Pour être tout à fait honnête, bien que scrutant régulièrement le ciel de la liberté d’expression, je n’avais jamais entendu parler de ce délit, cette entrave à la liberté d’expression, qu’est la démoralisation de l’armée.
Elle est définie par le Code pénal comme « le fait, en vue de nuire à la défense nationale, de provoquer des militaires appartenant aux forces armées françaises à passer au service d’une puissance étrangère ».
C’est un délit, mais parmi les plus graves au regard de la loi, qui prévoit jusqu’à 10 ans d’emprisonnement, seuil à partir duquel la qualification de crime et non plus de délit est encourue, ainsi que 150 000 euros d’amende.
Elle y fait partie des « atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation », ce dernier mot qui est pourtant si mal vu de la plupart de la classe politique…
Qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ait été posée au Conseil constitutionnel dans ce domaine témoigne du zèle qu’ont eu certains à déterrer ce délit peu connu, même des juristes avertis. Il est vrai qu’on n’étudie plus, dans un parcours de Droit à l’Université, cette partie du Code pénal. Cela relève d’une spécialisation en quelque sorte.
Une énième restriction à la liberté d’expression, à la liberté de résistance…
Dans le bouillon actuel des Droits de l’Homme, ce texte suranné aurait eu vocation à sauter, à disparaître, par la voie législative ou par la censure d’un Conseil constitutionnel qui peut, depuis 15 ans maintenant, déclarer qu’une disposition législative est inconstitutionnelle et doit être abrogée.
Maintenant qu’il y a des « droits à » tout et n’importe quoi, le droit d’inciter l’armée à ne plus obéir à Macron et à défendre les intérêts russes, par exemple, dans la guerre en Ukraine, devrait être reconnu.
Les soldats sont libres d’entrer en rébellion ou non, à leurs risques et périls. Mais pourquoi ne pourrait-on pas chercher à les convaincre de désobéir ?
Ce délit relève d’une conception passéiste de l’autorité, et une approche illusoire des contrepouvoirs en démocratie. Le peuple n’a parfois pas d’autre choix que de demander à l’armée de désobéir, et c’est ainsi que le peuple et l’armée s’unirent ensemble pour résister au pouvoir lors de l’épisode de la « commune de Paris » en 1871 :
Quand « l’intérêt national » n’est plus celui de la France, la tentative d’appeler l’armée à l’aide peut être forte…
La QPC (question prioritaire de constitutionnalité) posée au Conseil constitutionnel le 17 janvier dernier portait sur la définition de ce délit, qui serait trop imprécise.
Le Conseil constitutionnel a rejeté cette argumentation.
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000050998452
En termes de procédure, la QPC ne dévoile jamais beaucoup d’éléments de l’affaire en cours de procès. Elle porte sur une question de droit prise abstraitement, qui a surgi lors d’un procès, sans exposer les éléments de fait de ce procès. J’ignore donc quel est le contexte précis de l’affaire, en quoi il pouvait y avoir un doute sur la précision de la définition légale du délit, ainsi que ce qui était reproché aux requérants.
Le Conseil constitutionnel n’abroge donc pas ce délit, de même qu’il n’avait pas abrogé « l’incitation à la haine » sur le même grief. Démotivation, haine, sont des sentiments et on peut s’étonner qu’ils fassent l’objet d’un délit…
Cependant, il me semble plus normal de juger que le délit de démotivation de l’armée était suffisamment défini, que de juger la même chose pour l’incitation à la haine, car matériellement il est plus précis. Il s’agit clairement d’inciter l’armée à servir les intérêts d’une puissance étrangère et je ne serais pas surpris qu’il s’agisse de la Russie dans le cas présent, la question ayant été posée par deux personnes poursuivies dont les prénoms était « Andreï » et « Victor », le premier prénom étant courant en Russie.
Il me semble qu’une argumentation fondée sur l’atteinte excessive portée à la liberté d’expression aurait été plus juste, même si l’avocat a sûrement écarté cette possibilité en sachant que le Conseil constitutionnel serait de toute façon hostile et l’écarterait aisément par une rhétorique à laquelle il nous a habitués…
Tout est donc verrouillé à ce niveau et je doute que le Parlement s’empare de la question pour abroger lui-même ce délit… à moins de solliciter en nombre nos députés, de se rendre dans leurs permanences, leur écrire…
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000050998452
(M. ANDREI I. ET AUTRE)
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 octobre 2024 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêts nos 1389 et 1390 du 16 octobre 2024), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été respectivement posées pour MM. Andrei I. et Victor I. par la SCP L. Poulet-Odent, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous les nos 2024-1117 QPC et 2024-1118 QPC. Elles sont relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 413-4 du code pénal, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs.
