Le concert du mois : Gustav Mahler

Depuis déjà plusieurs mois, je pensais à rédiger un article sur Gustav Mahler, mais je m’y étais toujours refusé en raison des particularités de sa musique, principalement symphonique, aux œuvres très longues.

Coïncidence surprenante, j’ai reçu aujourd’hui un lien YouTube portant sur un quatuor de ce compositeur ! Gustav Mahler est né le 7 juillet 1860 à Kalĭstĕ dans l’Empire d’Autriche et mort à Vienne le 18 mai 1911 (on peut regretter que la vie ne lui ait pas accordé 20 ou 30 ans de plus, car nous aurions pu profiter de documents audio et vidéo !). Mahler fut tout à la fois compositeur, chef d’orchestre, directeur de l’opéra de Vienne et, à l’occasion, transcripteur d’œuvres d’autres musiciens. Mahler est d’abord connu pour ses symphonies au nombre de…neuf. Comme Beethoven, Schubert, Dvorak et Bruckner, Mahler a été atteint de la « malédiction de la neuvième », même s’il avait entrepris la composition d’une dixième dont seul un mouvement est parvenu jusqu’à nous. À cela il faut ajouter des œuvres vocales, comme Le chant de la Terre, par exemple.

Aussi ai-je été très surpris de découvrir ce quatuor avec piano, composé en 1876, composition inachevée car elle comporte qu’un seul mouvement :

Petite anecdote : en 1970, j’étais sur France Musique et le présentateur nous dit « à présent, vous allez écouter une œuvre de Mahler, Le cor merveilleux de l’enfant. J’avoue que j’ai légèrement sursauté, heureusement on nous a précisé qu’il s’agissait du cor C-O-R, ouf (En allemand, Des Knaben Wunderhorn). Il s’agit d’un cycle de 12 lieder paru en 1899, je vous propose ici le sixième, Des Antonius von Padua Fischpredigt (Le prêche de Saint Antoine de Padoue aux poissons) et dont voici les paroles en français :

Saint Antoine de padoue arrive pour son prêche
et trouve l'église vide
Il va vers les rivières
et prêche les poissons ;

Ils battent de la queue
qui brille au soleil.

Les carpes avec leurs œufs
sont toutes venues là,
leurs bouches grandes ouvertes,
écoutant attentivement.

Aucun prêche
ne plut autant aux carpes.

Les brochets à la bouche pointue
qui se battent toujours
sont venus en nageant vite
pour entendre le saint homme.

Aucun prêche
ne plut autant aux brochets.

Même ces fantastiques créatures
qui jeûnent toujours,
les morues, je veux dire,
elles sont venues au prêche.

Aucun prêche
ne plut autant aux morues.

Les bonnes anguilles et les esturgeons,
dont les nobles se régalent,
ont même pris la peine
d'écouter le prêche.

Aucun prêche
ne plut autant aux anguilles.

Les écrevisses aussi, les tortues,
d'habitude si lents,
se sont hâtés depuis le fond
pour entendre cette voix.

Aucun prêche
ne plut autant aux écrevisses.

Les gros poissons, les petits,
les nobles et les communs,
tous ont levé leurs têtes
comme des êtres pensants :

À la demande de Dieu
ils écoutent le prêche.

Le sermon fini,
chacun s'en retourne,
Les brochets restent des brigands,
les anguilles aiment beaucoup.

Le prêche leur a plu,
mais ils sont restés les mêmes qu'avant.

Les écrevisses marchent toujours à reculons,
les morues restent grasses,
les carpes se gavent,
le prêche est oublié.

Le prêche leur a plu,
mais ils sont restés les mêmes qu'avant.

Remarquez, si on y réfléchit bien, cette fable pourrait tout aussi bien s’appliquer aux humains, vous ne croyez pas ?

Toujours avec ce morceau, une version VRAIMENT rare, piano et voix. Christa Ludwig est accompagnée par Leonard Bernstein :

Dans la deuxième symphonie, Résurrection, le thème est repris dans le troisième mouvement :

Je le disais en début d’article, Mahler a composé neuf symphonies, les numéros 2, 3, 4 et 8 font appel à la voix humaine. La musique de Mahler a été souvent incomprise, trop chargée, vulgaire, œuvres interminables et tutti quanti. Mon beau-père qui n’aimait pas Mahler avait eu ce mot « Dans sa musique, Mahler dit tout ; or dans la vie on ne doit pas tout dire« . Mahler a souffert de ses critiques et il a un jour déclaré « Mon heure viendra ! ». C’est Bruno Walter qui a enregistré le premier une intégrale des symphonies de Mahler. Bernstein lui a emboîté le pas avec une première intégrale à New York et une autre à Vienne, non sans mal :

(En réalité, Lenny se trompe, Scheissmusik se traduit parfaitement, ça signifie « musique de merde ! »).

Pour ma part, ma préférée est la troisième et celle que je considère comme la plus difficile d’accès est la septième, bon c’est juste un avis personnel. C’est la cinquième que je vous propose, elle fut créée à Cologne le 18 octobre avec un succès très relatif. Elle comporte cinq mouvements qui se décomposent comme suit :

Partie I

I : Trauermarsch. In gemessenem Schritt. Streng. Wie ein Kondukt
II : Stürmisch bewegt. Mit größter Vehemenz
Partie II

III : Scherzo. Kräftig, nicht zu schnell
Partie III

IV : Adagietto. Sehr langsam
V : Rondo-Finale. Allegro — Allegro giocoso. Frisch

Deux œuvres pour terminer, l’adagio de la dixième symphonie, le seul mouvement que Mahler a composé entièrement. Il avait esquissé les autres et demandé qu’il soient détruits après sa mort, mais ce ne fut pas le cas. La veuve du compositeur, Alma devait retrouver toutes les esquisses en 1924. Divers compositeurs se sont attelés à l’orchestration complète et la symphonie a souvent été jouée avec ses cinq mouvements. On va, pour notre part, rester sur l’adagio (le premier mouvement en fait) :

Et maintenant, le mouvement final du Chant de la Terre, Abschied (l’adieu) musique bouleversante avec la sublime Christa Ludwig.

