Un film de Claude Autant-Lara avec Jean Gabin, Bourvil, Louis de Funès, Jeannette Batti, Robert Arnoux, Myno Burney…
La traversée de Paris – Du 45 rue Poliveau, Paris 5ème, à rue Lepic près de Montmartre
Si La Traversée de Paris est un film historique, ce n’est pas nécessairement par la justesse de la description qu’il donne d’une période toujours discutée.
C’est aussi et surtout parce que c’est le premier film français « populaire » à donner de cette période une image qui tranche avec tout ce qui précède dans le cinéma français post Seconde Guerre mondiale.
En 1956, le public n’a jamais vu de film qui porte un regard aussi « cynique » – au sens philosophique du terme – sur l’Occupation.
Paris, 25 août 1944
« La traversée de Paris » (1956)
Synopsis.
Martin, incarné par André Bourvil, est monsieur tout le monde, un bon bougre au patronyme et visage « tellement français », aventureux mais pas trop. Pour subsister, cet ex chauffeur de taxi pratique le marché noir. Pour cette Traversée de Paris, Martin trouve pour associé d’un soir Grandgil, sous les traits de Jean Gabin. Un « air cloche » mais le verbe est placé haut : « J’veux deux mille francs, nom de Dieu, Jambier ! Jambier, 45 rue Poliveau ! » alors qu’il n’y a « pas de quoi alerter le voisinage »(source).
La traversée de Paris – salauds de pauvres – morceau choisi.
« Vivre » sous l’Occupation
La Traversée de Paris commence à la manière d’un document sur la vie quotidienne des Français de 1945: images d’archives, interdiction de toute manifestation de nationalisme (le violoniste), rationnement, pénurie, queues devant les magasins, spéculateurs, abattages clandestins, jours « avec » et « sans » (alcool), police française cherchant mollement des trafiquants…
Solidarité parfois, mais discrète, avec ceux qui transgressent les interdits…
Enfin et surtout la peur omniprésente. Tous ces éléments sont immédiatement repérables pour la majorité du public de 1956, à l’aide de signes rapides, sommaires mais significatifs : affichettes pour les « bons du Trésor», affiches de films (Mademoiselle Béatrice, 1943 ; Le Journal tombe à 5 heures, 1942), de propagande (« La France continue», « Je tiens les promesses même celles des autres»), journaux (Aujourd’hui, Je suis partout…), information (« Aujourd’hui : Jour sans alcool», « Abri..»)…
L’affiche
Cette affiche est signée par un célèbre affichiste français, Guy Gérard Noël. Il a dessiné des affiches pour des classiques comme Hôtel du Nord, La Grande Illusion ou Un condamné à mort s’est échappé, mais aussi pour des films fantastiques tels que L’Empreinte de Frankenstein, Le Cauchemar de Dracula ou La Malédiction des Pharaons. Et frappe ici le caractère inquiétant, sinon effrayant, du décor qui entoure les deux personnages centraux, et celui, agressif, des couleurs, le bleu et le noir des bâtiments en arrière-plan, le rouge du titre et surtout le halo vert vif et pur sur lequel se détachent les héros en noir et blanc (couleurs du film lui-même).
Genèse de « La Traversée de Paris»
Lorsque la nouvelle de Marcel Aymé, La Traversée de Paris, paraît en 1947, Autant-Lara songe déjà à un sujet sur le marché noir tandis qu’Aurenche en fait acquérir les droits.
Mais dans les années qui suivent la Libération, le temps est à l’exaltation de la Résistance et d’une France presque tout entière vouée à chasser l’envahisseur. Censure directe puis autocensure règnent.
Au début des années 1950, la fantaisie ou la franche rigolade – Fanfan la Tulipe (1952), Deux de l’escadrille (1952) – s’emparent des mythes héroïques.
Ce n’est donc qu’après le succès du Rouge et le noir (1954) que le producteur, Henry Deutschmeister rachète les droits et qu’Aurenche et Bost développent le projet de La Traversée de Paris. Mais la production mise sur pied, le projet doit s’arrêter deux ans à la suite d’une « panne sèche » (Aurenche).
Ni le trio d’auteurs ni le producteur n’aiment la fin de la nouvelle, avec le meurtre soudain de Grandgil par Martin, mais personne n’a de solution de remplacement, jusqu’à ce qu’un fait réel (la rafle) raconté par hasard à Bost débloque la situation.
