En guise de bouteille à la mer: réflexions d’un psychothérapeute (4)

Homo Sapiens Sapiens ?

Les articles précédents ici :

https://resistancerepublicaine.com/2022/10/30/en-guise-de-bouteille-a-la-mer-reflexions-dun-psychotherapeute-1/

https://resistancerepublicaine.com/2022/11/02/en-guise-de-bouteille-a-la-mer-reflexions-dun-psychotherapeute-2eme-partie/

https://resistancerepublicaine.com/2022/11/04/en-guise-de-bouteille-a-la-mer-reflexions-dun-psychotherapeute-3/

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Dans la partie précédente, 4.“Conflits et image de soi“ je recherchais les raisons de nos peurs et de nos insécurités. D’où vient cette fausse image de soi et que peut-on faire?

5) L’image que nous avons de nous-même (image de soi)

Chacun de nous a une image de soi, de ce qu’il est, de sa personnalité. Cette image de soi s’est formée à travers les expériences de l’enfance, surtout au cours des 7 premières années.

Comme nous n’avons pas encore d’opinion arrêtée sur nous-mêmes dans cette phase de notre développement et que nous sommes très réceptifs à toutes les influences extérieures, nous acceptons inconsciemment les opinions des autres (parents, éducateurs, enseignants, pairs, etc…) à notre sujet.

Cela signifie que notre image de nous-même est fondamentalement une image que les autres (surtout ceux qui comptent pour nous: parents, enseignants, amis…) ont de nous.

Nous ne l’avons pas choisie volontairement, nous l’avons simplement adoptée et conservée au fil des ans sans en vérifier l’exactitude.

Presque toutes les personnes vivent donc avec une fausse image de soi, pour ainsi dire avec ce que d’autres pensaient que nous étions (parents, enseignants, amis…).

Le problème est que ce que nous faisons, comment nous nous comportons, ce que nous ressentons est guidé par notre fausse image de soi, notre fausse image de nous-même.

Par exemple, si nous nous sentons voués à l’échec, nous trouverons toujours inconsciemment des moyens d’échouer avec bien sûr des explications sophistiquées… Si nous pensons que nous n’avons pas de chance, la malchance nous suivra toujours comme par magie (cela a même été scientifiquement prouvé par le Dr Richard Wiseman « The Luck Factor: The Scientific Study of the Lucky Mind »)

Notre image de nous-même détermine notre comportement, ce que nous réalisons ou non, à quel point nous sommes heureux ou non. A la faculté des sciences de Nancy où j’étudiais, un camarade était persuadé d’être en fait dégénéré. Je ne sais pas d’où il tenait cela mais je me souviens à quel point il défendait cette conviction!!!

Ce qui est tragique dans notre condition c’est que nous nous identifions avec cette fausse image de nous-même et que nous la défendons „comme si notre vie en dépendait“

Je me souviendrai toujours avoir vu un spectacle du mime génial Marcel Marceau au kibboutz Degania, près du lac Tiberiade, en Israel. J’avais 12 ans. Le numero qui m’impressionna tant était celui où Marcel Marceau essaie plusieurs masques et prend successivement les expressions faciales correspondant à ces masques inventés (on dirait aujourd’hui virtuels).

Et tout d’un coup l’un de ces masques virtuels colle à son visage, si bien qu’il ne peut pas l’enlever. C’est là que le génie de Marcel Marceau se révéla car le masque continuait à exprimer la joie tandis que son corps exprimait l’inquiétude puis l’horreur et enfin la terreur. C’était tellement génial que je revois encore la scène 73 ans plus tard…

En tant que psychothérapeute je vois dans cette scène un symbole de notre tragédie: le masque de la joie ou du contentement que nous présentons aux autres (tout va bien, on ne peut pas se plaindre…) tandis que le corps représente notre intérieur, notre vrai moi, inquiet, parfois terrorisé à l’idée d’être rejeté et de ne pas être aimé. N’est-ce pas tragique de défendre un masque „comme si notre vie en dépendait“ ?

Heureusement, notre image de nous-même peut être changée. Il ne s’agit pas d’endosser une image de soi positive et artificielle (comme dans la « pensée positive »), mais de rejeter une image de soi négative et de créer ainsi un espace libre en nous pour permettre l’émergence de nos vrais sentiments, de nos capacités, de nos talents que nous avons tous!

Quel chemin peut-on suivre pour permettre cette évolution?

5.1) Comprendre et accepter que je ne sais pas vraiment qui je suis. Reconnaitre que j’ai vécu des années durant avec une image de moi acquise quand j’étais môme, dépendant des adultes et encore incapable de développer un esprit critique. Dans mes séminaires je commence par choquer mes participants en leur disant : „Vous ne savez pas vraiment qui vous êtes“

5.2) Je repars donc à zéro et ne me fie qu’aux expériences et aux réactions que je ressens:

Tiens, je me suis mis en colère avec X...Quelle blessure ancienne a-t-il bien pu réveiller et ainsi me faire mal…Tiens je me sens attiré par Y et j’aimerais la prendre dans mes bras. Me rappelle t-elle quelqu’un? Un ancien amour? Me donne-t-elle ce à quoi j’aspire sans pouvoir le décrire? Par exemple une joie de vivre que je ressens trop rarement?

