En Arabie saoudite la abaya est interdite pendant les examens scolaires mais pas chez nous ?

Article du quotidien libanais L’orient le jour

L’héritage traditionnel de cette robe longue a été maintes fois détourné à des fins politiques et religieuses au Moyen-Orient, comme plus récemment en France.

Entre vêtement culturel et instrument politique, la abaya sous toutes ses coutures

L’héritage traditionnel de cette robe longue a été maintes fois détourné à des fins politiques et religieuses au Moyen-Orient, comme plus récemment en France.

Dénoncée en France comme une « atteinte à la laïcité » dans les écoles, la abaya est pourtant à l’origine un vêtement culturel. Traditionnellement portée par les Bédouins pour se protéger de la chaleur et du sable, la robe longue se généralise dans les pays arabes comme un symbole d’appartenance à une identité commune, se déclinant en plusieurs versions, le qamis pour les hommes, la djellaba au Maghreb. Ce n’est que depuis très récemment que la abaya se charge d’un caractère politique, voire doctrinal, érigé en symbole de la pudeur religieuse dans une conception rigoriste de l’islam. Une interprétation du vêtement qui ne fait pas l’unanimité, certaines femmes s’efforçant de le détourner dans un message politique, d’autres le prêtant aux fluctuations des tendances : plus courtes, parfois plus cintrées, ornées de mille artifices, les robes traditionnelles prennent des largesses avec la version originelle et, comme tout objet de mode, évoluent avec leur temps tout en inspirant les plus grandes maisons de couture.

La abaya est d’abord un vêtement technique : conçue à partir d’une toile épaisse, elle permet aux nomades bédouins du Moyen-Orient d’affronter les conditions extrêmes du désert. Le tissu est si large qu’il sert aussi à fabriquer des tentes pour y trouver refuge la nuit. Son usage et ses déclinaisons révèlent par ailleurs un marqueur social : en laine pour la version bédouine traditionnelle, ornée de broderies pour les notables religieux. Avec sa fonction couvrante, son port en vient aussi à être interprété comme un signe de modestie se destinant surtout aux femmes : le vêtement dissimule les formes du corps, sans que le fondement religieux de cette caractéristique ne soit clairement énoncé.

Modestie

Dans le Coran, en tout cas, aucun passage ne mentionne directement la abaya. Seul le verset 33:59 énonce : « Prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants, de ramener sur elles une partie de leurs mantes (vêtement ample et sans manches, NDLR) afin d’être reconnues et de ne pas être insultées : Dieu est le plus indulgent, le plus miséricordieux. » « La abaya est une forme spécifique de vêtement qui répond à l’exigence religieuse de modestie et provient des pays du Golfe, mais ce n’est pas un vêtement religieux obligatoire », souligne Hadia Moubarak, professeur en études religieuses à Queens University aux États-Unis. Selon les interprétations du texte sacré, l’essence religieuse du vêtement sera plus ou moins mise en avant.

L’habit traditionnel devient un vêtement de la vie quotidienne au Moyen-Orient, porté en intérieur comme en extérieur ; on l’apprécie pour sa commodité et la pudeur qu’il confère. « Certaines le trouvent pratique parce qu’elles peuvent l’enfiler par-dessus leur chemise de nuit ou même leur lingerie, sans avoir à se soucier de trouver une tenue ample qui couvre toutes les parties du corps qui doivent être cachées », juge Hadia Mubarak. Dès les années 70, le vêtement se libéralise : le tissu se décline en soie, la matière est plus transparente, les abayas se portent davantage resserrées à la taille, dévoilent les jupes du dessous. Loin du cliché de la robe ample et invariablement noire, les abayas sont « historiquement très colorées au Levant », rappelle par ailleurs la chercheuse.

En 1979, la abaya prend une dimension politico-religieuse en Arabie saoudite, berceau du monde musulman. Symbolisant un contrôle du corps des femmes dans l’espace social, son port est rendu obligatoire dans le royaume après une prise d’otages par des rebelles fondamentalistes à La Mecque. Face à la pression des wahhabites, le roi Khaled ben Abdelaziz al-Saoud cède alors à une vision plus rigoriste de l’islam. Une obligation maintenue par les contrôles stricts de la Moutawaa, police religieuse du royaume jadis crainte par les Saoudiens, notamment les femmes. Dans les années 1980, celle-ci commence à avoir mauvaise réputation, se voyant associée à l’émergence du mouvement Sahwa (l’éveil), faction du salafisme saoudien qui prône alors une pratique rigoriste de l’islam.

