Les amours de Jean Gabin et de Marlène Dietrich en Eure-et-Loir

   Jean Gabin a éprouvé un véritable coup de cœur pour un petit village de l’Eure-et-Loir, Sainte-Gemme-Moronval, petite localité située dans le Drouais. Ce petit bourg a abrité les amours de l’acteur avec Marlène Dietrich, héroïne de l‘Ange bleu. 
   Gabin avait acquis une propriété dans cette commune dès 1938, composée d’un vaste prieuré, que les gens du cru appelaient le château, avec une chapelle, un parc arboré,  et plusieurs hectares de terre. Dans son enfance, à Mériel sur les bords de l’Oise, il rêvait de posséder une ferme et de résider à la campagne. Il pensait faire l’élevage des chevaux à Sainte-Gemme, mais la guerre différera ce projet. 
   Arrive la défaite et l’Occupation. Gabin refuse d’être enrôlé par les studios de la Continental Films, financée par les Allemands. Il part pour les États-Unis. Il pense y retrouver Michèle Morgan dont il est amoureux.  Dietrich et Gabin se rencontrent à Hollywood dès 1941. Il s’installe avec elle dans une villa qui leur est louée par Greta Garbo, puis dans une villa de Beverly Hills, au 1016 Cove Way. 
   Il tourne quelques films, dont  La Péniche de l’amour, et l’Imposteur de Julien Duvivier qui s’est réfugié aux USA lui aussi. L’acteur n’apprécie pas trop l’atmosphère qui règne à Beverly. En avril 1943, il s’engage dans les forces françaises combattantes .  
    Il est  d’abord canonnier sur le pétrolier militaire Elorn, puis à sa demande   devient conducteur de char dans la division Leclerc après avoir été instructeur. Il ira ainsi de la libération de la poche de Royan au nid d’aigle d’Hitler à Berchtesgaden. Pendant ce temps, Marlène s’est engagée dans l’United Service Organizations, service artistique de l’armée américaine.  
  À la Libération,  ils se retrouvent et partent pour le château de Sainte-Gemme-Moronval. Marlène se rappelle un petit coin de la campagne française que l’on rejoint par des petites routes délicieuses qui se tortillent et semblent avoir été faites pour qu’à loisir on puisse admirer le paysage ( dans récit publié par Cinévie). 
   Hélas, la guerre est passée par là. Les Allemands avaient installé une  Kommandantur au prieuré. Les lieux sont dégradés. L’Occupant y a même érigé un théâtre orné d’une croix gammée.  Gabin fait raser les lieux et fait construire une gentilhommière qui existe toujours, avec des dépendances.  Le temps de la reconstruction, ils logent dans une propriété que Gabin acquiert, le Vigneret, du nom d’un cheval de course  que  l’acteur possédait. Aujourd’hui, cette propriété est devenue une maison d’hôtes. L’écurie du pur -sang  est toujours là, mais transformée en appartement. La chambre des deux monstres sacrés aussi, mais refaite, comme on peut s’en douter. 
 
 Ils menèrent   quelque temps une vie simple, tranquille. Promenades, bonnes tables des environs. Marlène se baigne dans l’Eure en bikini blanc, bikini qui fit sensation à l’époque. Gabin, lui, va jouer au billard à l’auberge de l’Escapade, modeste établissement de campagne jouxtant une épicerie. Il s’implique dans la vie de la commune et y crée même une société de chasse. Il figure en compagnie de ses amis chasseurs sur une photo devant l’Escapade. Les deux amoureux ne quittent ce havre de paix que pour aller tourner Martin Roumagnac, un film au succès mitigé. Ils se séparent à l’issue du tournage. 
    Jean Gabin vendra tous ses biens de Sainte-Gemme en 1950  pour s’installer dans l’Orne. Le milliardaire Paul Weisweiller acquiert la gentilhommière. Il la met à  la disposition de Paul Reynaud, ancien président du Conseil, qui viendra y passer des vacances. Les habitants du village de l’époque ont pu le voir en train de faire son footing quotidien. 
   L’Escapade est devenue ensuite une table réputée, et a vu passer Henri Tisot, Laurent Voulzy, Chantal Goya et J-J Debout. Des scènes du film Jaloux comme un tigre, avec Darry Cowl et Dany Saval (épouse de Michel Drucker), ont été tournées à l’auberge. Cet établissement a fermé faute d’un repreneur. 
   Un peu plus loin, dans la petite localité de Cherisy, à quelques centaines de mètres de Sainte-Gemme, Victor Hugo, parti de Paris à pied pour rejoindre Adèle Foucher  alors en vacances à Dreux,  fait halte au bord de l’eau, se rafraîchit. Il écrira Ode au vallon de Chérizy (orthographe de l’époque).  Autre épisode, moins bucolique  celui-là, Seznec et Quéméneur passent  à Cherisy pour rejoindre Houdan au volant de la mythique Cadillac.  On ne reverra plus le conseiller général du canton de Sizun. 
 
  Je suis passé à Sainte-Gemme-Moronval, je me suis arrêté devant les propriétés de Jean Gabin. Les années ont passé. Les deux acteurs sont partis pour un monde qu’on leur souhaite meilleur.  Lorsque le soleil descend sur l’horizon , lorsque les ombres s’allongent, il me plaît  à penser que leur esprit revient sur les lieux où ils ont pour un temps aimé la vie et où ils se sont aimés. Peut-être peut-on entendre certains soirs le bruit des boules de billard s’entrechoquant dans l’auberge déserte lorsque Gabin jouait en compagnie de ses amis, le reflet de Marlène dans l’eau de la rivière, le hennissement de Vigneret quand son maître s’occupait de lui. Des images familières, la beauté de la vie et du temps qui passe.
Argo

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10 Comments

  1. Emouvante evocation de Jean Gabin et indirestement de la vie des habitants et du charme (passse?) de leur region.

  2. Merci pour cet article.
    Concernant les films de l apres guerre :
    Outre « Le cave se rebiffe » tres drole et a re habilite ( N en deplaise aux critiques bobos), j ai beaucoup aime,dans un registre dramatique,  » Le chat » : film terrible sur la vieillesse et les dechirements d un couple.

  3. Même quand Gabin avait des rôles drôles il forçait mon respect en plus de mon admiration (Les Vieux de la Vieille).

    Ma belle-mère a failli appeler sa fille Marlène. Mon épouse aurait bien aimé…

    J’ai regardé sur internet, l’Escapade est définitivement fermée depuis 2021. Encore un petit bout d’Histoire qui s’est envolé.

    Je suis passionné de locomotives à vapeur, et j’ai dû me passer un milliard de fois « La Bête Humaine » avec Gabin/Jacques Lantier et Simone Simon.

    Merci Argo.

  4. Quelle belle époque ! Jean Gabin Marlène Dietrich quelle belle histoire d’amour !

  5. Merci Argo pour cet article. J’étais un grand admirateur de Jean Gabin, un de ces formidables acteurs comme, je crois, on en trouve plus…

  6. Ah vraiment merci !!! j’avais oublié que c’était un beau couple !!!

  7. Merci, Argo, pour ce voyage dans le passé. J’étais à Berlin quand Marlène est morte. Les tabloïds passaient les vilaines photos de la fin, une vraie saloperie. Les teutons ont toujours eu une dent contre elle qui aimait tant la France.

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