Charia
La charia, c’était d’abord, pour la caravane des nomades du désert, « la piste qui conduit au point d’eau affleurant à fleur de terre, la mare où les chameaux pouvait s’abreuver directement sans qu’on ait besoin de passer des heures à faire remonter l’eau d’un puits. »[1]
Parmi 77 439 mots, le terme « charia » n’est mentionné qu’une seule fois dans le Coran, et, déjà, dans un sens symbolique (S. 45, v. 18 ) : « Puis Nous t’avons mis sur la voie de l’Ordre. Suis-la donc et ne suis pas les désirs de ceux qui ne savent pas » (S. 45, v. 18). Cependant, la métaphore du chemin unique, le « sentier d’Allah » (77 occurrences) dont il ne faut surtout pas s’écarter, sous peine d’être un « égaré », est filée tout au long des sourates et, notamment, dans la première. Cette sourate contient la prière essentielle, la « fatiha », prononcée 5 fois par jour, qui se conclut par : « Guide-nous dans le droit chemin, Le chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs, non pas de ceux qui ont encouru Ta colère, ni des égarés. » (S. 1, v. 6 et 7).
Dans son sens de loi coranique, la charia n’est pas transcrite dans un recueil de lois.
Il faut aller la chercher à travers les sourates et les hadiths, récits où se trouvent consignés les témoignages sur la vie du Prophète. En effet, Allah est donné pour Guide dans le Coran (145 fois) et Mahomet ainsi qu’Abraham, cités chacun une fois pour Modèles. Cela est bien insuffisant dans l’islam des origines pour constituer un véritable corpus législatif musulman.
La loi du talion, dans son archaïque simplicité[2], constitue un premier principe général. Cette loi, bien antérieure au siècle de Mahomet, est sacralisée par le Coran : « Ô les croyants! On vous a prescrit le talion au sujet des tués : homme libre pour homme libre, esclave pour esclave, femme pour femme. » (…) « C’est dans le talion que vous aurez la préservation de la vie, ò vous doués d’intelligence, ainsi atteindrez-vous la piété. » (S. 2, V. 178 et 179). Il est vrai que le texte ouvre une possibilité de dédommagement matériel, en cas de meurtre entre « frères », c’est-à dire entre musulmans : « Mais celui à qui son frère aura pardonné en quelque façon doit faire face à une requête convenable et doit payer des dommages de bonne grâce. Ceci est un allégement de la part de votre Seigneur et une miséricorde. »
Si le principe de la compensation financière est toléré, la norme supérieure reste le talion. Par exemple, en cas de blessure reçue, la victime qui renoncerait par charité à blesser en retour le coupable commettrait là une faute qu’il lui faudrait expier : « Et Nous y avons prescrit pour eux vie pour vie, oeil pour oeil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent. Les blessures tombent sous la loi du talion. Après, quiconque y renonce par charité, cela lui vaudra une expiation. Et ceux qui ne jugent pas d’après ce qu’Allah a fait descendre, ceux-là sont des injustes. » (S. 2, v. 45).
Face aux apories du Coran, s’écrivent les hadiths :
La rédaction des hadiths, plus tardive que celle du Coran, a sans doute pour fonction de donner davantage de repères face aux apories du Livre original : il suffira, pour qui se trouve en position d’arbitre, d’imiter le Prophète.
Les hadiths montrent le Prophète assumant cette fonction d’arbitrage dans de nombreuses occasions. Mais ses avis et ses jugements sont présentés de manière disparate et, de surcroît, se situent à des niveaux très différents, sans que le subsidiaire soit mis en retrait par rapport à l’essentiel, sans, non plus, que la notion de délit se distingue jamais de celle de péché. On voit le Prophète répondre à des questions étroitement prosaïques. Par exemple, à la question : « pendant le Ramadan, vomir annule-t-il le jeûne et doit-on compenser ce jour en ajoutant un jour de jeûne ? »
« D’après Abou Houreira, le Prophète dit :
« Celui qui vomit non volontairement alors qu’il jeûne n’a pas à rattraper mais celui qui se fait vomir volontairement qu’il rattrape ». (Tirmidhi Sounan n°720).
Ailleurs, le Prophète énonce ce que l’on pourrait considérer comme les principes généraux du droit musulman, ceux qui permettent de ne pas s’égarer hors du « sentier d’Allah »:
D’après Abou Houreira, le Prophète a dit : « Écartez-vous des sept choses qui mènent à la perdition ! ».
Ils ont dit : Quelles sont ces choses ?
