L’ex brillantissime industrie européenne étranglée par des factures d’énergie exorbitantes

…sans oublier les  montagnes de bureaucratie !

BASF est une entreprise allemande, mais elle est en fait plus ancienne que l’Allemagne elle-même. Fondée en 1865, elle a six ans de plus que l’État allemand, qui n’a été unifié qu’en 1871. À bien des égards, BASF reflète l’ingéniosité de l’économie européenne au XIXème siècle, et constitue donc un point de départ approprié pour prendre la mesure du Vieux Continent et de la direction qu’il pourrait prendre au 21e siècle.

L’Occident est parvenu à dominer le monde entre le XVIème et le XVIIIème siècle. Pourtant, un examen plus approfondi de ces 300 années révèle qu’elles ont été marquées par la guerre, la corruption et l’agitation. Cette période a également été marquée par l’assassinat de plusieurs présidents américains, la guerre civile américaine, l’assassinat du tsar Alexandre II de Russie et des conflits sociaux généralisés. (Note de C.Tasin : sans parler de la décapitation du roi d’Angleterre Charles 1er et de la révolution qui a suivi avec Cromwell à sa tête ni de celle de Louis XVI).)

Malgré tout cela, c’est une période d’amélioration générale. Les populations augmentent, la production s’accroît et l’innovation est présente presque partout.

Michael Faraday a découvert l’induction magnétique en 1831. Justus von Liebig a documenté le métabolisme des plantes en 1840. James Clerk Maxwell a publié sa description de l’électromagnétisme en 1865. En 30 ans, l’humanité a acquis une compréhension du monde physique nécessaire à la production d’électricité, aux engrais artificiels et à la communication sans fil.

Cela a été rendu possible par l’allongement de la durée de vie et de la capacité de production de la ressource la plus importante de toutes : les êtres humains. Au fur et à mesure que la médecine et les normes d’hygiène progressaient, l’espérance de vie et le taux de natalité augmentaient.

Alors que la population augmente et que les terres agricoles utilisables commencent à devenir une ressource rare, c’est une entreprise allemande qui vient à la rescousse. Fritz Haber, Robert Le Rossignol et Carl Bosch ont été financés par BASF pour jeter les bases de la production d’engrais artificiels. L‘essor du « procédé Haber-Bosch » au début du XXe siècle a permis à l’industrie agricole de nourrir une population mondiale en constante augmentation.

L’Europe était autrefois la plaque tournante de ce type d’innovation et de développement. Alors pourquoi tant de géants industriels délocalisent-ils leur production ? Aujourd’hui, BASF et l’industrie chimique allemande, autrefois appréciée, ne sont pas les seuls à quitter l’Europe. Le constructeur automobile Volkswagen a également annoncé récemment que l’essentiel de sa future production de véhicules électriques serait transféré d’Allemagne aux États-Unis.

Et ce n’est pas seulement l’Europe qui est en difficulté. En ce moment, les États-Unis tentent frénétiquement de réduire leur dépendance à l’égard de l’Asie, mais découvrent que, après avoir négligé leur base industrielle pendant des décennies, ils ne disposent pas de la main-d’œuvre qualifiée nécessaire pour délocaliser la production.

À première vue, l’Europe et les États-Unis semblent toujours être les économies les plus redoutables du monde à l’heure actuelle. Mais la Chine semblait également inattaquable au XVIème siècle, avant son déclin. La plupart des tendances économiques ne sont plus en faveur de l’Occident.

Prenez la production d’énergie. De la Californie à Copenhague, les consommateurs doivent faire face à des prix de l’électricité élevés. Et pour ne rien arranger, des institutions gouvernementales comme la Commission de réglementation nucléaire américaine ferment des centrales nucléaires partout où elles le peuvent. Entre-temps, l’année dernière, les Émirats arabes unis, généralement considérés comme un État pétrolier, ont terminé la construction de leur troisième réacteur nucléaire en dix ans.

Qu’en est-il des énergies renouvelables, si souvent présentées comme la solution au changement climatique et à la flambée des prix de l’énergie ? Même en mettant de côté les pièges de l’énergie éolienne et solaire, comme leur intermittence inhérente, les nouvelles centrales ne sont pas construites au rythme nécessaire pour alimenter nos sociétés. Pour construire un parc éolien au large des côtes du Norfolk, au Royaume-Uni, le promoteur Boreas a dû publier une évaluation des incidences sur l’environnement de 13 275 pages. Cela représente « 144 pages de plus que les œuvres complètes de Tolstoï combinées à l’opus en sept volumes de Proust, À la recherche du temps perdu », selon Sam Dumitriu de Britain Remade. Pour atteindre ses objectifs de transition énergétique en 2030, l’Allemagne devrait installer l’équivalent de 43 terrains de football de panneaux solaires et de 1 600 pompes à chaleur par jour, ainsi que 27 nouveaux parcs éoliens terrestres et quatre parcs éoliens offshore par semaine. Inutile de dire que rien de tout cela n’est en train de se produire.

L’Occident se fait de plus en plus d’illusions. On nous fait croire que les Green New Deals et les innovations miracles en matière de technologie de stockage des batteries vont résoudre tous nos problèmes. Si nos sociétés possédaient encore la vitalité de leurs prédécesseurs du XIXème siècle, je pourrais probablement être convaincu de le croire. Mais ce n’est tout simplement pas le cas.

Il n’y a pas de moments parfaits dans l’histoire d’une civilisation, seulement des périodes qui apparaissent comme telles avec le recul. La question centrale que doivent se poser les dirigeants de chaque nation est de savoir s’ils gèrent le déclin ou l’ascension. Il est clair qu’une grande partie de l’Europe se dirige vers cette voie.

Ralph Schoellhammer est professeur adjoint en économie et en sciences politiques à l’université Webster de Vienne.

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