Au vu des textes suivants :
– la Constitution ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
– le code pénal ;
– la loi n° 92-686 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre la nation, l’Etat et la paix publique ;
– l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs ;
– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
– les observations présentées pour les requérants par Me Laurent Poulet, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 novembre 2024 ;
– les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;
– les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Kevin Graczyk, avocat au barreau de Paris, pour les requérants, et M. Benoît Camguilhem, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 7 janvier 2025 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
Le Conseil constitutionnel s’est fondé sur ce qui suit :
1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision.
2. L’article 413-4 du code pénal, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 19 septembre 2000 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« Le fait de participer à une entreprise de démoralisation de l’armée en vue de nuire à la défense nationale est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
« Lorsque l’infraction est commise par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables ».
3. Les requérants reprochent à ces dispositions de ne pas définir de manière suffisamment claire et précise la notion de « démoralisation de l’armée », en méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines. Selon eux, en interdisant tout débat sur l’opportunité d’une opération militaire ou d’une guerre, ces dispositions porteraient également une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression.
4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le premier alinéa de l’article 413-4 du code pénal.
5. En premier lieu, l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant… la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire.
6. Les dispositions contestées répriment le fait de participer à une entreprise de démoralisation de l’armée en vue de nuire à la défense nationale.
7. D’une part, il ressort des travaux parlementaires de la loi du 22 juillet 1992 mentionnée ci-dessus, à l’origine de ces dispositions, que le législateur a entendu, afin de préserver la défense nationale, réprimer certaines actions qui participent d’une organisation coordonnant ses efforts dans le but d’amoindrir l’engagement des forces armées dans l’exercice de leurs missions. Pour être constituée, l’infraction suppose donc de caractériser l’existence d’une entreprise collective visant, par de telles actions, à atteindre ce but.
8. D’autre part, il résulte des dispositions contestées que le comportement réprimé doit se matérialiser par des actes traduisant la volonté de leur auteur de prendre part, en connaissance de cause, à une telle entreprise, dans l’intention de nuire à la défense nationale.
9. Dès lors, les dispositions contestées ne revêtent pas un caractère équivoque et sont suffisamment précises pour garantir contre le risque d’arbitraire. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit donc être écarté.
10. En second lieu, aux termes de l’article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». L’article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant … les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Sur ce fondement, il est loisible au législateur d’instituer des incriminations réprimant les abus de l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui portent atteinte à l’ordre public et aux droits des tiers. Cependant, la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s’ensuit que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi.
11. D’une part, en instituant l’infraction prévue par les dispositions contestées afin de protéger les intérêts mentionnés au paragraphe 7, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et entendu mettre en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.
12. D’autre part, pour les motifs énoncés aux paragraphes 7 et 8, les faits incriminés sont précisément définis et ne créent pas d’incertitude sur la licéité des comportements susceptibles d’entrer dans le champ de l’infraction. En particulier, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à l’expression d’opinions portant sur des interventions militaires ou la défense nationale.
13. En outre, les dispositions contestées punissent le comportement réprimé d’une peine qui ne peut excéder cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
14. Dès lors, ces dispositions ne portent pas à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 11 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté.
15. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, sont conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel décide :
Le premier alinéa de l’article 413-4 du code pénal, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, est conforme à la Constitution.
Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 janvier 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 17 janvier 2025.
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Pour la commune de Paris et un peu de Lyon, des insurgés de gauche se sont révoltés contre le gouvernement Francais, lui-même issu d’un coups d’état, mais Paris n’est pas la France, même si il vaut bien une messe.la commune fut battue à plate couture . La contre insurrection reste une affaire de professionnels , la preuve à Alger en octobre 1957 .
Le gouvernement du Macronistan, devrait être le premier à être condamné, ca il ne démoralise pas seulement l’armée, mais tous les français.
l’Armée n’est plus ce qu’elle était jadis. Nous ne sommes plus qu’une petite puissance.