(Illustration : ruines maya à Cozumel, Mexique. En médaillon : Andrew Davis).
Fichue année 2024 ! Après Seiji Ozawa, Maurizio Pollini, c’est au tour du chef britannique Andrew Davis de tirer sa révérence le 20 avril dernier à Chicago. Inutile de chercher dans nos médias dominants, qui, comme à l’habitude, n’ont pas évoqué cette disparition. Faute de me répéter, je dirai que l’on a la culture qu’on mérite. J’ai aussi envie de citer des mots du poète Juvénal panem et circenses (du pain et des jeux), extraits du vers 81 de la Satire X :
« Ces Romains si jaloux, si fiers (…) qui jadis commandaient aux rois et aux nations (…) et régnaient du Capitole aux deux bouts de la terre, esclaves maintenant de plaisirs corrupteurs, que leur faut-il ? Du pain et les jeux du cirque ».
Les jeux du cirque n’existent plus, ils sont remplacés par la télévision, mais cependant, plus que jamais, les mots de Juvénal restent d’actualité !
Passons à la musique et on va commencer par une œuvre du britannique Ralph Vaughan Williams (12 octobre 1872/26 août 1958), Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis. Thomas Tallis est un compositeur anglais né vers 1505 (?) et mort le 23 novembre 1585 à Greenwich.
C’est plutôt inhabituel que je vous propose de la musique anglaise, eh bien nous allons rester dans la perfide Albion avec Frederick Delius, né le 29 janvier 1862 à Bradford et mort le 10 juin 1934 à Grez-sur-Loing. In a summer garden est une fantaisie écrite en 1908. Elle a été créée à Londres le 11 novembre sous la baguette du dit compositeur ; la mélodie s’appuie sur deux citations :
Première citation :
- « All are my blooms; and all sweet blooms of love. (Ce sont toutes mes fleurs ; les douces fleurs de l’amour)
- To thee I gave while Spring and Summer sang. (Qu’à toi j’ai données alors que le printemps et l’été chantaient.) »
Deuxième citation :
« Roses, lilies, and a thousand scented flowers. Bright butterflies, flitting from petal to petal. Beneath the shade of ancient trees, a quiet river with water lilies. In a boat, almost hidden, two people. A thrush is singing in the distance.
(Des roses, des lys, et cent fleurs parfumées. Des papillons éclatants, voletant de pétale en pétale. Sous l’ombre d’arbres vénérables, une paisible rivière couverte de nénuphars. Sur un bateau, presque cachées, deux personnes. Une grive chante dans le lointain.) »
Pour cette fois on n’appellera pas Stanislas Lefort pour l’entracte, par contre, je propose ce moment émouvant pour le 75ième anniversaire du maestro. Je le reconnais, cette séquence m’a arraché une larme :
Encore de la musique anglaise, Nimrod extrait des Variations Enigma, d’Edward Elgar (2 juin 1857/23 février 1934) que l’on retrouvera en fin d’article.
Pour conclure (provisoirement) cet article, voilà une interprétation endiablée de la septième symphonie de Beethoven suivi du célèbre prélude numéro deux de Rachmaninov dans une orchestration d’Henry Wood lors d’un concert aux Proms de Londres en 1994 avec l’orchestre de la BBC.
