Paris-Alger: l’escalade, jusqu’ à quand, jusqu’ où ?

 

Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger

C’est évidemment la plus grave crise entre Paris et Alger depuis 1962; cette crise est durable et laissera des traces, bien plus que les précédentes… On ne peut pas accepter l’ingérence diplomatique de l’Algérie dans la politique étrangère française: cette crise existe par la faute d’Alger qui prétendait dicter à la France ses orientations de politique étrangère et notamment sa position sur le Sahara occidental

Juvénal

Chronique de Xavier Driencourt 

C’est évidemment la plus grave crise entre Paris et Alger depuis 1962; cette crise est durable et laissera des traces, bien plus que les précédentes… On ne peut pas accepter l’ingérence diplomatique de l’Algérie dans la politique étrangère française: cette crise existe par la faute d’Alger qui prétendait dicter à la France ses orientations de politique étrangère et notamment sa position sur le Sahara occidental

Ça ne s’arrêtera donc jamais!

Cela fait un an maintenant que la crise entre la France et l’Algérie a débuté. Parce que, rappelons-le, la France, par une lettre du président de la République envoyée au roi du Maroc à l’occasion de la Fête du Trône le 30 juillet 2024, avait approuvé la position marocaine sur le Sahara occidental. En un an, la crise, profonde et durable, entre les deux pays est allée crescendo. Quand et comment s’arrêtera-t-elle?

– Le 31 juillet, lendemain de la décision française, l’ambassadeur d’Algérie en France était rappelé pour consultations à Alger. Depuis lors, seul un chargé d’affaires représente les intérêts algériens en France;

– Très rapidement, l’Algérie a refusé systématiquement de reprendre ses ressortissants en situation irrégulière;

– Puis les consulats algériens ont refusé de délivrer des laissez-passer consulaires aux Algériens en situation irrégulière alors même qu’ils leur délivrent des passeports;

– En octobre, Alger a lancé une charge médiatique et judiciaire à l’encontre de l’écrivain Kamel Daoud, déclaré coupable d’avoir reçu et accepté le Prix Goncourt; puis, c’est un mandat d’arrêt international contre l’écrivain;

– Le 16 novembre, c’est au tour de l’écrivain franco-algérien, Boualem Sansal, d’être arrêté puis jugé et emprisonné à Alger;

– En janvier dernier, c’est un groupe de soi-disant influenceurs, à la solde du régime, qui publient sur les réseaux sociaux des messages de haine contre la France; même ceux qui détiennent un passeport algérien sont refoulés à leur arrivée en Algérie, bien qu’ayant fait l’objet d’une OQTF;

– En mai, après une interview du président algérien, au journal l’Opinion, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, est reçu à Alger, dans des conditions assez humiliantes, mais il juge bon d’évoquer une «normalisation» rapide avec Alger;

– La semaine suivante, l’Algérie, voulant humilier le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, expulse d’Algérie les représentants du ministre de l’Intérieur (DGSI et service de coopération internationale);

– En réaction, le gouvernement français expulse à son tour, 15 diplomates algériens de France;

Boualem Sansal a alors été jugé et condamné à dix ans de prison, sans que son avocat n’ait été autorisé à se rendre à Alger, en raison de ses origines juives, issues d’une famille d’Oran;

– L’ambassadeur de France en Algérie est alors rappelé pour consultations et depuis lors, la France est représentée par un chargé d’affaires.

– Le 24 juin, en appel, contre l’avis du procureur, et toujours sans avocat, bien qu’il ait entre-temps changé d’avocat, Boualem Sansal est condamné à 5 ans de prison, ce qui, compte tenu de son âge, est de facto une condamnation à perpétuité;

– Alger, pendant ce temps, ne reste pas inactif et, par le biais de son ambassade en France, orchestre des attaques et même des tentatives d’enlèvement visant des réfugiés politiques algériens (Amir Boukhors, Abdou Semmar notamment);

Conscient que sa politique de bienveillance envers Alger ne mène à rien — et qu’elle constitue, au fond, une faute — le président Macron change de cap. Dans une lettre adressée à son Premier ministre, et rendue opportunément publique par l’Élysée, il appelle à davantage de fermeté à l’égard du gouvernement algérien. Trois mesures sont annoncées: le blocage des huit nouveaux consuls algériens, la dénonciation formelle de l’échange de lettres franco-algérien de 2007 (révisé en 2013) exemptant de visas les détenteurs de passeports diplomatiques, et la non-délivrance de visas de long séjour aux Algériens.

– Ceci provoque évidemment l’ire du gouvernement d’Alger qui, dès le lendemain, convoque le chargé d’affaires français et annonce une série de représailles.

Enfin, le 9 août, Paris émet un mandat d’arrêt international à l’encontre du premier secrétaire de l’ambassade d’Algérie à Paris, et du consul adjoint à Créteil, responsables de l’enlèvement et de la séquestration d’Amir Boukhors.