Le Prophète (que la prière d’Allah et Son salut soient sur lui) a dit: « L’association à Allah, la sorcellerie, tuer une âme qu’Allah a interdite sans droit, manger l’usure, manger l’argent de l’orphelin, fuir le jour de la bataille et accuser injustement (de fornication) les croyantes chastes et insouciantes. » (Boukari n°6857 et Mouslim n°89).
Le sentier d’Allah devient-il si aisé à suivre pour autant ?
Un effort est nécessaire pour l’apercevoir, c’est le fiqh, « l’intelligence, explication et interprétation de la charia » ?[3] Or, plus les hadiths ont foisonné avec leurs témoignages de première, deuxième, troisième main, plus le pouvoir des califes s’en est mêlé, moins le tracé de la piste originelle est devenu lisible.
Pour y mettre leur ordre, les Ommeyades ont créé les « cadis », des juges au-dessus desquels fut placé, à la fin du VIIIle siècle, le Cadi des cadi, sorte de Ministre de la Justice. Le cadi, rattaché au califat et dépendant de lui, a des fonctions qui vont des actes notariaux, aux jugements des hudud, ou crimes commis « contre Dieu », en passant par le règlement de tous les litiges. Pour cela, il.ne dispose pas d’un codex clairement établi par écrit. Il se doit pourtant d’appliquer les lois religieuses définies par le Coran et la Sunna. Pour cela, il peut se référer à la jurisprudence établie par le consensus (Ijma) entre théologiens réputés (oulémas)… si consensus il y a ! Reste le raisonnement par analogie (qiyâs) qui, lui non plus, ne fait pas l’unanimité.[4]
Dans un tel cadre, le cadi juge « selon la vraisemblance » d’après les serments des témoins (un homme valant deux femmes). La recherche des preuves et de la vérité ne sont pas pour lui une préoccupation centrale par rapport à la conformité de son jugement aux impératifs religieux car, en cas d’erreur sur la vérité, Allah rétribuera le prévenu en meilleure connaissance de cause.
Les cadis du passé appliquaient-ils la charia dans ses aspects, de nos jours, les plus controversés ?
Par exemple, en cas de vol, faisaient-ils fouetter les fornicateurs, sans « pitié », peut-être même jusqu’à ce que mort s’ensuive (S. 24, v. 2) ? En cas d’accusation de vol, avaient-il le choix de trancher le litige … en tranchant dans le vif : « Le voleur et la voleuse, à tous deux coupez la main, en punition de ce qu’ils se sont acquis, et comme châtiment de la part d’Allah. Allah est Puissant et Sage. » (S.5 v. 38) ? Que décidait donc un Averroès, rangé aujourd’hui parmi les philosophes musulmans de l’« islam des Lumières » ? Lui qui était grand Cadi de Séville et Cordoue ? On n’en a nulle trace…
La charia, « sentier d’Allah », se serait-elle perdue dans les sables ?
Depuis le XIXe siècle, la plupart des États à majorité musulmane ont créé des systèmes judiciaires, avec des tribunaux hiérarchisés et centralisés, sous l’influence du modèle européen, sans pour autant désavouer la charia[5]. Cette position est énoncée en 1994 par Hassan II , roi du Maroc et « Commandeur des croyants » dans son pays : « Le dogme, lui, doit ne doit pas être touché mais il faut s’adapter à son temps »[6].
Cependant le wahhabisme (XVIIIe siècle) allié au salafisme (1960), relayés par l’organisation des Frères musulmans, ont redonné du lustre à l’application littérale de la charia. Si, dans leur perspective d’imposer au monde le retour du Grand Califat, ils ravivent partout leur lecture, au grand dam des exégètes subtils[7], à la satisfaction secrètes de certains d’entre eux, experts en taqîya[8]… Alors la charia, le « sentier d’Allah », aura prouvé qu’elle n’indique pas un «droit chemin », mais un itinéraire fermé : le « sentier d’Allah » aura fait tourner en boucle la caravane des musulmans pour les ramener à leur point de départ… afin qu’ils s’abreuvent à une source barbare[9], rouge du sang des Hommes.
[1] Jaqueline CHABBI, Les mots du Coran et de l’islam, https://youtu.be/bbaccfn8UUs?list=UULFLsPJph5-J9Mruqsv-vSdCQ
[2] Voir Le Code de Hammurabi, texte juridique babylonien daté d’environ 1750 av. J.-C.
[3] MILLIOT L. et BLANC P-F, Introduction à l’étude du droit musulman, Paris, Dalloz, 2001, p. 168
[4] L’ijma et le qiyâs ne sont pas reconnus par les chiites, et les différentes écoles (madhhab) divergent quant à l’utilisation du qiyâs...
