Même si Spirou était déjà mal parti, comme nous l’avions démontré en 2018 sous ma plume
Et en 2020 sous celle de Maxime,
Nous avons du mal à accepter qu’il soit tombé au fond du trou…
Spirou aurait eu 100 ans en 2038 si toutes les fées qui s’étaient penchées sur son berceau en 1938 n’étaient pas mortes de leur belle mort, certes. De l’éditeur Jean Dupuis au dessinateur Robvel, en passant par les textes de Blanche Dumoulin et le petit coup de main du peintre Luc Lafnet. Spirou, en wallon, signifie « écureuil », ce qui explique sans doute que le personnage Spirou ait toujours été accompagné d’un écureuil.
Certes, les créateurs ont disparu mais jamais, depuis 1938, Spirou n’avait disparu, au contraire; Le personnage -devrais-je dire « le mythe » a continué à vivre avec d’autres parents/créateurs, qui ont infléchi, modifié un peu, ajouté beaucoup de fantaisie pour le plus grand plaisir des petits et des grands. De Joseph Gillain à Fournier en passant par Franquin, notre petit groom va être accompagné de Fantasio, d’un marsupilami… et le succès ne se démentira pas pendant des décennies mais le ton deviendra plus sérieux et la suite des aventures continuera sous bien d’autres plumes, bien d’autres dessinateurs… Peu importe. Là où est Spirou là est du plaisir.
J’aurais dû dire « était » puisque une (forcément) mal baisée amère et puant la haine et l’envie d’être justicier sans prendre de risque a cassé notre jouet, mettant fin aux belles aventures de Spirou. Si encore il n’y avait que la tordue par qui le scandale est arrivé… Je t’en fiche. Dans notre France laïque qui s’est débarrassée des censeurs, des psychorigides religieux en a retrouvé d’autres, encor eplus rigoristes, encore plyus dangereux pour la liberté d’expression
https://www.ojim.fr/le-delire-woke-sattaque-a-spirou/?cn-reloaded=1
Quand la populace se croit outragée par un dessin, par une caricature, c’est la fin de la liberté, c’est la fin de la liberté, c’est la fin de l’art.
Le pitch de Spirou et la Gorgone bleue d’après ActuaLitté (31/10/2024)
« Spirou et la gorgone bleue, 21e volume de la série Le Spirou de…, raconte un reportage sur un groupe qualifié d’« écolo-terroriste », à l’occasion duquel Seccotine découvre que ses activités sont en réalité financées par le comte de Champignac, l’ami de longue date de Spirou et Fantasio.
Décidant de poursuivre l’enquête, le célèbre duo se retrouve malgré lui embarqué sur un porte-avions, pris au cœur d’un affrontement intense opposant un milliardaire producteur d’engrais chimiques hautement polluants et une organisation entièrement féminine, déterminée à lutter contre la malbouffe et la pollution des océans avec des méthodes pour le moins originales. »
Les faits
Bien que la vidéo ait été retirée d’internet par son auteur, du fait de la quantité de réactions, certains spécialistes auto-proclamés es bande-dessinée, comme Boidin, co-créateur d’un podcast en partie dédié (48pop), ont développé la polémique sur les réseaux sociaux, à commencer par un X qu’ils dénigrent pourtant beaucoup ces temps-ci, du fait de l’implication de Musk aux côtés de Trump. Boidin a publié une partie des planches et demandé : « Je peux savoir qui a validé le dernier Spirou chez Dupuis ? La carte d’adhérent au RN est-elle fournie avec la BD ? ». Notons que, comme souvent dans ces cas-là, celui qui s’offusque et se dresse au nom de l’antiracisme ne s’embarrasse pas de précision. Car, redisons-le : ce n’est pas le « dernier Spirou » mais l’avant-dernier et le fait qu’une année soit passée avant que la polémique n’apparaisse peut interroger.
À bien regarder les planches, chacun découvrira (ou retrouvera) la caractéristique du dessin de Dany : exagération du trait et caricature. Cela vaut autant pour la femme membre de la CIA, au physique et à la poitrine que l’on ne croise pas à tous les coins de rue, que pour les membres afro-américains de l’équipage, mis à l’honneur à l’instar de celui qui s’occupe d’informatique et a plus le visage d’un petit génie que d’un animal, que pour les américains allongés sur les plages et incroyablement obèses. L’équipage est majoritairement noir et commande un porte-avion unique, une merveille de technologie. Ce n’est pas rien. Un porte-avion entièrement furtif du fait d’un revêtement noir et d’une matière spécifique. Ce qui amène son « pacha » (le commandant du navire dans le jargon de la marine de guerre) à dire que même l’équipage est furtif. Et de rire de son humour décalé, portant sur lui-même. Chaque communauté dans le monde a son propre humour portant sur elle-même, rien de choquant. Ne parle-t-on pas d’humour juif par exemple ? Mais ici, il semble que cela choque les traqueurs woke en chef.
