup de problèmes annexes. La question des rapports entre les civilisations ne peut être tranchée de manière rapide, dans un sens ou dans un autre. Les chemins par lesquels l’héritage grec a circulé en Europe, à Byzance, dans le monde abbasside sont complexes. Il y a certainement des choses à découvrir encore. La vulgarisation est une entreprise difficile, qui expose à commettre des erreurs, et que l’on critique parfois un peu vivement. Pourtant elle me semble indispensable.
Riposte Laïque : On vous reproche également, et surtout, car tel semble être le noeud du problème, de déboucher sur du racisme culturel. Que pouvez-vous répondre à cette accusation ?
Sylvain Gouguenheim : Je ne comprends pas : je souligne des points communs et j’essaye de comprendre des différences entre les grandes civilisations médiévales. A mes yeux, ces différences ne sont pas l’expression de supériorités ou d’infériorités. Après tout, la Chine ou l’Inde n’ont pas eu accès à la « raison grecque » : ce n’en sont pas moins de très grandes civilisations ! Finalement ce sont mes contradicteurs qui font de l’ethnocentrisme, comme s’ils avaient peur qu’on utilise « l’héritage grec » comme une échelle de valeur qui déboucherait sur une forme de racisme culturel. Or, pour moi ce n’est pas une échelle de valeur, mais simplement un critère de distinction.
En outre, dans les différences entre civilisations, les langues sont un facteur important, et de longue durée. Elles n’empêchent pas de communiquer puisque l’on peut traduire, mais les traductions posent des problèmes à leur tour. Il y a dans toutes les langues du monde des notions ou des concepts difficiles à traduire. Ce n’est pas un jugement de valeur mais le simple reflet de la diversité humaine et cette diversité est fascinante, son étude est enrichissante. J’ai découvert beaucoup à propos des Syriaques comme des philosophes musulmans. C’est à la pensée de Fernand Braudel que je me rattache. Enfin, ce n’est pas parce qu’au Moyen-Âge certains échanges ou certaines influences étaient impossibles, que c’est toujours le cas de nos jours, ou que ce sera le cas à l’avenir.
Riposte Laïque : Enfin, certains vous reprochent l’utilisation de certaines parties de votre livre par des sites d’extrême droite, quand on ne vous accuse pas d’avoir signé des commentaires racistes sur des sites Internet signés
Sylvain Gouguenheim : Quelle réponse pouvez-vous donner ?
Je n’ai signé aucun commentaire raciste nulle part. L’Internet est susceptible d’un nombre infini de fabrications, on le sait pour bien d’autres domaines. Mon éditeur a même trouvé un jour sur Internet un article entier de deux pages, signé de mon nom, sur un sujet général traitant du Moyen Âge, absolument pas polémique d’ailleurs, mais que je n’avais jamais écrit !. J’exprime par ailleurs fermement mon rejet de toute forme de racisme ou d’intolérance religieuse. J’ai expliqué aussi que mon manuscrit entier, ou des parties, avaient circulé auprès de nombreux relecteurs ou simplement amis. J’avais même déposé une première version chez un autre éditeur il y a 3 ans. Je n’estimais pas avoir à prendre de précautions particulières en traitant de l’impact d’Aristote sur les civilisations médiévales… mais il y a eu fuites, sur lesquelles non seulement je m’interroge mais j’enquête.
Riposte Laïque : Comment expliquez-vous le lynchage dont vous êtes l’objet ? Pensez-vous que, comme on l’a vu avec Redeker, l’affaire des caricatures de Mahomet, ou le procès qui a été fait à l’historien Olivier Pétré-Grenouillot à propos de son livre sur la traite négrière, la liberté d’expression soit muselée en France dès que l’on évoque des sujets sensibles comme l’islam, l’esclavage ou la colonisation ? Comment l’expliquez-vous ?
Sylvain Gouguenheim : Je crois que certaines personnes sont devenues très sensibles à certains sujets, au point que le fait d’en parler devient d’emblée suspect. Il faut lire les livres, les articles, mais ne pas prêter à leurs auteurs des pensées qu’ils n’expriment pas. Et si l’on a un doute, mieux vaut dialoguer que lancer une pétition. La phrase de Voltaire sur la tolérance est inversée, on en est à quelque chose du genre : « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites et je me battrai pour que vous ne puissiez pas le dire » !
J’admets être critiqué, mais pas être déformé. J’ai l’impression que beaucoup de personnes ont lu certains passages, sans lire le livre en entier, ni s’attarder sur les mises en garde que je faisais figurer en introduction. C’est dommage. Je tiens à signaler que je reçois de nombreux soutiens de la part de collègues, d’étudiants et d’anciens étudiants. Sans se prononcer sur le contenu scientifique de mon livre, tous dénoncent la méthode utilisée contre moi. Ceux qui ont lu mon livre disent ne pas comprendre la violence des réactions. J’aimerais qu’un vrai débat scientifique soit lancé, poursuivi et que la connaissance progresse. Je suis, comme pour tous mes écrits, prêt à reconnaître des erreurs !