[5] C’est sous l’égide supra-constitutionnelle de la charia que se place, par exemple, leur Déclaration des droits de l’homme en islam, adoptée au Caire le 5 août 1990.
[6] HASSAN II, devant Frédéric Mitterand, Caravane de nuit, 3 mars 1994, (Pourquoi il ne faut pas couper la main du voleur, minute 18: 47) https://youtu.be/md_WPr9gyaE
[7] Jaqueline CHABBI, Jacqueline Chabbi, historienne : « Il est temps que les musulmans fassent de l’histoire », Charlie-Hebdo, 13 septembre 2022.
[8] Dr Al ALAMI, traduit ainsi le verset 38 de la sourate 5 : « Le voleur et la voleuse, réduisez leur puissance en récompense de ce qu’ils auront tous deux acquis… », in Que dit vraiment le Coran, https://www.alajami.fr/index.php/2018/01/29/s5-v38/
[9] Salem BENAMMAR, « La Charia est au droit ce que le terrorisme musulman est à l’humanité », Riposte laïque, 21 février 2015.
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Contre ces unités de cavalerie en face tsahal n’a aucune chance!!
Juste l’indication d’une coquille. Il manque un i à Califat dans : « le retour du Grand Calfat ». Lors du carénage, les anciens calfats calfataient les bateaux de bois, en enfonçant au maillet des mèches d’étoupe recouvertes de brai bouillante (coaltar), pour colmater les fissures des planches disjointes et rendre les coques de bois étanches. Ces calfats étaient plus utiles que le califat !
Merci Oeil-de-lynx ! J’ai corrigé
Nous voici, heureusement, invités à suivre ici un autre sentier qui nous fait prendre de l’altitude et qui, de ce promontoire où tu nous conduis, Agathe, nous permet d’observer les ornières et le marécage où pataugent depuis toujours les mahométans, empêtrés dans leurs certitudes archaïques et leurs sophismes ! Waouh, quelle vue ! Superbe travail d’orfèvre, comme les précédents bijoux que tu nous offres. Maintenant, comment en faire profiter les principaux intéressés et nos contemporains ? Bon ! Au moins, nous serons quelques amateurs à apprécier ce travail qui sort de l’ordinaire ! Merci et bravo ! En espérant une suite à cette série si intéressante !
Merci Jacques. Le navire prend l’eau, matelots,calfatons les brèches. Une coquille encore sur la coque : faire sauter le premier « doit » dans ma citation d’Hassan II car j’ai écrit « le dogme « doit » ne doit pas être touché », j’ai en citation aussi écorché le patronyme d’un grand expert en taqîya : Dr Al AJAMI.
Pour le fond de ton message, il paie au centuple mes heures de crapahutage dans la bouillasse de ces textes. Blessés au plus profond par les événements, il nous faut taire nos moments de faiblesses, et garder le cap. Dans la soute, un remontant, la griserie momentanée que nous offre le soutien de ceux qu’on admire, merci, l’ami, pour ce baril de rhum, j’ai tout bu…hips !
La charia ne mène nulle part car elle ne se base ni sur la création, ni sur la production d’une société évolutive, dans sa finalité, elle ne peut qu’aboutir à une société primitive qui se contente du minimum vital pour vivre et encore car ce minimum est souvent volé aux autres peuples, que se passera-t-il quand les autres peuples auront disparu ?
La Charia est un dogme idéologique religieux qui consiste à imposer l’Islam dans le territoire conquis par l’Oumma Internationale jusqu’à Tuer les Kouffars qui refusent d’obéir et de se convertir à Allah Akbar. La Charia c’est le génocide de la civilisation Européenne et Occidentale pour favoriser un supremacisme islamique Diabolique !
Merci Agathe. Ce n’est pas du travail de poésie que tu nous proposes là, mais bel et bien une ouvre nécessaire et source d’instruction. Mais il faut des neurones particuliers pour ce faire. Bravo ! Tu les as !
Paco, à quoi ressemble le bonheur ce soir ? Ne rien faire avec ma petite chienne sur les genoux, après ton compliment. Merci.
C’est un vrai plaisir de savoir maintenant que tu existes. Et de savoir que ce délice sera sans doute renouvelé. Le vrai bonheur pour moi, c’est quand il est là sans même que je le sache. Que ta soirée soit douce. Wouarf Wouarf Wouarf !
coquille : lire Par exemple, en cas de FORNICATION, faisaient-ils fouetter les fornicateurs, sans « pitié », peut-être même jusqu’à ce que mort s’ensuive (S. 24, v. 2)