En complément de la vidéo d’hier de Pierre consacrée à Boualem Sansal, je retranscris ci-dessous son entretien paru dans « Le Figaro » de vendredi.
Comme le texte est un peu long, je l’ai scindé en deux parties.
GRAND ENTRETIEN – Réputé pour son indépendance d’esprit, l’écrivain algérien – dont l’œuvre connaît un grand succès dans plusieurs pays européens, et qui vit en Algérie malgré les menaces dont il est l’objet – analyse l’état du danger islamiste après la tentative d’assassinat perpétrée contre Salman Rushdie.
Auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages, Boualem Sansal a notamment publié Le Serment des barbares (Gallimard, 1999), Le Village de l’Allemand ou Le Journal des frères Schiller (Gallimard, 2008), couronné par quatre prix, 2084. La fin du monde (Gallimard, 2015), grand prix du roman de l’Académie française, et Le Train d’Erligen ou La Métamorphose de Dieu (Gallimard, 2019). Dernier roman paru: Abraham ou La Cinquième Alliance (Gallimard, coll. «Blanche», 2020).
LE FIGARO. – Plus de trente ans après avoir été visé par la fatwa de l’ayatollah Khomeyni, Rushdie a donc été rattrapé par l’islamisme. Cela vous étonne-t-il?
Boualem SANSAL. – Rien ne m’étonne, les islamistes ne se connaissent aucune limite.
Égorger un journaliste naïf dans une ambassade sur ordre du palais et le dissoudre dans l’acide dans une baignoire livrée à cet effet par valise diplomatique, c’est banal ; tuer toute la rédaction d’un journal pour des caricatures, c’est une amusette ; condamner, égorger, lapider, brûler, pendre, violer, torturer, défenestrer, c’est viril.
Voilà ce que l’islam/isme offre au monde.
S’il y a autre chose, je ne l’ai pas vu, désolé. Si quelque chose peut m’étonner chez eux, ce serait qu’ils restent une semaine entière sans ennuyer leur monde avec leurs fatwas, leurs débordements, leurs vociférations, et, pis que tout, avec leurs envolées lyriques à la télé sur la meilleure religion qui soit pour la meilleure des communautés.
Qu’est-ce que cela nous dit sur l’islamisme?
L’islamisme comme système de gouvernement par la charia et les châtiments corporels et comme instrument de conquête territoriale est encore dans l’enfance, il ne sait pas exploiter la pleine puissance de l’islam, la magie infinie de ses djinns et la geste exaltante de ses héros légendaires.
Il y a deux raisons à cela.
La première est que le monde musulman est très arriéré à tous les niveaux de la hiérarchie sociale, il n’a pas réussi à se constituer une élite autonome capable de penser et de repenser le monde.
Les plus avancés en sont encore à la récitation, à l’incantation, au blabla sur les mystères du Coran pour épater des publics déjà drogués, ou atteints de wokisme aigu.
On est loin des Averroès, Avicenne, Omar Khayyam, Khwarezmi, Ibn Khaldoun, qui disputaient avec les géants grecs Thalès, Platon, Aristote, Pythagore, Hippocrate, Démocrite, Ératosthène, Hypatie.
En France, ils sont en dessous de tout. Ne les comparons pas aux penseurs musulmans précités, des aigles de la stratosphère, on aurait le vertige.
À part occuper des sinécures royales et se repaître de fromages bien gras, président de ceci, grand imam de cela, avion en “First”, rond de serviette dans les meilleures tables, pantoufles de soie dans les palais de la République, et répéter jusqu’à plus soif l’antienne «l’islam religion de paix et d’amour», «l’islamisme n’est pas l’islam» et rivaliser de pédantisme scolaire, que font-ils de plus?
À quoi occupent-ils leurs journées?
Les Français aimeraient savoir où vont leurs impôts.
Il n’est pas normal qu’en France, en 2022, dans beaucoup de mosquées, on enseigne l’islam aux petits Français comme on l’enseigne dans les madrasas de Kaboul, qu’on désenvoûte les fillettes tous les 21 jours comme on le faisait au Moyen Âge et qu’ils viennent nous parler d’islam des Lumières à la télé comme leurs aïeux le faisaient à la cour du calife.
Qu’on ne vienne pas après coup se plaindre qu’il y a des radicalisés dans la couvée.
La deuxième raison est qu’il n’a pas réussi à réaliser son unité et reconstituer le califat, la seule organisation politico-religieuse à même d’exploiter la pleine puissance de l’islam et de l’imposer au monde conformément au plan divin.
C’est le grand projet de l’islamisme.
«Un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles: islamophobie», a écrit Rushdie dans son autobiographie, Joseph Anton. Avons-nous été aveugles depuis trente ans?
