En Algérie, raconter le football peut mener en prison. Le journaliste français Christophe Gleizes, collaborateur de So Foot, vient d’être condamné à sept ans de prison pour avoir simplement fait son métier. Une décision aberrante qui illustre la dérive autoritaire d’un régime de plus en plus intolérant à toute voix libre.
Par Adil AzeroualLe 29/06/2025
En Algérie, exercer le journalisme est devenu un danger. La preuve: ce dimanche 29 juin, le journaliste français Christophe Gleizes a été condamné à sept années de prison ferme par le tribunal de Tizi Ouzou, sous le chef d’accusation surréaliste «d’apologie du terrorisme» et de «possession de publications à visée de propagande portant atteinte à l’intérêt national». Le tout assorti d’un mandat de dépôt immédiat.
Christophe Gleizes est un journaliste sportif reconnu, collaborateur régulier de So Foot, Society et co-auteur du livre-enquête Magique système, sur l’exploitation des footballeurs africains. Un homme dont le seul crime est d’avoir voulu raconter la vie des joueurs. C’est précisément ce qui l’a mené en Algérie au printemps 2024, avec pour objectif un reportage sur les heures de gloire de la JS Kabylie, club mythique des années 1980, et un hommage au regretté Albert Ebossé, footballeur camerounais décédé tragiquement sur un terrain algérien en 2014. Et pour cela, il est aujourd’hui derrière les barreaux.
Un procès absurde
Arrêté le 28 mai 2024, puis placé sous contrôle judiciaire pendant plus d’un an, Christophe Gleizes n’avait pas le droit de quitter le territoire algérien. Un véritable enfermement à ciel ouvert, injustifié. Les charges retenues contre lui? Des échanges remontant à 2015 et 2017 avec un dirigeant local de club, par ailleurs affilié au Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK). L’unique contact de 2024 concernait exclusivement son enquête sur la JSK. Rien d’illégal. Rien d’autre que du journalisme.
Mais dans une Algérie dirigée d’une main de fer par un régime paranoïaque et de plus en plus isolé, le simple fait de documenter une histoire devient une menace pour «l’unité nationale». À l’instar de l’écrivain et essayiste franco-algérien Boualem Sansal, pour qui dix ans de prison ont été requis il y a quelques jours pour des propos critiques, Christophe Gleizes paie le prix du devoir d’informer.
L’indignation est totale
Du côté de Reporters sans frontières, la réaction est immédiate. Son directeur général, Thibaut Bruttin, dénonce une décision «absurde» et appelle à une libération immédiate et inconditionnelle du journaliste. So Foot, par la voix de son fondateur Franck Annese, rappelle que Gleizes est un professionnel reconnu, sans aucune arrière-pensée politique, et appelle à une action diplomatique de la part des autorités françaises.
Notre journaliste Christophe Gleizes condamné à 7 ans de prison ferme an Algérie… Ses proches et sa rédaction sont sous le choc.(so foot) :
https://x.com/sofoot/status/1939373184270074035?
Sa famille, elle, crie son incompréhension face à un système judiciaire qui transforme un passionné de ballon rond en ennemi de l’État. Le tout, sans preuve, sans logique, sans honte.
L’Algérie, prison à ciel ouvert pour les voix libres
Ce nouveau coup porté à la liberté de la presse en Algérie s’inscrit dans une longue série de répressions. Journalistes, écrivains, artistes, intellectuels… personne n’est épargné. Dans ce pays, toute tentative de narration indépendante, même sur un terrain de football, est perçue comme une insurrection. La Kabylie, en particulier, est devenue un tabou que seul le pouvoir a le droit d’exploiter, manipuler, ou effacer.
Christophe Gleizes, en voulant parler de sport, s’est retrouvé dans la ligne de mire d’un système autoritaire qui ne tolère aucun regard extérieur. Il n’est ni terroriste ni militant, simplement journaliste. Mais en Algérie, cela suffit à vous envoyer en prison.
Juvénal de Lyon
Complément
Reporters sans frontières (RSF) dénonce la décision du tribunal de Tizi Ouzou qui vient de condamner, ce dimanche 29 juin, le journaliste français spécialiste de football Christophe Gleizes à sept années de prison ferme avec mandat de dépôt. Après avoir été arrêté puis retenu sous contrôle judiciaire depuis le 28 mai 2024, il est désormais injustement condamné et enfermé pour n’avoir fait que son travail. Il fera appel dès demain.
C’est un passionné de football. Tous ses articles et collaborations depuis plus de douze ans en témoignent. C’est cette passion qui le conduit en Algérie en mai 2024. Christophe Gleizes, journaliste sportif français indépendant, collaborateur des magazines So Foot et Society, spécialiste de football, retenu depuis plus d’un an en Algérie avec une interdiction de quitter le pays, vient d’être condamné à sept années de réclusion criminelle avec mandat de dépôt pour « apologie du terrorisme » et « possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national ». Un appel sera interjeté dès demain, lundi 30 juin.