La abaya « licite »

Parallèlement, dans un quartier commerçant de Djeddah, une boutique nouvellement ouverte sous le nom de Sayedet al-Hijab se met à vendre un modèle de abaya aux contours inhabituels, loin du modèle traditionnel de forme carré, appelé laff. Bouthayna Hafiz, styliste et propriétaire de la boutique, est la première à revisiter le vêtement. Mais c’est réellement dans les années 1990 que les abayas élégantes commencent à être vendues dans divers magasins, attirant des designers qui leur confèrent une forme stylisée. De nouveaux modèles s’invitent dans les placards des jeunes du Golfe, comme  la abaya al-farasha, dite papillon. Au lieu de cacher, le tissu révèle, donne à voir la personnalité de celles qui le portent. Un détournement de son usage qui embarrasse alors les autorités saoudiennes : « Les tendances révèlent comment la mode des abayas, en s’opposant à sa forme « licite », privilégie le concept de style par rapport à celui de la piété », relève Noor al-Qasimi dans ses recherches portant sur la codification religieuse de la abaya en Arabie saoudite.

La abaya traditionnelle de forme carrée (gauche). La abaya cintrée et la forme papillon (droite). Dessin de Mustafa Aslanturk tirée de l’étude de Noor al-Qasimi « Immodest modesty. Accommodating dissent and the “Abaya-as-Fashion” in the Arab Gulf States » (2010)

De quoi inquiéter le Comité permanent saoudien pour la recherche scientifique et l’orientation, l’autorité religieuse du royaume, qui remet les pendules à l’heure : selon la Fatwa 21352, émise le 9 juin 2000, la abaya « doit être non collante (…) et entièrement couvrante », ou encore « ne doit pas comporter d’ornements susceptibles d’attirer les regards et doit donc être exempte de dessins, de décorations, d’écritures et de symboles ». Un signal d’assise religieuse sur la tenue, renvoyée à son rôle de vêtement de pudeur : une longue robe noire, ample, destinée à dissimuler la peau et les formes du corps de celle qui la porte. En témoigne la dénomination qui lui est alors donnée par le Comité : al-‘abaya al-shar’iya  (la abaya licite).

Ce qui n’empêche pas les Saoudiennes de composer avec les injonctions. La abaya « cintrée », al-‘abaya al-mukhassara, connaît alors un franc succès et incarne ce paradoxe : moulante et révélant les contours du corps, elle préserve néanmoins certaines qualités considérées essentielles de la abaya licite (longue, noire), incarnant ainsi à la fois une résistance et une déviation du modèle traditionnel. Selon les travaux de Noor al-Qasimi, « le phénomène de la mode de  la abaya tente de rejeter ce qui l’a précédé, son propre passé et représente donc une subversion contre l’oppression ».

Une aubaine pour l’industrie de la mode. Dès les années 2010, les grandes maisons de luxe occidentales se saisissent de cette opportunité, sentant un marché ultralucratif s’ouvrir à elles, et se lancent dans des gammes de vêtements adaptées aux codes esthétiques du Golfe : la « modest fashion » mondialisée voit le jour.

La marque italienne Dolce & Gabbana signe en 2016 une collection de hijab et abaya à destination des femmes arabes dans des tons allant du « beige des sables du désert arabe » au noir. Incrustées de diamants, ornées de dentelles, les abayas de luxe ciblent un impératif double : « Les grandes marques se sont emparées du fait qu’il y a des femmes qui veulent être pudiques tout en s’habillant de manière moderne », soutient Hanane Karimi, sociologue et auteure du livre  Les femmes musulmanes ne sont-elles pas des femmes ?

