Brandenbourg, campagne électorale de l’AfD : Hans-Christoph Berndt, le trublion

Brandenbourg

Campagne électorale de l’AfD : Hans-Christoph Berndt, le trublion

Situation au : 13.09.2024

Avant les élections parlementaires du Land de Brandebourg, l’AfD a mobilisé ses électeurs à Werder (Havel). Le candidat tête de liste, Hans-Christoph Berndt, ainsi qu’Alice Weidel ont mis en évidence qu’ils continuent à miser avant tout sur une chose : les peurs.

Hasan Gökkaya

D’un côté, il y a des centaines de manifestants. Derrière les barrières et la police, ils brandissent des affiches, crient à tue-tête, protestent contre l’extrémisme de droite.

De l’autre côté, des gens patientent dans une file d’attente de plus de 100 mètres de long. Ils espèrent passer les contrôles de sécurité, ils veulent entrer dans la salle, veulent voir le duo en direct, ne pas rater ses discours, ceux du candidat tête de liste de l’AfD, Hans-Christoph Berndt, ainsi qu’Alice Weidel, coprésidente de l’AfD.

Hauteurs de la Bismarckhöhe à Werder, 19 heures. « Ici, la salle est pleine, dehors il y a tout une file d’attente. Nous sommes plus nombreux ! » crie René Springer dans le micro. Le président de l’AfD du Land de Brandebourg récolte des applaudissements nourris. Et parce que ce jeudi, près de 500 places sont occupées et parce que cela résonne comme lors d’un concert dans la salle de bal somptueuse à Werder (Havel/Potsdam-Mittelmark) sur les hauteurs de la Bismarckhöhe, il est presqu’impossible de comprendre ses propres paroles dans de tels moments. Puis cela ne dure pas plus de dix minutes supplémentaires jusqu’à ce que la salle aux lustres magnifiques atteigne la température de fonctionnement AfD. Sur scène, on peut entendre des termes comme « criminels » et « soi-disant réfugiés ». 

À cause de l’AfD, ce ne sont pas des élections habituelles

L’homme qui veut remplacer Dietmar Woidke en tant que Premier ministre se trouve maintenant sur scène et précise ce dont il s’agira le 22 septembre. Ce ne sont pas des élections parlementaires habituelles, crie Hans-Christoph Berndt dans la foule. Et cet homme de 68 ans a raison. Ce sont des élections à l’occasion desquelles les habitants du Land de Brandebourg décideront si le parti SPD ne sera pas effectivement pour la première fois la force principale du Land. Ce sont des élections qui mettront en évidence à quel point les paroles d’un parti que le Service de la sécurité du territoire du Land considère comme d’extrême-droite peuvent faire effet sur les gens. Qui mettront en évidence quel niveau peut atteindre l’approbation d’un politicien qui entend exclure globalement des manifestations publiques les demandeurs d’asile, les ayants droit à l’asile et les réfugiés, et qui est catalogué comme assurément d’extrême-droite par la Sécurité du territoire. Et à plus forte raison après les résultats en Saxe et Thuringe, ce sont également des élections qui intéressent l’étranger : à quel point l’Allemagne est-elle de droite ?

L’AfD en particulier a tablé dès le début sur une intensification drastique de la politique en matière d’asile – et le sujet s’est effectivement imposé comme prédominant. Dans le sondage le plus récent en Brandebourg, c’est l’AfD qui mène avec 27 pour cent, le SPD (26 pour cent) suivant toutefois de très près. De toute manière, le parti peut s’enorgueillir d’un succès fulgurant, ne s’étant présenté pour la première fois à des élections parlementaires qu’il y a tout juste dix ans. Il a récolté à l’époque 12,2 pour cent des voix, cinq ans plus tard, il en était déjà à 23,5 pour cent. À l’heure actuelle, son groupe parlementaire arrive en deuxième position par ordre de grandeur.

Le candidat tête de liste AfD aime rappeler le passé

Berndt, de son métier médecin laborantin, fondateur de l’association Zukunft Heimat (Avenir Patrie) cataloguée par la Sécurité du territoire comme « assurément d’extrême-droite » a-t-il effectivement fait de l’AfD la force principale ?  Sur la scène, il parle rapidement, ne cafouille pas et cite volontiers des exemples historiques. Il rappelle ici et là des publicistes d’antan, cite des déclarations, mais au bout du compte on peut quand même entendre chez Berndt exactement ce qui est répété tellement souvent lors de manifestations de l’AfD : « Attaques au couteau, viols en groupes, asocialité et dépressions, nous le vivons quand nous quittons l’ordre national-étatique et le cadre national-étatique », crie-t-il dans le public. Des applaudissements s’en suivent.

