Petit conseil de lecture de vacances, à lire à la plage (mais si vous commencez vous ne pourrez plus quitter le roman, à pied, à cheval, au lit….)
« Affûté comme jamais, Bernard Minier montre un pays au bord de l’implosion ! »
Bruno Corty, Le Figaro Littéraire
« Dès les premières pages, il nous plonge dans les dérives de notre époque. »
Sandrine Bajos, Le Parisien
Le livre ci-dessus est sorti en février 2022, hallucinante ressemblance avec ce que nous venons de vivre
J’aime beaucoup l’écrivain Bernard Minier, dont je vous ai déjà présenté un extrait lors des coups de coeur dominicaux, c’était, alors, un message de fervent espoir en la vie.
Aujourd’hui, du même auteur, dans la même série « Martin Servaz » du nom du policier qui mène les enquêtes, nous faisant haleter pendant ses enquêtes et pour sa propre vie privée souvent intimement mêlées, un extrait tellement criant de vérité, d’actualité,que j’ai eu envie de partager avec vous cette rencontre.
Nous ne sommes plus ici dans la philosophie d’Epicure ni dans la magie du baroque, nous sommes dans un simple roman policier, bien écrit, bien ficelé, haletant, avec des personnages hauts en couleur. Et Minier est d’un professionnalisme incroyable, passant des mois à enquêter, à se renseigner sur les métiers, les villes, les coutumes, la musique, la peinture… Pour Glacé il avoue avoir visionné plus de 200 films d’horreur ! Ses romans sont d’une précision incroyable. (Je suis en train d’en lire un (qui n’appartient pas au cycle Servaz) qui se passe aux Etats-Unis, on a un luxe de détails historiques, géographiques… hallucinant).
De l’action, des personnages attachants, des fous, des pervers, des passionnés, des monstres, … oui, à gogo, mais rien à voir avec les horreurs d’un Stephen King ; vous n’aurez pas peur de vous endormir seul dans une maison isolée après avoir lu Minier !
L’extrait ci-dessous est tellement ressemblant à ce que nous venons de vivre qu’il m’a semblé opportun de le partager avec vous.
Naturellement, dans ce passage Minier ne parle pas de l’islam, de l’immigration, il donne le sentiment de plaindre ces gens « qui n’auraient rien à perdre vivant là où l’architecture est criminogène » sans évoquer les générations de Français qui ont vécu en HLM des décennies sans tomber dans le trafic de drogue, la violence, les émeutes… Je ne sais pas ce qu’il pense vraiment mais il donne régulièrement la parole à d’autres, policiers notamment qui tiennent plutôt notre discours. Convictions ? Prudence ? Vous lirez ci-dessous une interview du maître es thriller.
[…]
Je veux divertir, tenir en haleine, mais je veux aussi parler de notre société de plus en plus déchirée, fracturée, violente, incapable de dialoguer. L’auteur ne trouve pas la matière de son histoire dans la pure imagination mais dans la réalité qu’il prolonge, transcende, sublime.
Martin Servaz, mon personnage fétiche, est un policier. S’il était plombier, je raconterais des histoires de tuyaux… Je n’élude rien, ni le comportement criminel de certains flics, ni les terribles difficultés de ce métier aujourd’hui : agressions jusqu’au domicile et dans les commissariats, insultes, menaces de mort, 20 000 policiers blessés, 26 tués, le corps de métier comptant le plus fort taux de suicide avec les agriculteurs, la haine en face à chaque manif, la justice qui ne suit plus et aussi, bien sûr, les bavures… On leur demande d’être des surhommes, d’être froids, de ne pas réagir, de tout encaisser, de rester neutres malgré tout ce qu’ils prennent dans la figure. C’est impossible, bien sûr. Quel être humain en serait capable ?
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Toutes proportions gardées évidemment, c’est un peu l’opposition entre « la théorie de la littérature » selon Flaubert, qui suppose la disparition totale du narrateur, et celle selon Balzac, qui n’empêche pas l’auteur d’apparaître, de déborder dans ses pages avec ses colères, ses orages, ses théories sociales.
Toutes proportions gardées, je le répète, il y a des moments, la plupart du temps, où je suis flaubertien, où je disparais complètement derrière mes personnages, où leurs points de vue sont donc les leurs et pas les miens, et d’autres, beaucoup plus rares, où je suis un peu balzacien, où je laisse apparaître quelque chose de la pensée de l’auteur. Et ça, peut-être est-ce nouveau.
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https://gruznamur.com/2021/05/09/interview-1-livre-en-5-questions-la-chasse-bernard-minier/
Commentaire d’une internaute sous l’interview
Quelle intelligence dans le propos ! Il était passionnant dans l’émission d’Augustin Trapenard et sur la même dans cette interview : divertir oui mais pas n’importe comment et avec du fond ! Seuls ceux qui parlent de notre société et de ce qui s’y passe resteront des références en laissant ces témoignages du passé.
Peu importe ce que pense Minier, le résultat est exceptionnel. Régalez-vous.
Si décidément Minier vous interpelle, vous intéresse, emmenez-le en vacances. Le premier de la série Servaz est Glacé. Ensuite il faut lire dans l’ordre sauf à ne plus rien comprendre à la vie privée de Martin :
Le cercle, N’éteins pas la lumière, Nuit, Soeurs, La vallée, Chasse, Oeil dans la nuit… et attendre le suivant !
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Je respecte cette passion pour le genre policier. Je n’en lis pas et n’en regarde pas non plus. Je pense que ce genre joue un rôle important dans la passivité de la population face à la délinquance et au terrorisme, « tenus à distance » par l’habitude de la fiction. Le gouvernement veut interdire la pornographie sous prétexte de protéger les mineurs ; il ferait mieux de commencer par interdire la banalisation de la représentation du crime et du sang dans les fictions, dont les jeux vidéos!
Bonjour,
Je pense exactement le contraire.
Le roman policier, par la répulsion du crime qu’il engendre, apprend la morale.
Pas du tout d’accord, le policier est un genre respectable. Et si on commence à vouloir interdire représentation du crime etc dans les livres, les jeux videos.. on est sur le chemin du Meilleur des mondes et de 1984. Le gouvernement n’attend que cela pour nous restreindre toutes nos libertés.
Merci pour ces idées de lecture, madame l’agrégé de lettres ! Et pour la résurrection éphémère de cette espèce disparue en France (mais pas en Espagne ni en Allemagne) : l’imparfait du subjonctif.
Quand la réalité rejoint la fiction et menace de la dépasser.