Propos recueillis par Christine Tasin
Complément, article de Charles Demassieux sur Ripostelaïque sur ce sujet
Aristote au mont Saint-Michel, je ne l’avais pas lu, tout en sachant que la thèse qu’il proposait était vraie, car j’avais eu l’occasion de la vérifier en lisant d’autres ouvrages sérieux consacrés à ce sujet et qui défendaient eux aussi l’idée que le savoir grec antique n’avait jamais disparu de l’Occident. De plus, lors d’expositions, j’ai pu contempler des manuscrits médiévaux consacrés à la philosophie grecque et antérieurs au soi-disant apport islamique en la matière.
Ce livre-martyr de la censure de gauche, je viens donc de le lire, après me l’être procuré à un prix défiant toute concurrence – 25 euros ! –, sachant que son interdiction tacite a fait flamber les prix de ses exemplaires depuis sa publication en 2008. À ce propos, j’ai plusieurs fois écrit aux éditions du Seuil – qui l’avaient publié – pour demander si une éventuelle réédition était envisageable, sans aucune réponse de leur part !
[À l’époque, Christine Tasin avait interviewé Sylvain Gouguenheim, dont voici le lien de l’entretien :
https://ripostelaique.com/Interview-de-Sylvain-Gouguenheim.html]
Aristote au mont Saint-Michel est donc un livre-martyr, puisque sacrifié sur l’autel de la para-réalité historique dont les gauchistes se font les chantres, quitte à mentir allègrement. Martyr parce qu’il a été, à sa sortie, vilipendé et frappé de l’anathème « islamophobe », même s’il ne recèle aucune injure à l’endroit de l’Islam. Pourquoi un tel déchaînement de haine écumeuse ? Parce que son auteur remettait en cause la doxa idéologique anachronique, et totalement fausse, décrétant que l’Occident chrétien devrait presque tout à cet Islam trompeusement idéalisé.
Ce à quoi répond l’auteur dans son ouvrage : « Que les musulmans aient volontairement transmis ce savoir antique aux chrétiens est une vue de l’esprit. »Pour s’en convaincre, il suffit de mettre en miroir l’évolution du monde chrétien et du monde islamique, et de voir où est allé l’héritage antique tant grec que romain. Ce n’est d’ailleurs pas à Bagdad que deux pères-fondateurs de la Renaissance sont allés redécouvrir la culture antique au début du XVe siècle, mais à Rome. Je veux parler de l’architecte Brunelleschi et du sculpteur Donatello.
Autre chose : dans sa préface à la Guerre des Gaules, de Jules César, Paul-Marie Duval – éminent historien – évoque la connaissance du grec dans certaines tribus gauloises, en écrivant notamment : « Les druides employaient l’alphabet grec, les Helvètes aussi pour tenir le compte de leurs effectifs. » Et l’on voudrait nous faire croire qu’à la chute de l’Empire romain d’Occident (en 476) tout cela s’est évanoui ?!
Malheureusement, et au mépris de l’étude des faits qui motive en théorie la recherche historique, depuis quelques décennies le réel est devenu ce que les minorités bruyantes et bêtes décrètent qu’il est ! Par exemple, prétendre – suivant une réalité scientifique naturelle intangible – qu’on naît fille ou garçon est devenu un crime « transphobe » de nos jours.
Il en est de même avec l’Islam, sacralisé au nom d’une repentance européenne à l’égard de son passé colonial et qui pourtant, face à l’Histoire, n’a pas lieu d’être : chaque civilisation, sans exception, fut à l’occasion conquérante, l’Islam ne dérogeant d’ailleurs pas à la règle, qui se tailla la part du lion dans cette matière !
Pourtant, la réalité existe bel et bien, et ce ne sont pas les détracteurs du livre de Sylvain Gouguenheim – dont Jacques Le Goff, immense médiéviste, s’est défié à l’époque, lors de ce qu’on l’on appelé « l’affaire Gouguenheim » – qui pourront y changer quelque chose : « Le christianisme était par ailleurs nourri, imbibé, dès ses origines, de culture grecque. »
Et l’auteur de nous mettre en garde contre la réécriture de l’Histoire : « Refuser certaines racines aboutit aussi à faire table rase d’une série de traits spécifiques d’une culture ou d’une civilisation, ce qui peut conduire à y substituer d’autres éléments, pourtant extérieurs à cette culture. »
Surtout, loin d’une transmission directe et généreuse du savoir grec, « l’Islam a d’abord transmis la culture grecque à l’Occident en provoquant l’exil de ceux qui refusaient sa domination. Mais cette fuite n’aurait guère eu de conséquences si les Grecs de Byzance n’avaient pris le relais de la culture antique et si les élites occidentales ne s’y étaient pas intéressées. Les émetteurs rencontrèrent leurs récepteurs ».
