Mais pourquoi donc est-ce que ma femme ne porte pas le hijab ?

Islamisme

Une vedette allemande du salafisme intervient à Vienne, l’hôte assiste à l’événement sur le racisme à l’Université de Vienne

Marcel Krass est surveillé depuis des années par la Sécurité du territoire en Allemagne. Son intervention fin mars à Vienne projette une ombre sur une conférence ayant pour thème le racisme antimusulman.

Jan Michael Marchart

 « Pourquoi ma femme ne porte-t-elle pas le « hijab ? »

Avec ses vidéos sur des questions relatives au quotidien de musulmans, Krass atteint parfois une audience énorme

Marcel Krass parle tranquillement. Son débit est un peu haché, mais sa voix a aussi un aspect associatif. Krass inspire la confiance. Même si ses discours se résument parfois à de longues minutes de monologue. Et c’est justement cela qui le rend tellement dangereux, aux yeux du service de sécurité national.

Krass est un des salafistes les plus connus d’Allemagne. Dans ses vidéos sur TikTok, Youtube et Co il traite des questions existentielles du quotidien des musulmans. Krass apparaît en chemise et la barbe soigneusement taillée. Il ne donne pas une apparence de radicalité. Mais il explique l’islam par moments de façon absolument rigide : dans une vidéo, Krass décrit l’homosexualité dans le sens d’une tendance, dont il faut combattre la pratique sexuelle pour arriver au paradis en fin de vie. Ce serait comme avec un verre de whisky ou des côtes de porc. Les deux sont interdits aux musulmans. La vidéo atteint plus de 105 000 vues sur YouTube.

Une pancarte dans le style d’une vedette du pop

Fin mars, Krass a eu son grand passage sur scène à Vienne. Son visage resplendissait sur une pancarte comme si Kraus était la vedette d’un groupe pop de renommée mondiale. Le slogan au-dessus de tout soupçon « Engagement pour un changement » invitait à une adresse viennoise. Prix d’entrée : un don de 35 euros.  Selon les indications de l’organisateur, l’événement avait fait salle comble.

Il était organisé par Cage Austria, la ramification autrichienne d’un comité d’action localisé en Grande-Bretagne. Ici, Cage s’est surtout signalé par des messages concernant l’opération fortement controversée, Luxor, contre des soi-disant Frères musulmans et des membres présumés des terroristes du Hamas. Combien d’entre eux étaient assis dans le public lors de l’apparition de Krass à Vienne, voilà une question à laquelle Cage Austria ne répond pas. Parmi le public de l’événement à Vienne, il y avait sans doute aussi des activistes du groupe anti-israélien BDS.

Cage Austria fait la sourde oreille quant aux questions de STANDARD concernant Krass. Le comité d’action indique de manière générale que l’événement a été organisé « pour permettre aux gens de se confronter à des narrations islamophobes et de s’opposer à des intimidations de notre communauté musulmans soutenues par l’État ».

 « Salle comble » : l’événement de Marcel Krass à Vienne a été très rapidement complet selon les indications de l’organisateur

Ce prélude concernant Marcel Krass est pertinent pour la simple raison que le comité d’action Cage se retrouve lui-même sur le devant de la scène à présent. À savoir une manifestation du Centre de documentation Anti-islamisme et Racisme antimusulman ainsi que de l’Institut d’Orientalisme de l’Université de Vienne. Cette manifestation a lieu entre autres dans des locaux de l’Université de Vienne ainsi que dans l’ancien Institut afro-asiatique, qui relève à son tour de la compétence de l’Archidiocèse de Vienne. L’exposé d’ouverture tourne autour de l’islamophobie, d’autres contributions traitent des sujets comme par exemple « Approches critiques et racistes dans l’enseignement autrichien » ou « Racisme antimusulman et son refoulement ».

Sur la scène dans l’ancien Institut afro-asiatique concernant « Institutions et acteurs des sciences de la sécurité », c’est finalement Cage Austria qui est représenté. L’intervention de Krass, joue-t-elle un rôle quelconque pour le Centre de documentation, organisateur de la conférence ? Le Centre documentaire précise qu’il n’a ni participé à la manifestation de Cage Austria ni soutenu ou coorganisé celle-là. « Nous avons invité les intervenants pour leurs perspectives spécifiques concernant le sujet de la conférence », selon une prise de position. L’objectif est de mettre en lumière les réalités existentielles de communautés. L’Université de Vienne souligne quant à elle que c’est le Centre de documentation qui aurait dressé la liste des invitations. Sur le programme, c’est toutefois le logo de l’Institut qui saute également aux yeux.  

« Personnage-phare de la scène salafiste »

En Allemagne, les interventions du « prédicateur ambulant » Krass provoquent surtout une chose en attendant : de l’agitation. À Hambourg par exemple, Krass a attiré tout récemment plusieurs centaines de personnes dans une salle des fêtes à Billbrook. L’organisateur ne le connaissait pas. Mis au courant, le propriétaire voulait paraît-il annuler l’événement à brève échéance – en vain. À Berlin cette fois, le bailleur d’un local a résilié en 2023 un contrat avec Krass, qui voulait y organiser un « séminaire » fin avril.

La sécurité du territoire de Bade-Wurtemberg décrit Krass comme un « personnage-phare de la scène salafiste en Allemagne depuis deux décennies ». Et voit Krass dans un réseau plus vaste de salafistes allemands, qui allèchent entre autres des jeunes gens sur TikTok. On compte parmi eux par exemple Pierre Vogel et Abul Baraa.

De ce dernier circulent justement des prédications, dans lesquelles il nie que des musulmans puissent être amis avec un kafir, donc un mécréant (« C’est contraire à notre religion ») et prétend qu’il existe une règle générale musulmane selon laquelle les femmes ne peuvent pas quitter « sans raison » la maison ou le logement. Vogel de son côté a lui-même fait savoir récemment sur TikTok qu’une interdiction d’entrer sur le territoire avait paraît-il été prononcée contre lui en Autriche.

Dans son rapport sur Krass, la Sécurité du territoire allemand signale de plus qu’au début du millénaire, il aurait été en contact avec Ziad Jarrah, un des auteurs des attentats du 11/9 sur le World Trade Center. Entre autres à une époque où Jarrah aurait séjourné dans un camp d’entraînement des terroristes d’al-Qaïda.

Encore aujourd’hui, Krass ne craint pas le contact avec des groupements particulièrement actifs dans ce domaine, notamment un groupe proche du Hizb Ut-Tahrir. Le Hizb Ut-Tahrir en soi décrit l’Agence fédérale allemande pour l’éducation politique comme étant clairement antisémite. Et son but serait la « domination d’un vaste califat » dans lequel les droits de la sharia sont en vigueur.

Traduction de Jean Schoving pour Résistance républicaine

https://www.derstandard.de/story/3000000216566/deutscher-salafistenstar-trat-in-wien-auf-gastgeber-sitzt-bei-rassismusevent-der-uni-wien

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