Puis il parle d’un chercheur britannique en migration qui aurait dit que l’État national permet la solidarité, mais que trop d‘immigration détruit cependant cet « engagement ». « C’est exactement ainsi », poursuit le candidat tête de liste et se replonge à nouveau dans le passé. C’étaient toujours « nos ancêtres » qui ont construit le pays, l’Allemagne a été pendant des siècles le théâtre d’épisodes guerriers, la Guerre de Trente ans, la Guerre de Sept ans, et les conséquences dévastatrices de la Seconde Guerre Mondiale, énumère Berndt. « C’est toujours l’Allemagne qui a été dévastée et ce sont toujours nos ancêtres qui se sont mis au travail. »

Ce qu’il ne dira pas ce soir : la Seconde Guerre mondiale a commencé avec l’attaque d’Hitler contre la Pologne. Elle était la suite de la politique nationaliste, raciste d’un parti allemand d’extrême droite. Ce qu’il ne dira pas non plus, c’est que c’étaient les travailleurs immigrés venant de différentes nations qui ont besogné par la suite dans de grandes parties de l’industrie, du bâtiment et des halls de production et ont grandement contribué au redressement allemand.

Alice Weidel mise sur des formulations tranchantes

Berndt épluche aussi les sujets du plan de dix points de l’AfD. Les places d’étudiants devraient être réglementées, « l’idéologie maladive de l’arc-en-ciel éloignée » des écoles. Et la Russie ? La politique des sanctions devrait s’arrêter de suite, elle aurait uniquement nui à l’Allemagne. Il y a des applaudissements. Mais la star de la soirée, ce n’est pas Berndt, mais Weidel, comme c’est manifeste à en croire la réaction du public. La co-présidente de l’AfD table moins sur des rapports complexes. L’Allemagne ? « Un État de hippies ! ». Angela Merkel ? Une chancelière en vérité « entièrement verte ». Changement climatique ? « Le soleil et le vent, ça suffit, retour au charbon », criera-t-elle au cours de la soirée. Elle garde encore une plaisanterie pour le public y compris une diffamation personnelle : elle nomme le ministre fédéral de la Santé, Karl Lauterbach (SPD) « Karl Kautabak », se moque de ses dents, le qualifie de personnage « non hygiénique ». Elle adresse aussi quelques mots au Président de l’Ukraine : « Nous avons 200 000 Ukrainiens mobilisables ici, on devrait tous les renvoyer pour rendre service à Zelensky.

Avec quelle image du monde les jeunes quittent-ils cette manifestation de l’AfD ?

Un terme comme « viols en groupes » est souvent répété, comme un mantra que chaque politicien de l’AfD doit répéter plusieurs fois. Sans aucune classification, sont alors présentés des chiffres. Par exemple quand Weidel annonce que selon le BKA, il y a eu depuis 2015 52 000 délits sexuels contre des femmes – des murmures émanent du public. Si ce chiffre important se réfère explicitement aux réfugiés comme auteurs potentiels, Weidel ne se prononce pas, mais résume brièvement : « C’est tout à fait inédit dans ce pays. »

Dans la salle est également assis un groupe de jeunes de pas plus de 16 ans. Ils vivent la manière dont une politicienne de renommée fédérale, qui a pénétré dans la salle sous les applaudissements, démonise globalement des écoliers musulmans : « Que se passe-t-il dans nos écoles ? », demande Weidel. Les écoliers sont tabassés par une « cohorte musulmane, toujours en plein visage parce qu’ils sont non-musulmans », poursuit-elle et agite exemplairement la main. Pas tellement surprenant. On entend des applaudissements, bien que cette déclaration soit prononcée sans chiffres ni classification.

Avec quelle image du monde en tête ces jeunes quitteront-ils la manifestation de l’AfD et retourneront à l’école lundi, où ils regarderont peut-être les visages de leurs camarades d’ascendance allemand ?

Pour terminer, l’hymne national

Peut-être une question à laquelle peut répondre Hans-Christoph Berndt, cet homme qui veut soit entrer au gouvernement, soit attendre jusqu’à ce que la future coalition se disloque elle-même comme il le dit. Berndt se retrouvera sans doute dans l’opposition car jusqu’à présent, il n’y a aucun parti disposé à une coalition avec l’AfD.