Lara et Bost penseront toujours que le film aurait dû s’arrêter au départ de Martin avec les otages. La seconde fin fut tournée quelques semaines plus tard à la gare de Lyon, à la demande «de ce gros con de Deutschmeister » (Autant-Lara, sic).
À la lecture du scénario, Marcel Aymé se montre réticent. En effet, explique Aurenche, ils avaient « gauchi le sujet » en noircissant Grandgil et en faisant de Martin une victime trop naïve. Il trouve également que Gabin est trop vieux pour le rôle.
En fait, Aurenche avait écrit les rôles pour Gabin – revenu au premier plan avec Touchez pas au grisbien (1954) – et Bourvil tandis qu’Autant-Lara souhaitait Yves Montand et Bernard Blier. Aurenche avoue avoir menti à Montand pour l’écarter. Gabin ne trouve pas Grandgil « assez sympathique », que c’est un «salaud », « un agent provocateur », mais se laisse convaincre.
Le choix de Bourvil n’est pas évident en 1955-1956. Fantaisiste de cabaret né en 1917, il a débuté au cinéma en 1945 avec La Ferme du pendu, « mélodrame paysan » où, chanteur de noce, il interprète une chanson au succès retentissant, Les Crayons...
« L’imbécile heureux, voilà mon emploi », expliquera-t-il toujours, même si son plus gros succès personnel s’intitule Pas si bête(1947) !
Marcel Aymé l’a détesté dans l’adaptation du Passe Muraille en 1951 et voit dans ce choix une dérive inévitable vers la « grosse guignolade ». Il menace de retirer son nom, mais après avoir vu le film, il revient sur son jugement tant sur l’adaptation que sur l’acteur, « tout à fait remarquable ».
Le décor fait la mise en scène : analyse d’une séquence
Il est évidemment impossible de tourner la nuit dans Paris en 1956 dans une quinzaine de rues et quartiers en rendant l’atmosphère visuelle de l’Occupation. Le film se tourne donc en studio, à Franstudio (Saint-Maurice), du 7 avril au 9 juin 1956. Max Douy travaille, pour les extérieurs, en « perspective forcée», c’est-à-dire que « des silhouettes en contre-plaqué découpé représentant les divers quartiers […], peintes en gris foncé, presque noir » se détachent sur des fonds de ciel peints en gris foncé ».
Les scènes sont éclairées par les réverbères réglés à une puissance correspondant à celle autorisée par la défense passive en 1943. À sa sortie, La Traversée de Paris est au quatrième rang des fréquentations en France pour l’année 1956, avec 4 893 174 entrées, devancé par des superproductions : Michel Strogoff, Guerre et paix et Notre-Dame de Paris. Bourvil est primé à Venise et le film par le Syndicat de la Critique, ex æquo avec Un condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson, un des « auteurs » de Truffaut !
Le Paris d’autrefois vu par Patrick: « LA TRAVERSÉE DE PARIS » de Claude Autant-Lara (1956)
Texte : extraits de transmettrelecinema.com
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Il a été dit que Gen Paul avait servi de modèle pour Grandgil. C’est possible dans la mesure où Marcel Aymé l’avait fréquenté.
Suite a mon precedent message,je n avais pas lu tout le texte et ai signale donc les 2 fins.Desole.
A signaler quand meme la parodie et hommage respectueux a Marcel Ayme du livre d Alain Sanders « Le porc clandestin » ou 2 fds dans un avenir proche et sous occupation musulmane,transportent,au peril de leur vie,de la bidoche de porc dans une valise.
Je precise que ce roman n est evidemment que pure fantaisie.
Magnifique film !
Avec la fameuse replique « Salauds de pauvres ! » Lancee par Gabin.
A noter que la tv francaise a diffuse 2 fins de ce film : l une diffusee aux Dossiers de l Ecran » ou Gabin est embarque par les allemands vers un camp et le film s arrete la.
L autre,diffusee des annees plus tard, ,commandee par le producteur et contre l avis de Claude Autant Lara,avec une fin moins noire ou Gabin et Bourvil se rencontrent par hasard ,apres la guerre dans une gare de Paris.
Je prefere la premiere version qui me semble davantage refleter l esprit de Marcel Ayme.