Qu’est-ce qui choque les aficionados de X effarouchés en réalité ? Spirou, la jolie fille de la CIA et l’équipage du porte-avion ont ordre d’aller « donner une bonne fessée à des badass girls éco-terroristes ». A en croire ces planches, les méchants seraient de gauche ? Cela suffirait à choquer les militants woke. Ce n’est pourtant pas uniquement cela : le pacha du navire est une grosse femme noire qui emploie un langage de charretier et est une sorte d’incontrôlable soldat, du genre que, dans les représentations françaises, on ne trouverait qu’au Texas, chez les redneck’s pro-Trump. Ici, Dany n’a pas représenté l’afro-américaine idéale des beaux quartiers bobos de Paris. Pas de chance, celle de l’album existe en des centaines de milliers d’exemplaires dans la réalité américaine.
Qu’en pensent les éditions Dupuis ?
La réaction de Dupuis ? L’éditeur a immédiatement baissé son pantalon :
« profondément désolées si cet album a pu choquer et blesser. Cet album s’inscrit dans un style de représentation caricatural hérité d’une autre époque. »
Et :
« Plus que jamais conscients de notre devoir moral et de l’importance que représente la bande dessinée en tant qu’éditeur et plus largement le livre dans l’évolution des sociétés, nous prenons en ce jour la pleine responsabilité de cette erreur d’appréciation. C’est pourquoi, nous tenons à présenter nos plus sincères excuses. Nous avons mis en œuvre le retrait de l’ouvrage de l’ensemble des points de vente. »
Notons qu’au même moment, sous la pression de syndicats et de mouvances de gauche, les agences de publicité travaillant avec la SNCF décidaient de ne pas faire de publicité pour le livre à venir du président du premier parti politique de France, Jordan Bardela„ dans le même temps, les libraires dits indépendants signifiaient sans le dire officiellement qu’ils ne vendraient pas ce livre. Des libraires qui ne vont pas manquer d’occupation, avec toute cette censure à mettre en œuvre.
Quelques réactions dans les médias français
Plusieurs médias français ont rapporté l’évènement. Pour Le Monde (1er novembre 2024), « Les éditions Dupuis ont réagi, jeudi 31 octobre, à une vague d’indignation sur les réseaux sociaux visant Spirou et la gorgone bleue, sorti en septembre 2023 ». Le quotidien indique que le fait de promettre au pilon une bande-dessinée est un fait peu banal, s’expliquant ici par « des accusations de représentation raciste ». Pour Le Monde, les personnages noirs auraient des traits stéréotypés comme des lèvres sur-dimensionnées ou des mâchoires animales. Le journal précise que Dany récuse tout racisme et plaide la caricature. Mais il ne s’agit pas vraiment de donner la parole à la défense puisque l’article du Monde enchaîne sur d’anciennes péripéties vécues par le dessinateur, en ce qui concerne sa représentation hyper-sexualisée des femmes par exemple. Le lecteur pourra se demander quel avenir aura la bande-dessinée érotique sur de telles bases. Un amalgame est évidemment fait avec une autre affaire, afin que Dany ne soit pas défendable : l’affaire et les griefs contre Dany « rappelant ceux qui, il y a deux ans, avaient accompagné la polémique autour de Bastien Vivès, accusé de faire l’apologie de la pédophilie ». La conclusion est proprement hallucinante et mérite d’être citée intégralement :
« Que Dany, 81 ans, soit l’un des dessinateurs préférés de Bastien Vivès n’est peut-être pas étranger au déclenchement de cette affaire ».
Selon Le Figaro, les personnages noirs de Dany sont représentés « tels des singes ».
