Il n’y a pas de montre sur le tableau de bord de mon taxi, une vieille Peugeot qui a dû accomplir deux fois le tour de la terre en kilomètres. Ou trois. Qu’importe, la bagnole file bon train et sillonne sans anicroches les rues de Paris, les grands boulevards et certains coins reculés de la grande banlieue.
Taxi de nuit à Paris, aventure particulière.
A moins d’une heure me semble t il de terminer ma nuit, je lâche un client sur le boulevard Sébastopol. Je regarde ma montre. Parfait. J’enquille vers la rue Saint Denis, la rue des tapins. A cette heure, certaines baissent le rideau et c’est souvent une aubaine pour un taxi. Grande course. Belle créature. Belle fin de journée.
Je prends la rue Étienne Marcel et de suite à droite la petite rue Saint Denis. Mes horaires collent avec celui des belles de nuit. Sur les trois quatre heures du mat, bon nombre d’entre elles veut rentrer se coucher. Seules !
Sur le trottoir de droite je repère un jolie brune qui vient d’émerger d’un porche, les yeux tournés dans la direction d’où je viens. Elle voit mon taxi. Me hèle d’un bras levé. C’est l’été. Nuit d’été. Elle est légèrement habillée et semble très élégante. Me rapprochant je le constate. C’est une beauté. Veinard !
J’ai le regard vissé au rétroviseur, pendant qu’elle monte, claque la porte et s’installe confortablement d’une délicieuse ondulation du corps. Ses yeux, enfin, rencontrent les miens. Pendant qu’elle s’ajuste sur la banquette arrière, j’ai déjà commencé à glisser de l’avant sans encore la quitter du regard. Elle m’envoie un nom de grande banlieue, puis celui d’une rue, mais je vous dirai ajoute t elle. D’accord, dis je à mon tour.
Je réfléchis quelques secondes et m’ apprête, première, deuxième, à tourner à gauche vers les Halles. Je sais. Je sais ou aller.
Une année de taxi, mais je commence à bien connaître Paris et de nombreuses banlieues. Je vais loin. C’est une belle course, une grande ! Celle qu’espèrent tous les taxis de nuit… La circulation est assez fluide. Il n’est pas encore cinq heures, Paris ne s’éveille pas…
Je lance des regards furtifs dans le rétroviseur et remarque au bout d’un certain temps qu’elle ne baisse pas les yeux, ne semble pas gênée par mes coups d’œil rapides.
-Je peux vous parler demande-t-elle ? Vous avez l’air très sympathique. Et ce n’est pas toujours le cas.
-Bien sûr, avec plaisir
Pendant que se déroule une bonne portion de boulevard périphérique.
-Vous savez ce que je fais ! Mon métier !
-Bien sûr. Je sais.
-Ce n’est pas toujours facile…
Je l’ai longuement, silencieusement, laissée parler. Une gourmandise rare.
-Je suis spécialisée continue t elle et je suis connue pour ma spécialité. Mon métier consiste à humilier des gens qui me payent, cher, pour ça ! J’ai aussi une clientèle classique avec laquelle les choses se passent plus simplement. Je leur donne du plaisir, ça les soulage, ce sont des gens normaux, ordinaires..
-Comme moi, avançai-je ?
-Presque comme vous, mais vous vous n’êtes pas ordinaire, je le sens. Et elle sourit
-Les clients qui viennent pour mes services spéciaux, mes sévices ajoute t elle avec un petit rictus, ne sont pas des gens ordinaires. Ils sont riches ou puissants ou connus ou célèbres. Le gratin quoi !
-Je n’en crois ni mes yeux, ni mes oreilles. C’est comme si l’action, la scène se déroulait dans une autre dimension.
-Je ne vous connais pas mais mon instinct de femme me dit que vous n’êtes pas comme tout le monde. Tout ce que je vais vous dire est vrai.
-Je sais !
-Ces personnes, essentiellement des hommes, passent à la télévision. Ils se montrent, ils viennent se montrer comme des figures, des exemples. Ils donnent des leçons de savoir vivre, ils prétendent, ils affectent, ils ambitionnent, ils se targuent de… Ou ce sont des politiciens au pouvoir,de grands journalistes, toutes sortes de célébrités des acteurs, des artistes renommés. Dont les noms sont prononcés, cités chaque jour à la radio, à la télé, dans les journaux… Ces gens qui nous guident, nous contrôlent, nous écrasent…
-Ces tordus me demandent de les humilier. De les rabaisser, de leur faire mal parfois. Je les attache, les ligote, les bâillonne, les fouette, les insulte, certains veulent que je leur pisse dessus. Il m’est même arrivé de chier sur l’un d’entre eux. Certains bandent à peine. Comment vous appelez vous ?