La Traversée de Paris de Claude Autan Lara tiré du livre de Marcel Aymé publié en 1947 et magnifiquement interprétés par Bourvil, Jean Gabin l’acteur de Touchez pas au Grisbi, Quai des Brumes avec Michèle Morgan en 1937 , la Saga des Maigret, le Cave se Rebiffe en 1960 , Louis de Funès disparu en 1983 décrit parfaitement l’ambiance du Paris sous l’occupation Allemande de 1940 à 1944 avec la libération de la capitale où les restrictions en tout genre, la terreur imposer par la Gestapo, la Milice et les collabos Gauchistes et la débrouille pour les Parisiens qui résistent à l’occupant Allemand qui impose ses quatre volontés aux Français qui refusent la défaite et qui combattent les ennemis de la France. Ce Film a été réalisé en 1956 en pleine guerre d’Algérie où la France après le désastre de l’Indochine essayait de conserver l’Algérie au sein de la France mais ce film raconte bien une période sombre de notre histoire qui doivent être remise au goût du jour sans idéologie d’extrême gauche Anti Française !
Merci, Jules Ferry, pour cette belle rétrospective. Un de mes films préférés. Avec aussi, mais plus récent, Au bon beurre. Époque troublée où certains s’enrichissaient sur la faim de leurs compatriotes. Des collabos de la fourchette. Il n’y a jamais eu autant de résistants qu’à la Libération.
Argo, le téléfilm au bon beurre avec Roger Hanin est bien supérieur, d’après moi au film de Lara, le cynisme des gens et la mauvaise fois y sont mis en avant et il est sans doute plus réaliste, bien que je suis trop jeune pour avoir connu cette époque, mais le comportement de certains citoyens lors de la pandémie nous donne un bel exemple sur ce que cela devait être.
En gros, jusqu’en juin 1944, il y eut en France métropolitaine, pour 39 millions d’habitants, 20 à 25.000 résistants, répartis en divers groupes parfois antagonistes (avec les trahisons que l’on connaît), dont CND Castille de Paris en Normandie et d’autres. Et en face, il y eut 20.000 miliciens, dont 3000 francs gardes. La liste des miliciens a disparu à Nancy lors de leur fuite. Quant aux résistants de la 25 ème heure, ceux qui ont tondu, le nombre est monté jusqu’à 100.000, voire plus. En dehors de la milice, des vrais collabos bien mouillés ont filé en Espagne, en Irlande, en Amérique du sud, puis ont été petit à petit amnistiés, les dernières amnistiés datant de Pompidou et ayant permis aux personnages de revenir militer en douce dans certaines régions.
Merci lucas pour ces précisions, cela confirme les renseignements que j’ai glané de droite et de gauche. Bonne soirée.
De rien, vraiment.
J’ai été éberlué en 2003 quand j’ai appris grâce à Françoise Morvan (auteur de le monde comme si), de Rostrenen, qui tient un blog à son nom et participe à un autre : le grib, que le breton diwan enseigné actuellement avait été mis en place en 1941 par le sonderführer Léo Weissgerber, alors qu’il était annoncé que son auteur était Louis Némo alias Roparz Hemon, en place sous l’occupation puis blanchi par les instances, comme beaucoup d’autres. Ça a poussé à se méfier de ce qu’on disait et à qui on parlait.
Bonjour,
Mona Ozouf, pourtant anti-jacobine, raconte, dans ses livres, que son père était militant breton et d’extrême-gauche, avant-guerre, période où il décède.
Mais, elle explique que tous les camarades militants de son père sont passés à la Collaboration la plus féroce après l’invasion allemande.
Bonjour,
Mon neveu était passionné par le film.
Je l’avais enmené au 45 rue Poliveau : il était fou :=)
Comme d’habitude dans le cinéma Français de cette époque le cinéma sert les acteurs et leurs carrières et non l’inverse. On peut trouver ces films plaisants, mais ceux qui ont lus les nouvelles de Marcel Aymé trouveront « la traversée de Paris » et aussi « garou garou passe muraille » insipides face à leurs pendants littéraires dont les parties les plus importantes ont été changées. Il est évident que l’on doit faire des coupes et des adaptations pour passer du livre au film mais de là à en perdre l’essence… bref, des scénarios écrits pour la gloire d’ acteurs incapables de jouer autre chose que leurs propres rôles. Lisez Marcel Aymé!