Du côté de Médiapart, l’indignation est à son comble :
« Comment a‑t-on pu en arriver là ? À mesure que l’on feuillette la bande dessinée, la question se répète, s’amplifie, jusqu’à former une tornade d’incompréhension. Dans Spirou et la Gorgone bleue, paru en septembre 2023 aux éditions Dupuis, certains personnages noirs ressemblent à des singes. D’autres cochent toutes les cases des caricatures racistes : une peau noir foncé, des lèvres surdimensionnées d’une couleur rosée et, parfois, des grandes mains et une mâchoire prognathe. »
Médiapart a contacté Dany :
« Au téléphone, le dessinateur de l’album, Dany, tente de nous expliquer la « blague » : « On a repeint le porte-avions avec une couleur noire, qui lui permet de ne pas être décelé par les radars. C’est un navire “furtif”. La dimension furtive est amusante. D’ailleurs, la pacha [commandante du navire – ndlr] dit en rigolant que tout le personnel est furtif. Ils sont tous blacks ! [sic] C’est ça qui amusait beaucoup le scénariste et qui m’a fait rire aussi. C’était une bonne trouvaille, un équipage complètement noir… »
Mais depuis quelques jours, une foule de nouveaux lecteurs et lectrices est loin de partager ce point de vue. « Quand j’ai découvert les dessins, j’ai eu l’impression que c’étaient des animaux qui étaient dessinés, et non des humains », s’étonne le blogueur Seumboy. » Médiapart insiste sur un point rapporté par la directrice de publication de Dupuis : « Le dessinateur est un homme de plus de 80 ans : il ne voyait pas en quoi ces dessins, qui sont des caricatures, sont choquants ». Et revient sur son contact avec Dany : « Dany défend la « caricature » qui, « par définition, consiste à forcer le trait ». Et d’expliquer un raisonnement à faire s’évanouir des militants antiracistes : « Il est évident que la plupart des Africains, enfin presque tous d’ailleurs, ont des lèvres plus épaisses, plus grosses que les Blancs, c’est un fait. Ça fait partie de la caricature. Il mentionne ensuite les protagonistes blancs, qu’il considère également avoir « caricaturé » : « Il y en a un qui ressemble à Trump, ce n’est pas particulièrement gentil non plus… Et puis à ce moment-là, j’aurais aussi dû refaire le nez de Fantasio aussi ? », ajoute-t-il à propos de l’acolyte de Spirou.Il admet toutefois : « J’aurais dû faire gaffe à ne pas dessiner les Noirs comme dans les années 1960 ou 1980, c’est sans doute vrai […], mais je voulais me rapprocher de l’univers de Spirou. Mon modèle absolu, c’est Franquin, c’est le genre de dessins qu’il faisait. J’en suis vraiment désolé et je voudrais présenter toutes mes excuses à ceux que j’aurais pu blesser, car c’est totalement involontaire. J’ai peut-être beaucoup de défauts, mais je ne suis pas raciste, ça, c’est certain. ».
Médiapart, pour qui l’affaire, est du pain béni va ensuite plus loin :
« Sur le blog professionnel de Dany, on retrouve pourtant une autre publication, preuve d’une inclination à déshumaniser les personnes noires, qui n’est pas propre à la BD de Spirou. Le dessin montre, d’un côté, les deux personnages blancs créés par Dany, le fameux Olivier Rameau et son amie, s’opposer à un groupe de cinq personnes racisées. « Ça ne va pas être facile de les intégrer, ces deux-là », soupire un protagoniste noir aux airs de singe, avec de grandes oreilles, une grande bouche, un « museau » brun, entouré d’autres personnages racisés. Comme si les personnes blanches, devenues minoritaires, étaient victimes de discriminations, dans une sorte de mise en abyme de la théorie raciste du « grand remplacement ».
Nous sommes donc passés en quelques lignes du retrait d’un album de bande-dessinées de la vente, sans passage devant les tribunaux, au… « grand remplacement ».
Vendredi 1er octobre, l’hebdomadaire Valeurs Actuelles parlait « d’arroseur arrosé » car dans le dernier endroit où Spirou et la gorgone bleue pouvait s’acheter, Amazon, l’album était en tête des ventes (rupture de stock le 4 novembre 2024). Pour RTL, si l’album a été retiré des ventes c’est parce que des « personnes noires sont représentées comme des singes et qu’il y a des traits sexistes ». De son côté, chaque fois qu’il est interrogé, Dany précise bien qu’il a voulu rendre hommage à Spirou et Franquin, à un monument de la bande-dessinée en somme. Pour BFMTV, l’album contient des « dessins racistes ». Il en va de même pour Télérama ou Franceinfo. Seul Le Journal du Dimanche nuance en indiquant que l’album est retiré de la vente non pour racisme mais suite à « des accusations de racisme ». Des accusations, ce n’est pas pareil. C’est en attente de confirmation par le droit.
Le dessinateur banni d’un festival
Chacun jugera sur pièces aurait-on envie d’écrire sauf qu’en l’espèce… ce ne sera pas possible puisque la censure est passée, sans décision de justice, et que plus personne ne peut légalement se procurer cet album. La censure ne s’arrête, de façon ubuesque, pas à Spirou et la gorgone bleue mais concerne bel et bien la personne même du dessinateur Dany. Ce dernier devait être la tête d’affiche du festival Angers BD. Les organisateurs de l’évènement ont annulé sa venue, purement et simplement. La présomption d’innocence et les libertés concrètes ont du souci à se faire en France semble-t-il.
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Par contre faire jouer des personnages blancs par des acteurs de type africain, ça ne les gêne pas.
Ça me rappelle l’affaire de « Tintin au Congo » il y a quelques années…