Voilà où nous en sommes. Échec pour la France, mais aussi, disons-le, échec non pour l’Algérie, mais pour le président algérien. Échec pour la France d’abord, car le président Macron, depuis 2017, avait fondé toute sa relation avec l’Algérie sur l’idée que lui, n’ayant pas connu la guerre d’Algérie et donc délié des contraintes politiques qu’avaient connu ses prédécesseurs à l’Élysée, saurait parvenir à une réconciliation avec l’Algérie. Dans le fond, faire avec Alger ce que de Gaulle avait réussi avec Adenauer. Influencé peut-être par Benjamin Stora qui l’avait convaincu que Abdelmadjid Tebboune était un partenaire fréquentable, il a tout fait pour plaire à l’Algérie et mis en œuvre une politique dite «mémorielle» active. Le pays, et lui sans doute, constatent aujourd’hui la faillite de cette politique. Mais aussi échec pour le président algérien. Ce dernier s’efforçait depuis plusieurs mois de séparer le chef de l’État des «nostalgiques de l’Algérie française» et des «extrémistes» incarnés par Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur. Le désaveu de la «ligne diplomatique» incarnée par M. Barrot et le quasi-ralliement du Chef de l’État à la ligne de fermeté incarnée par la Place Beauvau est un échec pour Tebboune qui pensait que Macron ne le lâcherait pas…

Enfin, cette crise m’inspire trois remarques:

C’est évidemment la plus grave crise entre Paris et Alger depuis 1962; cette crise est durable et laissera des traces, bien plus que les précédentes; outre les effets diplomatiques et politiques pour les deux pays, Tebboune, par sa politique, aura réussi une chose: ternir profondément et, sans doute, durablement l’image de l’Algérie et des Algériens en France. Il ne se rend pas compte que par là même, il rend un très mauvais service à son peuple. Qui pourrait avoir de la considération pour ce régime et, malheureusement, par extension, pour le peuple algérien, qui ne mérite pas cela ?

– On ne peut pas accepter l’ingérence diplomatique de l’Algérie dans la politique étrangère française : cette crise existe par la faute d’Alger qui prétendait dicter à la France ses orientations de politique étrangère et notamment sa position sur le Sahara occidental. En quelque sorte, Alger voudrait s’arroger un droit de contrôle sur la politique extérieure française. Aucun pays ne peut accepter une telle prétention.     Xavier Driencourt Le 19/08/2025 à 18h00

Pcc : Juvénal de Lyon   /   LIBÉREZ BOUALEM SANSAL

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12 Commentaires

  1. Pourquoi ne coupe t-on pas toute relation avec ce pays qui nous déteste ? je sais, c’est à cause du micron nul en géopolitique ainsi qu’en géostratégie et qui veut détruire notre pays !!!
    Nous n’avons pas besoin de l’Algérie ni de leurs habitants !!!
    Le commerce, on peut le faire ailleurs !!! Plein le cul de ce pays de merde !!! Même ses voisins ne l’aiment pas !

  2. Bonjour,

    Merci Juvénal : à quand une véritable Résistance, en France, contre le suprémacisme d’Alger ?

  3. En fait on est revenu quasiment à l’époque de la guerre d’Algérie et du FLN. On peut dire qu’on en aura pas loupé une avec Macron.

  4. Ce sont nos dirigeants passés et actuels qui ont pratiqué le baissage de slip devant ces emmerdeurs. Et ce depuis 1962.

  5. L’ ancien Ambassadeur de France
    en Algérie récapitule la chronologie de la partie de Ping-Pong à
    laquelle se livrent Macron et Tebboune, ce qui nous permet de rétablir où se situent les responsabilités dans la volonté d’ humilier l’un ou l’ autre pays ! L’ Italie, les US, la Grande Bretagne et des dizaines d’ autres pays, dont des pays musulmans ont reconnu la marocanité du Sahara occidental (ex espagnol), sans que les relations avec l’ Algérie n’en soit affectées. L’ américain Exxon (Esso) est en cours de négociations pétrolières avec Alger,idem pour E.N.I italienne… Toute ces récriminations contre la France relèvent de la psychiatrie et de la frustration rancunière, remâchée et rance de Monsieur Tebboune, grand caractériel incurable !

    • Merci pour ce commentaire car je me disais que la reconnaissance du Sahara occidental par la France regardait, un tout petit peu, l’Algérie , habituée à regarder cette partie comme sienne ; ceci tout simplement pour répondre au fait que la politique étrangère de la France ne regardait pas l’Algérie ! il s’agit « peut être de diplomatie car je suis persuadée que ce Sahara occidental sera une pierre d’achoppement dans 10 ans, 15 ou 20 ans ! c’est ainsi partout ! il s’agit bien sûr aussi, de ce que les dirigeants français ont accepté beaucoup de choses comme les ressortissants algériens qui restent sur notre sol, mais bien avant la cession du Sahara O ; on peut aussi parler de la prosternation devant des tombes en Algérie, par certains de nos dirigeants . On peut parler de ministre d’origine algérienne qui, pour ne pas faire accuser les cités, a préféré parler d’anglais incontrôlables… tout cela s’ajoute.. Quant à Tebboune, on peut aussi parler du précédent président algérien ; il faut être clair avec ces gens là

      • Bonjour Denise,
        Merci de votre commentaire.
        Votre prénom évoque en moi des souvenirs nostalgiques de mon adolescence et de jeune militaire.
        Sympathie.

      • Déjà, le Sahara Occidental n’existe pas. Ses frontières ont été tracées au cordeau par les colonisateurs espagnols et français. Il ne recouvre aucune réalité ethnique ou historique. Des anticolonialistes farouches qui le sacralisent ne doivent pas avoir les idées très claires !