Et les élèves ? « Ils se réjouissent d’avoir enfin quelqu’un qui s’occupe de leurs soucis », comme le dit le candidat tête de liste au cours de l’entretien avec rbb|24. Est-ce la bonne approche à un moment où il n’y aura guère de classes sans écoliers bio-allemands et où cela ne marchera sans doute pas sans des compromissions culturelles ? Et qu’en est-il de ces élèves, qui ne veulent pas « harceler, frapper, soumettre », qu’en est-il de la majorité ?

Berndt pense qu’il faudrait que soit assuré dans un premier temps que « les élèves autochtones ne continuent pas à être victimes de la violence migratoire ». « C’est seulement si cela se termine qu’on pourra parler en commun de respect”, dit Berndt, qui a encore parlé auparavant sur scène « d’arabes accourus ici ».

Pour terminer, les politiciens et les spectateurs chantent l’hymne national allemand. Une manifestation tout à fait normale de l’AfD prend fin.

Traduction de Jean Schoving pour Résistance républicaine

https://www.tagesschau.de/inland/regional/brandenburg/rbb-wahlkampf-der-afd-hans-christoph-berndt-der-scharfmacher-100.html

 

 

 

 

 

 

 

 

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7 Commentaires

  1. Toujours ce narratif mensonger sur les immigrés qui auraient “reconstruit “le pays.
    Une façon de faire croire qu’ils sont indispensables et que sans eux, les autochtones ne savent rien faire.

  2. Ce serait une bonne chose que l’Allemagne vire sa cuti en premier contre l’immigration.
    Comme le Gouv français a toujours été le toutou du chancelier, il se hâtera de suivre.

  3. Je n’arrive pas à savoir si l’auteur de cet article est pour ou contre. Quant aux soi-disants immigrés (les seuls immigrés d’alors étant les forces d’occupation anglaise, française, américaine, et soviétique)qui ont reconstruit l’Allemagne après guerre, ce sont les femmes allemandes sur qui tout a reposé, en attendant le retour des prisonniers, point d’immigration là-dedans, donc avis très mitigé sur le contenu…

    • A mon avis (j’en suis même persuadé), l’auteur de l’article, un certain Hasan Gökkaya est contre l’AfD et pas qu’un peu.

      • C’est implicite mais les Allemands ont leur façon à eux d’être hypocrites et de tourner autour du pot.
        Enfin… Hasan von Gökkaya, qui n’a rien à faire en Europe pour commencer.

  4. Merci de votre traduction, monsieur Schoving. Ce qui se passe outre-rhin est fondamental pour nous Français.

    « Que se passe-t-il dans nos écoles ? », demande Weidel. Les écoliers sont tabassés par une « cohorte musulmane, toujours en plein visage parce qu’ils sont non-musulmans »

    Alors, il y en a encore qui vont reparler de L’islam allié au nazisme, doctrine de la supériorité raciale et civilisationnelle des Européens germaniques ? L’islam est la doctrine des Arabes et assimilés, et un allié de tous ceux que ça arrange en temps de guerre, Allemands ou Britanniques ou Américains.

    Là, il y a épuration ethnique ds Européens “bio”allemands chez eux.

  5. =====
    ■ “L’AVENIR DE LA FRANCE EST AVEC LA RUSSIE, NON L’AMÉRIQUE !” | MARC ROUSSET | GÉOPOLITIQUE PROFONDE | 01/0/2024
    ○ YOUTUBE (Chaîne GEOPOLITIQUE PROFONDE) : https://tinyurl.com/mvzjvdu4
    ► DURÉE : 1h24mn50s
    ► DESCRIPTION :
    • EXTRAIT → Dans cet entretien, Marc Rousset exposera sa vision d’un axe stratégique entre Paris et Moscou, qu’il voit comme une alliance indispensable pour préserver l’indépendance et la souveraineté européenne. Il critique vivement la tutelle américaine, incarnée par la Commission de Bruxelles, qu’il décrit comme un cheval de Troie des intérêts américains en Europe. Pour Rousset, l’avenir de la France et de l’Europe passe par un rapprochement stratégique avec la Russie, rejetant l’idée d’un protectorat de l’OTAN qui, selon lui, mènerait à une perte d’identité européenne.