5.3) prendre une attitude „Zen“ et accueillir ces expériences et mes réactions comme des informations vitales sur moi-même. Il n’y a pas de mauvaises expériences ! Il y a des expériences désagréables, c’est vrai mais chaque expérience est un cadeau du ciel car elle me donne des informations sur moi, sur ma manière de réagir, sur mes croyances, sur mes points sensibles (mes lignes rouges)

5.4) Je ne vous dis pas d’être constamment occupé à vous observer. Il suffit de réfléchir aux réactions intensives, aux émotions fortes que vous ressentez car celles-là peuvent beaucoup vous apprendre sur celui que vous êtes vraiment sous le masque que l’on vous a collé sur le visage

6) Egocentrisme du petit enfant

Attention! Je n’ai pas dit que le petit enfant est égoïste! Egocentrisme signifie tout ramener à soi, être au centre de l’univers et ne pas pouvoir imaginer que les autres pensent différemment, réagissent différemment et ont des conceptions totalement différentes de la vie, de la morale ou des valeurs humaines.

Exemple d’egocentrisme enfantin: J’avais peut-être 5 ans, nous étions dans le train de nuit et je voyais par la fenêtre la lune „qui nous suivait“. Impossible d’imaginer que la lune avait son existence propre, indépendamment de nous, de moi, et que sa vocation n’était pas de nous suivre…

Autre exemple, plus adulte cette fois: Une patiente me racontait la déception qu’elle avait eue avec une collègue et terminait, indignée, par ces mots: „Moi je ne ferais jamais cela!!!“

Je lui répondis: „Et alors? En quoi le fait que toi tu ne ferais jamais cela, est-il un argument pour qu’elle ne le fasse pas non plus?“

Je ne crois pas que cette patiente a compris ce que j’exprimais par là, que ses valeurs n’étaient pas une norme universelle. Cette patiente en était restée, comme nous tous, au stade egocentré du petit enfant qu’elle avait été.

Je dis bien comme nous tous ! Bagwan, ce gourou indien qui fut à la mode il y a quelques dizaines d’années et que je n’aimais d’ailleurs pas, avait pourtant raison quand il estimait l’âge moyen des gens, y compris nos dirigeants, présidents, chanceliers et ministres divers, à 4 ans.

Si nous en revenons aux conflits, dont nous parlions un peu plus haut, nous remarquerons que ces conflits tiennent, à la base, au fait de ne pas pouvoir (de ne pas vouloir?) imaginer que l’autre est fondamentalement autre.

Je n’arrive pas à te comprendre! Comment peux-tu penser des choses pareilles?“ nous indignons nous!

On est condamné à ne jamais rien comprendre aux problèmes humains, aux problèmes de couples ou aux crises inter-étatiques tant que l’on ne comprend pas notre grave incapacité à nous mettre à la place des autres! Cette incompréhension n’est pas irrémédiable mais elle est très largement répandue. Les Indiens avaient raison en préconisant de marcher trois jours dans les mocassins de la personne avec laquelle on a des problèmes, afin de se mettre dans sa peau.

Physiquement nous avons la possibilité d’être empathiques (L’empathie est la capacité de percevoir et ressentir ce qui se passe chez l’autre) car nous sommes équipés biologiquement de neurones miroirs qui nous font ressentir ce que l’autre ressent. Ainsi par exemple notre centre de la douleur est activé comme le sien quand il rate le clou et que le marteau atterrit sur son doigt. Physiquement rien ne s’est passé pour nous, mentalement nous souffrons comme si le marteau avait frappé notre doigt!

Nous sommes équipés biologiquement pour pouvoir être empathiques!

(À suivre)

Edmond le Tigre

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9 Comments

  1. Alors ça, c’est très vrai.
    On se balade avec une fausse personnalité que nous ont collée nos parents.
    Ensuite, on se dit,  » mais ce n’est pas moi ». Seulement ça prend du temps, on ne s’en aperçoit pas tout de suite, on remarque des petites choses qui ne correspondent pas à ce masque collé par d’autres. L’exemple du mime est très percutant, il choque l’imagination.
    Ce qui bloque la découverte du soi réel, c’est l’image que nos parents ont diffusée partout dans notre entourage, famille et amis. Cela demande de la persévérance pour se débarrasser du masque et convaincre les autres de notre véritable personnalité.

  2. J’essaie de me dire que je suis très chanceuse et que je vais gagner au loto mais ça n’a pas encore marché !

    • 1) Imagines que tu gagnes au loto
      2) Décris tout ce que tu ferais alors
      3) Fais-le
      4) La seule chose qui se mets en travers, c’est la peur. Le loto te donnes une pseudo sécurité

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