L’adieu

Le soleil plonge derrière les montagnes.
Sur les vallées tombent le soir
et ses ombres pleines de fraîcheur.
Vois ! Comme une barque d’argent
la lune flotte sur la mer bleue du ciel.
Je sens une tendre brise souffler
derrière les sombres pins !
Le ruisseau chante joliment dans l’ombre.
Les fleurs pâlissent dans le crépuscule.

La Terre respire et se gorge de repos et de sommeil.
Tous les désirs sont désormais changés en rêves,
et les gens fatigués rentrent chez eux
pour trouver dans le sommeil un bonheur oublié
et apprendre à redevenir jeunes !
Les oiseaux se blottissent, silencieux, sur les branches.
Le monde s’endort…

Il passe une brise fraîche à l’ombre de mes pins.
Je suis là et j’attends mon ami ;
je l’attends pour un dernier adieu.
J’ai tant envie, ami, à tes côtés
de partager la beauté de ce soir.
Où es-tu ? Tu me laisses seul si longtemps !
J’erre de-ci de-là, avec mon luth,
sur des sentiers riches d’une herbe douce.
Ô beauté ! Ô monde à jamais
ivre d’amour et de vie !

Il descendit de cheval et lui donna la coupe de l’adieu.
Il lui demanda où il allait et pourquoi c’était impératif.
Il parla, et sa voix était voilée : «Ô mon ami,
sur cette Terre, le bonheur ne m’a pas souri !
Où vais-je ? Je vais errer dans les montagnes.
Je cherche le repos pour mon cœur solitaire.
Je chemine vers mon pays, mon refuge.
Pour moi, plus jamais d’horizons lointains.
Calme est mon cœur et il attend son heure.
Partout, la Terre bien-aimée fleurit
au printemps et verdit de nouveau !
Partout et éternellement, l’horizon sera bleu !
Éternellement… éternellement…»

Personnellement je ne vous dis pas adieu on se retrouve la semaine prochaine avec un hommage à Claudio Abbado.

Filoxe

 

 

 

 

 

 

 

 

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8 Commentaires

  1. Bonjour Filoxe,
    Merci de ce trés bel article.
    Vous oubliez que l’adagietto de la 5eme fut fort utilisé au cinema de 1967/1985 à bon et à mauvais usage. Von K qualifiait ce passage de « symphonie des amoureux ».J’ai eu le plaisir de decouvrir ce court moment de retour de NY à l’aube sur une mer de nuage en 1987, de retour vers l’étre aimée, inoubliable. Tout comme « Romeo et juliette 13, Prokofiev, « la danse des chevaliers », si vous la transposez sur un moment d’amour/scéne. c’etait le cas il y a longtemps, au siécle dernier où les realisateurs avaint du gout.
    il n’y a plus de grand compositeur depuis ??? Seuls les auteurs de VO, ont du susccés, et c’est trés bien cela « democratise » la « grande musique »( au moins entendent ils autre chose que de la merde), Zimmer, vangelis, goldsmsith, jarre.
    Mais toujours peur de jouer cela à leur mariages,de merde, preferant la danse des canards/connards et consorts, Alors qu’il aiment, si vous leur rappellaient…

  2. Fallait oser inviter Gustave Mahler dans ce lieu ! Bravo à vous Filoxe et merci.
    Quant à vous amis de RR, ne soyez surtout pas intimidés.
    Bonne et saine distraction aux amateurs !

  3. Compositeur longtemps mal aimé, il ne fait aucun doute qu’aujourd’hui on en reconnaisse le génie, moins connue, sa femme Alma, fut aussi compositeur, une élève de Zemlinski, mais Gustave mis une condition à leur mariage : qu’elle arrête la musique, vraiment dommage car pleine de talent. Merci Filoxe pour ce premier article de l’année. Je te souhaite une très bonne santé et heureuse année, ainsi qu’à ta famille.

  4. Je suis dubitatif quant à la présence des morues dans une rivière. Sûrement une licence poétique. Merci Filoxe pour cet article.

    • Argo, en tout cas les morues ne sont pas Borne ou Hidalgo qui prennent un bain, elles ne se lavent pas et n’étaient pas encore née! 😅😅😅

    • Les morues ont dû faire comme les saumons, remonter le courant pour profiter de la bonne parole. Sinon comme morues on a des gratinées avec la sinistre de l’Éducation nationale au nom impossible à prononcer même avec un billet de logement. Et puis il y a l’ordure Colonna, sinistre de l’Europe (ça veut dire quoi ?) et accessoirement des affaires étrangères qui trouve naturel que les Ukro-nazis bombardent des civils à Belgorod. Elle a juste oublié les 14 000 morts dans le Donbass depuis 2014 et les personnes brûlées vives dans la maison des syndicats à Odessa, quelle salope ! Ah oui mais c’est vrai que c’est Poutine le méchant et le criminel de guerre.

    • J’ai fait une erreur que vous aurez vite rectifiée. Abdul Machin est bien ministre de la Cul-ture. On ne peut malheureusement pas modifier un commentaire que l’on a publié, il faudrait peut-être revoir ça !

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