À présent nous allons parler d’un compositeur et pianiste australien, Percy Grainger. Il est né à Brighton le 8 juillet 1882 et mort à New York le 20 février 1961 avec sa composition Tribute to Stephen Foster. Je laisse la parole à Monsieur Grainger :
« L’un de mes premiers souvenirs musicaux est celui de ma mère qui m’a chanté pour m’endormir la chanson de Stephen Foster ‘Camptown Races’ (‘Doodah’). Au printemps de 1913, j’ai commencé une composition basée sur cette chansonnette envoûtante dans laquelle je voulais donner une expression musicale à ces souvenirs australiens et à mon amour et à ma vénération toujours croissants pour ce grand génie américain – l’un des mélodistes et poètes les plus tendres, les plus touchants et les plus subtils de tous les temps ; un rêveur mystique pas moins qu’un humoriste fantaisiste. Il est peut-être tout à fait naturel que je pense instinctivement à ‘Camptown Races’ à la fois comme une chanson de danse et comme une berceuse, et au début et à la fin de ma composition chorale mentionnée ci-dessus, l’air est entendu dans son caractère original et vivant, tandis qu’au milieu de l’œuvre s’interpose une section de ‘berceuse’ reflétant une humeur éveillée par les souvenirs du chant de ma mère, dans lequel l’air de Foster est traité très librement, et dans lequel des cordes solistes, un piano, une harpe, un célesta, un glockenspiel, un marimbaphone en acier Deagan ou le résonophone de Hawkes (joué avec des archets), un marimbaphone en bois Deagan (joué avec des archets), et une grande armée de verres à vin et de bols en verre de tailles et de hauteurs très variables (leurs bords frottés par des doigts mouillés) accompagnent six voix solistes qui chantent des vers de mon cru : Dans la ville de Pittsburgh, un homme habitait ; (Doodah ! Doodah !) Il s’appelait Foster, comme je l’ai entendu dire. (Ah ! Jour de Doodah !) Foster est mort et s’en est allé ; (Doodah ! Doodah !) Ses chansons sont des chansons pour eber an’ aye. (Ah ! Jour de Doodah !) » … etc. »
Et voici l’œuvre jouée aux Concerts Promenade de Londres en 2000, un vrai bonheur !
Et histoire de sourire un peu :
Concerto pour fantôme et orchestre :
Nous sommes toujours à Londres, aux Concerts Promenade de 1988. Au programme : le concerto pour piano et orchestre de Grieg, la partie soliste étant tenue par…Percy Grainger, disparu depuis 27 ans. Andrew Davis aurait-il des dons de médium ?
« La dernière soirée des concerts Promenade de 1988 au Royal Albert Hall de Londres a offert aux mélomanes une nouveauté unique. Percy Grainger (1882-1961), l’un des plus grands interprètes du Concerto pour piano de Grieg, avait réalisé une paire de rouleaux pour piano de l’œuvre qui ont été publiés en 1921. Pour cette performance des Proms, un « piano mécanique » était situé sur l’estrade et actionné par un technicien assis parmi les violons. Les rouleaux de piano ont été dûment insérés dans le mécanisme du piano et la performance solo de Grainger en 1921 a ensuite été accompagnée par le BBCSO sous la baguette d’Andrew Davis, pour le plus grand plaisir des Last Night Prommers. »
Un dernier hommage à un personnage extrêmement sympathique : (on va retrouver Nimrod).
Et voici mon hommage personnel, après le prélude de la Dame de Pique, le chœur final après le suicide d’Hermann :
À votre tour, vous avez été accueilli par Messieurs Pollini et Ozawa, on ne vous oubliera jamais Monsieur Davis.
La semaine prochaine : au concert avec Rudolf Serkin.
Filoxe
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Merci Filoxe pour cette hommage, et pour avoir cité quelques compositeurs britanniques qui sont souvent oubliés ou dont le talent est minimisé, il fut un temps ou les seuls enregistrements disponibles étaient de Britten ou d’Elgar, depuis, et heureusement la discographie disponible en France s’est étoffée.
Effectivement la musique anglaise est souvent sous représentée. Haendel, Britten et Elgar sont les noms auxquels on se réfère en particulier. Donc proposer du Tallis, du Delius, du Vanghan Williams, voire Henry Wood avec son orchestration spectaculaire de Rachmaninov a permis de sortir des sentiers battus. Comme autre compositeur anglais on peut également citer Purcell.
Merci de me suivre.
Merci Filoxe pour cet article et cet hommage. C’est vrai que la culture ne fait jamais la une des journaux ni ses illustres représentants. Par contre le suicide du gitan cocaïnés a tenu les médias en haleine. À mon avis, Juvénal a oublié une troisième cause de la décadence romaine :le sexe. On assiste encore aujourd’hui à cette décadence par le biais des alcôves…
C’est à mon tour de vous remercier pour votre fidélité !