Indignations françaises

Pour la sociologue, c’est cet accommodement entre la volonté des femmes de rester fidèles à leurs valeurs et leur désir de suivre les tendances qui prévaut dans l’usage de la abaya en France, où son port dans les écoles est en voie d’être interdit. Un mariage impossible aux yeux des pouvoirs publics. En témoigne la polémique autour du port du burkini, un vêtement dont on ne trouve « aucune trace dans le corpus religieux », précise Hanane Karimi, mais qui permet aux femmes qui le portent « d’être pudiques tout en pouvant aller se baigner ». En France, ces deux cas vestimentaires génèrent des crispations. On les voit comme une sorte d’influence de dogmes rigoristes à la sauce saoudienne qui priverait les femmes de tout libre-arbitre. En réalité, ces indignations françaises résulteraient bien plus d’une « obsession sur le corps des femmes musulmanes », et plus généralement, « sur la visibilité du fait religieux en ce qui concerne les musulmans que la France considère encore comme incapables de s’intégrer, comme une menace potentielle », avance Rim-Sarah Alouane, doctorante et chercheuse en droit public à l’Université Toulouse Capitole. Dans ce contexte, la polysémie de la abaya semble en effet être volontairement omise, si ce n’est ignorée, pour être comprise uniquement comme un vêtement religieux imposé aux femmes, comme il le serait en Iran ou en Afghanistan. « Il y a une instrumentalisation de faits qui se passent à l’étranger, poursuit la chercheuse. Mais la France fait exactement la même chose : elle prône la liberté, mais uniquement selon les termes de l’État. »

 

Par une certaine ironie du sort, avant la France, l’Arabie Saoudite devient en 2022 le premier pays au monde à interdire le port de la abaya pendant les examens scolaires. Une étape supplémentaire franchie après avoir levé l’obligation du port de ce vêtement dans le royaume en 2018. Dans le sillage de ses réformes pour libéraliser la société saoudienne, le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane avait alors annoncé également la fin du port du voile obligatoire : « La décision est entièrement laissée aux femmes de décider quel type de tenue décente et respectueuse elles souhaitent revêtir. » Si la loi protège théoriquement leur choix d’habillement, certaines Saoudiennes ont pointé du doigt la prégnance dans le royaume conservateur du regard social. Car ce dernier les sanctionnerait toujours autant, si d’aventure elles perdaient l’habitude de porter la abaya. Une injonction sociétale qui perdure donc, même lorsque la religion s’en détourne.

https://www.lorientlejour.com/article/1347905/entre-vetement-culturel-et-instrument-politique-labaya-sous-toutes-ses-coutures.html?&utm_source=mailchimp&utm_medium=Lien5mail&utm_campaign=lettreabo246

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8 Commentaires

  1. J’en ai marre d’entendre parler des muzz chaque jour car cela prouve que nous sommes envahis et donc plus chez nous, en terre Chrétienne !!!

    • @Raskasse, tout le monde en a marre, mais tout le monde reste les bras ballants face à l’invasion islamomuzz ! lâcheté quand tu nous tiens.

  2. Je me souviens du passage fort remarqué d’une femme Saoudienne (très fortunée et raffinée sûrement vu son allure) porteuse de ce vêtement dans une ville près de chez moi…

    Vêtement long en fine soie noire et dentelles, épousant de façon étudiée les balancements de son corps qu’elle accentuait visiblement par plaisir, comme une chemise de nuit transparente laissant deviner ce qu’il y a dessous..

    Quoi de plus sexy ?

    Rien à voir bien sûr avec les sacs poubelles qui souvent d’ailleurs ne recouvrent pas les plus belles en France à ce que j’ai pu constater.

  3. Bonjour Maxime. Ils interdisent l’ababaya mais interdisent aussi de se plaindre du régime. Un homme vient d’être condamné à mort pour avoir critiqué le système. Je n’aurai pas fait long feu dans ce shitole comme dirait Machinchose…

  4. Autant ça ne me gêne pas de les voir porter l’abaya dans les pays muzz,(en dehors du fait que je trouve ça moche ) autant je ne suis pas d’accord en France pays laïc.entendu sur une chaine d’infos que certaines appellent à porter toutes l’abaya lundi jour de la rentrée ,elles disent »si on la porte toutes ils ne pourront pas nous refouler  » ah bon et pourquoi pas ? C’est la loi .point barre .Comme il est interdit de venir à l’école, en maillot de bain,short ultra court etc d’ailleurs dans les entreprises idem ,j’ai souvenir d’un collégue qui était venu en bermuda au bureau et on lui a demandé d’aller se changer .et je le redis tous ceux et celles qui veulent porter l’abaya, kamis ,et bien qu’ils aillent dans un des 57 pays muzz ou c’est accepté et tout le monde sera content .

  5. En Arabie Saoudite il y a des limites avec le port de l’abaya dans les écoles Saoudiennes mais en France à cause des Islamo Gauchistes d’extrême gauche de LFI et cie l’abaya est autorisé lors des examens ce qui est contradictoire et qui sent la dhimmitude !

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