Petite fiction : « Les derniers clichés du paparazzi »

Patrick se versa un cognac, s’installa dans le fauteuil anglais et laissa ses pensées flotter au delà du feu de cheminée à gaz en format panoramique.

Il venait d’enterrer son père, qui avait exercé le métier de paparazzi, un personnage passionné et haut en couleur, au tableau de chasse impressionnant.

Il se rappelait les histoires que lui contait son père, infatigable, persévérant, et qui n’hésitait pas à planquer par tous les temps et sous toutes les apparences.

Courir vite, risquer les foudres des gardes du corps, porter du matériel lourd car les téléobjectifs pèsent plus de 5 kg, planquer des semaines durant, nuit et jour, n’avoir ni horaire ni répit… telle avait été sa vie.

C’est lui qui avait dit « Moi je suis dans la frange dure de ce métier : que de la planque et que des scoops. Je ne fais pas le siège des hôtels et des magasins de luxe où je vais me retrouver avec trente “snaparazzis” qui prennent des photos à la volée pour les publier sur leurs blogs ou les revendre pour rien aux magazines et aux agences. »

Le spécialiste des liaisons cachées, des escapades en douce, des enfants cachés, c’était lui.

Puis l’accident était arrivé. Un malaise pensait-on. Et la chute du bateau, toute bête, entraînant la noyade.

Son cognac terminé, Patrick se leva et se mit au bureau.

On n’avait pas retrouvé l’appareil photo de son père, tombé quelque part dans l’eau, supposait-il. Mais grâce au miracle de la technologie, les dernières photos prises par son père le paparazzi s’étaient retrouvées automatiquement transmises et stockées dans le cloud. Il lui avait suffi de transférer la dernière série sur la clé USB qu’il s’apprêtait maintenant à visionner.

Il en ouvrit une au hasard et tressaillit en voyant qu’elle avait été prise d’un bateau. Du fameux bateau d’où le paparazzi avait chuté plus tard.

Sur l’image, un panneau prévenait des chutes de pierres . En l’occurrence, c’était plutôt la chute de cheveux ! Il se doutait que le personnage masculin portait un truc tarabiscoté sur la tête, qui partait de l’arrière et était noué sur le devant, mais voir au naturel sa calvitie avancée, c’était autre chose !

Les photos suivantes représentaient les femmes de la tribu.

L’une d’elle, qui s’appuyait sur son pliant pour se lever avec ses grands bras, lui fit penser à une sauterelle.

Il fit défiler les photos suivantes quand il tomba sur le clou de la série inédite. Était-ce possible ? La vache, ça, c’était le scoop d’une carrière de paparazzi !

Il zooma. Oui, pas de doute ! Si les Français…

Ce fut la dernière chose qu’il vit. Captivé par ce qu’il découvrait, il n’avait pas entendu les pas derrière lui et le coup porté à l’arrière de sa tête lui fit quitter instantanément la vie. Les Français ne sauraient jamais et l’autre avait désormais un boulevard pour se représenter.

Une main gantée arracha alors la clé USB du port de l’ordinateur et l’air se remplit du petit cliquetis du clavier sur lequel la main s’activait pour effacer les instants précédents.

Puis tout redevint silencieux.

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5 Commentaires

  1. Sans rire, c’est la mère macr-elle à l’état brut?
    Pas joli joli le tableau.
    Ceci explique … cela!

  2. Eh oui la vieillesse est une horreur……nous les hommes c’est le bide qui pointe.
    C’est pas la mere Macron des photos retouchees….

  3. Dommage qu’un paparazzi ne photographie pas Macron et ses mignons, ou Brigitte dans le plus simple appareil histoire de voir… Pour la sauterelle, bien vue. En tout cas, belle fiction, je me suis cru dans un roman d’espionnage, tout y est, le style, le récit ! Génial!

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