« Nous sommes sous le choc. Rien ne justifie que Christophe ait à endurer cette épreuve. Comment, en effet, justifier qu’un journaliste qui exerce honnêtement son métier soit ainsi puni ? Sa passion pour la vie des footballeurs africains qui s‘exprime dans tous ses écrits mérite-t-elle un tel traitement ? Sa famille qui connaît si bien son intégrité et son honnêteté professionnelle demande instamment à la justice algérienne de revoir ce jugement qui fait d’un journaliste un criminel. » La famille de Christophe Gleizes
« Christophe Gleizes vivait un contrôle judiciaire absurde depuis plus d’un an. Sa condamnation à 7 ans de prison n’a aucun sens et ne démontre qu’un fait : rien n’échappe à la politique aujourd’hui, et la justice algérienne a manqué une importante occasion de sortir par le haut dans cette affaire. Nous appelons les plus hautes autorités algériennes à la libération immédiate et inconditionnelle de Christophe Gleizes et les autorités françaises à rechercher dans les meilleurs délais une solution diplomatique et consulaire. » Thibaut Bruttin, directeur général RSF
« Christophe Gleizes est un journaliste reconnu pour toujours travailler sans arrière-pensée politique, ses enquêtes et interviews le prouvent. Le travail de Christophe ne peut être remis en cause. Cette décision est totalement injuste. Il est important que tout soit mis en œuvre, y compris politiquement et diplomatiquement pour que la justice l’emporte et que Christophe puisse retrouver ses proches et sa rédaction. » Franck Annese, fondateur de So Press
Journaliste français indépendant, collaborateur des magazines So Foot et Society, Christophe Gleizes s’est rendu en Algérie en mai 2024 pour effectuer un reportage sur les heures de gloire, dans les années 1980, du club local, la Jeunesse sportive de Kabylie (JSK). Il voulait à ce propos couvrir les commémorations de la mort du footballeur camerounais Albert Ebossé, décédé dix ans plus tôt. Il était également envoyé par So Foot pour interviewer l’entraîneur du Mouloudia Club d’Alger Patrice Beaumelle et faire un portrait du footballeur Salah Djebaïli.
Auteur, avec son confrère Barthélémy Gaillard, du livre Magique système, l’esclavage moderne des footballeurs africains, publié en 2018, Christophe Gleizes s’intéresse en particulier à la vie des joueurs.
Sous contrôle judiciaire depuis plus d’un an en Algérie
Christophe Gleizes est arrêté le 28 mai à Tizi Ouzou, à une centaine de kilomètres à l’est de la capitale. Il est aussitôt déféré devant le procureur de la République et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire national algérien. Le professionnel de l’information, qui a fêté ses 36 ans à Alger début février, risquait jusqu’à dix ans de prison pour être entré dans le pays avec un visa touristique, pour « apologie du terrorisme » et « possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national ».
Ces dernières accusations, sans fondement et totalement réfutées, sont dues au fait que le journaliste avait eu des contacts, en 2015 et 2017, avec le responsable du club de football de Tizi Ouzou, par ailleurs responsable du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), classé organisation terroriste par les autorités algériennes en 2021. Or les deux premiers échanges avec Christophe Gleizes ont eu lieu bien avant cette catégorisation par les autorités algériennes. Le seul échange survenu en 2024 visait à la préparation de son reportage sur le club de football, la JSK, ce dont Christophe Gleizes ne s’est jamais caché et ce que démontrent les éléments de l’enquête repris dans l’ordonnance de renvoi prise par la chambre d’accusation le 9 décembre 2024.
https://www.sofoot.com/articles/enferme-pour-avoir-fait-son-travail-notre-journaliste-christophe-gleizes-condamne-a-7-annees-de-prison-ferme-en-algerie Article publié initialement sur le site de RSF.
Reporters sans Frontière
Juvénal de Lyon
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Bonjour,
Merci pour cet article, Juvénal !
Comme toi, je déteste le foot …
Mais je m’intéresse au phénomène « sociologique » et je sais au moins une chose : c’est que « So Foot » est un repaire d’islamo-gauchos ….
« Peut-être réfléchiront-ils (un peu) » comme dit Allah dans le Coran ?
» arrêté pour cela » ! ben oui , surtout quand on parle avec le responsable du club de foot de Tizi Ouzou qui se trouve en Kabylie, et l’on sait très bien les liens belliqueux qu’il y a entre les arabes et les kabyles ! il y a eu de nombreux morts par milliers d’intellectuels en Kabylie ! revoir l’histoire ..alors à ce jour, qui ne le sait pas, le prétexte est double , la Kabylie et UN FRANCAIS de surcroît, qui en parle par le biais du foot, monnaie d’échange et de provocation ! on ne peut plus rester dans un pays comme celui là, en guerre larvée ..
Merci pour cette information .
En fait c’est simple : il ne faut pas mettre les pieds en Algérie si on est français, l’Algérie étant maintenant dirigée par le FLN qui se venge, et inutile d’attendre une réaction de nulot 1er et de sa clique : il a dit que la colonisation était un crime contre l’humanité et attends sans bouger que Boualem Sansal meure de son cancer de la prostate en prison.
et retour au bled pour tous les algériens, comme ils ont dit à la fin de la guerre d’algérie la valise ou le cercueil
Ce journaliste a fait l’erreur de renter en Algérie sous le statut de touriste.
Avec un visa de tourisme.
Il aurait dû demander une accréditation de journaliste
La première prise d’otage n’ayant suscité aucune réaction de l’état français, il n’y a aucune raison que cela s’arrête.
Ben oui, ils nous font la guerre, tout est bon pour humilier la France. Et notre pignouf aplaventriste et lécheur de babouches, il va faire quoi, porter une gerbe sur la tombe du fln, en demandant pardon pour les crimes contre l’Algérie.
Macron n’en a rien à footre !