Oui, l’Occident n’a rien vu venir. Sa toute-puissance planétaire l’avait aveuglé.
Il avait en particulier sous-estimé deux peuples dans sa conquête réussie du monde, tant ils paraissaient soumis, chétifs, les musulmans et les Chinois ; aujourd’hui il en paie le prix.
Il n’a pas senti l’énergie potentielle du nombre, compris les soubresauts de l’histoire qu’il a provoqués, ni les mouvements indépendantistes, ni le formidable espoir levé par la création des Frères musulmans et d’autres confréries aussi pernicieuses, la gigantesque Jamaat e-tabligh (des dizaines de millions d’adeptes dans le monde) ou la petite Ahmadiya (qui n’en compte que 5 millions dans une centaine de pays) et celles très discrètes mais plus pernicieuses qui se disent au service de l’islam des Lumières, généralement fondées par des États musulmans et des organisations islamiques, l’Organisation de la coopération islamique (l’OCI), la Ligue islamique mondiale (LIM), et bien dotées en fonds inépuisables venus de richissimes donateurs.
Rétrospectivement, la fatwa semble avoir ouvert la voie au 11 Septembre, aux massacres perpétrés à Charlie Hebdo, à l’Hyper Cacher ou au Bataclan…
Les meurtres de masse en islam sont vieux comme l’islam et ne sont pas près de disparaître.
Le massacre des tribus juives de Médine et les guerres dites de l’apostasie ont été des monuments historiques dans la tuerie de masse.
On en a des récits hallucinants.
La chose s’est perpétuée et perdurera tant que l’islamisme n’aura pas réalisé son but, la domination mondiale.
Avec sa fatwa, Khomeyni a cassé un verrou fondamental.
En tant que religieux de haut rang, il avait autorité pour émettre une fatwa pour blasphème, mais en tant que chef d’État, il n’avait le droit de condamner personne, encore moins pour blasphème, la chose relevant de la justice seule. Khomeyni passe outre ces considérations, il émet la fatwa et charge l’État dont il est le chef de l’exécuter.
Il va plus loin, il enrôle tous les musulmans du monde comme exécuteurs du plan divin, moyennant une prime et la promesse d’aller au paradis.
Ça c’était nouveau, ça c’était révolutionnaire, c’était le début de la révolution universelle.
Il a ouvert la voie au pire, la sortie de l’ordre juridique consacré (la charia) et l’entrée dans l’ère de l’absolutisme.
Partout dans le monde musulman, les chefs d’État se sont engouffrés dans la voie ouverte par Khomeyni, ils condamnent maintenant pour blasphème, pour sacrilège mais en les appelant atteinte à la religion, en s’appuyant sur le fait que les Constitutions de ces pays disposent que l’islam est religion d’État.
Demain, la deuxième partie de l’entretien…
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Pourquoi appeler « petits Français » les enfants qui vont à l’école des mosquées ?
Boualem Sensal, c’est l’exception qui confirme la règle.
Inutile de s’emballer, il ne sera jamais suivi par les adeptes des imams.
Il y a eu , ici sur ce site, des tonnes d’encens jetées sur Zineb el Rhazaoui, et on a vu finalement la montagne accoucher d’une toute petite souris, même pas un surmulot.
L’islam vise à la théocratie. Quand un tel système prend le pouvoir, c’est le chaos et la rétrogradation sur le plan intellectuel, économique, le retour à des temps incivilisés, la terreur, la barbarie, le système patriarcal dans toute son horreur.
merci pour ce passionnant entretien que nous n’aurions pas eu l’occasion de lire autrement – rappelons que cet excellent écrivain a plusieurs fois alerté la france, en vain, sur les dangers de l’islamisme
Il semblerait qu’il ne vive pas en Algérie si j’en crois le sujet le concernant sur Riposte Laïque.
Grand merci antiislam pour cet article nous dévoilant la force intellectuelle de cette personne dont je ne connaissais rien jusqu’à présent.
L’honnêteté intellectuelle, l’humanisme et surtout le courage de ce grand écrivain franco-algérien le rendent admirable. Comme quoi il ne faut jamais désespérer… Je rappelle qu’il fut invité à l’un des congrès du Cercle algérianiste où il se revendiqua « pied-noir » au même titre que les membres de l’Assemblée et qu’il y fut acclamé. Marketing d’auteur ou sentiment sincère? Peut-être les deux mon capitaine! En tout cas, je ne serais pas gêné de voter en faveur d’un tel personnage à la tête l’Etat français. Nos problèmes d’invasion migratoire seraient autrement mieux pris au sérieux qu’avec notre foutriquet brégançonnais et sa clique de rentiers mondialistes!