-Francis.
-Ils me payent très cher, Francis, et quand j’achète quelque chose à mon fils, c’est avec cet argent que je le fais…
Nos yeux se sont rencontrés mille fois lors de ce périple. Je suis subjugué par cette situation. Cette femme, belle, la main droite sur l’accoudoir de la porte me déroule la liste des insanités qui sont au cœur de son métier. Cette confidence qui nous unit le temps d’une course en taxi est d’une intensité presque spirituelle.
Elle a tout lâché et c’est un visage paisible qui devient silencieux, un léger sourire sur le contour des lèvres, qu’elle continue à échanger ses regards contre les miens
C’est en silence que nous sommes parvenus à la fin du trajet. Je crois que nous nous sommes remerciés pour la même raison. En plus de cette belle dernière course, elle m’a gratifié d’un très beau pourboire et en ouvrant la porte, se retournant une dernière fois m’a dit « Je viens de passer un très beau moment avec vous Francis ! »
Moi aussi. Bonne nuit ! Un regard qui n’a pas donné son nom !
Première, deuxième, troisième, direction ma rue De Clichy !
Depuis, je n’encaisse plus de voir s’exprimer le nombre grandissant des parangons, tous ces insupportable donneurs de leçons. La lie de l’humanité, c’est eux !
PACO. 09/01/2023.
P.S. Pardon ? Oui, histoire vraie !
https://crowdbunker.com/v/6FrZgA0wtV
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http://echelledejacob.blogspot.com/2023/01/nous-sommes-dans-labsurde-dans-un.html
http://echelledejacob.blogspot.com/2023/01/effets-indesirables-vaccins-quelles.html
ETC ETC ETC
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» La rue St Denis, la nuit, c’est la campagne avec ses nids… »
Poème de je ne sais plus qui…
De Norge, peut-être.
« Non ennemis politiques sont tous des dégénérés sexuels ».
Rien de nouveau sous le soleil dans cet amphigouri du Paco.
De ces pathologies sexuelles, quelle analyse font les psys de service ?
Les psys, je ne sais pas, les gens ordinaires pensent simplement que Paco fabule sur ses obsessions.
Une histoire très édifiante dont on peut vérifier chaque jour l’exactitude quand on voit cette bande de politicards, d’artistes, de journaleux, de hauts fonctionnaires et autres zombies qui viennent nous donner des leçons dénuées de tout bon sens sur tous les aspects de notre vie et qui sont pris la main dans le sac en train de faire tout le contraire de ce qu’ils prônent. Le « faites ce que je dis et pas ce que je fais » est devenu le quotidien de cette bande d’ordures qui se prennent pour « l’élite » et qui ne sont qu’une bande de charognes égoïstes et malfaisantes
Magnifique récit où j’ai appris des choses qui finalement m’ont qu’a moitie surprises , il n’y a vraiment pas de limite a la honte dans le haut du panier et ce sont les neurones de ce monde là qui gèrent nos vie , je deviens dépressif !
C’était le but du narratif ! Non il n’ont pas de limites. Enfin… pas les nôtres. J’en ai une autre sous le coude de nouvelle. Copieuse elle aussi. Pour une autre fois.
Terrible morale de l’histoire, sur les puissants et leurs vices. Ce conte vaut tous les discours du monde.
« Le taxi de nuit », superbe chanson de l’excellent Guy Marchand.
– « Dans ma DS, ma vieille DS, je fais le taxi de nuit…🎶🎵… »
Rue Saint-Denis. J’habitais juste en face de l’hôpital Saint-Louis, là où ces dames, raflées par la police, venaient subir des examens prophylactiques. Après, elles repartaient en taxi, en traitant de pédés ceux qui ne voulaient pas les prendre. Je me souviens avoir donné une cigarette à une de ces dames à cours de nicotine. Pour me remercier, elle m’avait laissé son numéro de téléphone au cas où… Quand j’ai raconté ça à ma petite amie de l’époque, elle s’est bien marrée. Souvenirs souvenirs.Merci Paco. PS, je n’ai jamais fait appel à une de ces travailleuses, un de mes collègues l’a fait et a ramené chez lui un joli souvenir…Le mal de Naples… Il a été poivré…