Contrairement à la nouvelle pensée dominante dans les universités françaises, l’Europe n’avait jamais rompu ses liens avec l’Antiquité après la chute de l’Empire romain d’Occident. D’autant que des chrétiens vivaient encore en Orient, notamment dans l’Empire byzantin, et qu’ils ont maintenu ce lien : « Grâce aux chrétiens d’Orient ou aux liens entretenus avec Byzance, via la Sicile, l’Italie du sud ou l’exarchat[circonscription administrative de l’Empire byzantin], le monde latin a conservé ou retrouvé une partie du savoir des Anciens. »
Mieux, « la civilisation européenne ne s’est pas limitée à conserver les fossiles des cultures antérieures, elle les a fait fructifier ». Raison pour laquelle notre civilisation est si florissante : elle assimile ce qu’elle apprend et évolue ainsi, contrairement à l’Islam qui fait tout passer à la moulinette du Coran, ce qui ne laisse plus grand-chose à l’arrivée. Toutes choses fort bien expliquées par Sylvain Gouguenheim.
Dans ce monde latin médiéval existait le scriptorium très prolifique du mont Saint-Michel, où officia entre autres un certain Jacques de Venise, dont les traductions à partir du grec – et quoique discutables car trop littérales, nous dit l’auteur – connurent un très grand succès. Preuve indiscutable que l’Occident chrétien connaissait le savoir grec antique sans avoir besoin des « lumières » d’Allah, dont les fidèles savants, convaincus que l’arabe était une langue sacrée car ayant révélé le Coran, ne prirent pas la peine d’apprendre le grec.
C’est donc avec une méticulosité savante que Sylvain Gouguenheim démonte les idées reçues sur la présupposée ignorance de l’Occident chrétien médiéval avant sa « rencontre » avec l’Islam. Prenons par exemple la médecine : « L’Occident n’a pas attendu les croisades pour la découvrir mais en reprit connaissance dès le VIe siècle. » C’est-à-dire un siècle avant la naissance de l’Islam.
L’auteur énonce aussi des faits dérangeants pour les tenants d’une chrétienté médiévale ignare et d’un islam sublime, dont celui-ci : « L’écriture arabe, dite “coufiqueˮ, fut elle-même forgée par des missionnaires chrétiens au VIe siècle. »Donc, le Coran a été révélé à partir d’une langue inventée par des chrétiens… ! Des chrétiens qui, tout comme des Juifs, furent de prestigieux savants dans le monde musulman, conscient peut-être alors de ses carences intellectuelles.
Quant à l’influence de la philosophie grecque sur le monde musulman, l’auteur revoit ces prétentions à la baisse, démontrant qu’en Islam « l’hellénisation demeura un phénomène intellectuel sans prise sur les mentalités collectives attachées à la foi, ni sur les structures politiques, sociales ou juridiques ». Car le Coran est révélé et donc incréé, il contient tout ce que le fidèle a besoin de savoir, il n’a pas besoin d’apports extérieurs. Ce qui limite toute évolution scientifique et culturelle.
Enfin, Sylvain Gouguenheim frappe là où ça fait mal en exhumant une douteuse historienne des religions, Sigrind Hunke, ayant fait l’apologie de l’islam au détriment du christianisme, ce dernier hérité du judaïsme qu’elle ne pouvait que détester en sa qualité d’ancienne membre du parti nazi et proche d’Heinrich Himmler, lequel l’intronisa dans l’Ahnenerbe, cette officine pseudo-scientifique délirante prétendant prouver la supériorité de la race germanique. Encore une qui put passer à travers le filet aux très larges mailles de la dénazification et commettre plus tard un livre – Le Soleil d’Allah brille sur l’Occident. Livre qui connut un retentissant succès et inspira l’idée d’un Islam supérieur que, précisément, Sylvain Gouguenheim contredit avec brio dans son essai.
En refermant Aristote au mont saint-Michel – auquel René Marchand, bien connu des lecteurs de Riposte laïque, apporta son concours –, ce livre maudit par les instances progressistes – à la manière d’un Robespierre qui proposait le progrès au tranchant de la guillotine ! –, je me dis que la France sombre peu à peu dans un totalitarisme insidieux qui, un jour prochain, fera condamner pénalement quiconque osera avouer son amour pour sa culture, essentiellement d’ascendance gréco-romaine et judéo-chrétienne. Triste Nation qui se déteste à ce point…
Christine Tasin
https://ripostelaique.com/retour-a-aristote-au-mont-saint-michel.html
Complément : voir sur wikipedia
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Brillant rappel historique du passé sur ce sujet polémique en cours de reprise « scientifique » (sic) par une officine de L’UE pour nous intoxiquer de l’idée que l’islam est l’une des valeurs fondatrice de l’Europe. Budget total alloué 17 millions d’euros nous précise le magazine Valeurs Actuelles.