FICTION. TOUTE RESSEMBLANCE AVEC LA REALITE NE PEUT-ÊTRE QUE FORTUITE
AU PRÉSIDENT MACRON
J’ai que neuf ans, mais je tenais à pas vous présenter mes meilleurs vœux. C’est mon grand-papi Marcel, 88 ans, qui m’a dit de faire comme ça. D’après lui, les meilleurs vœux pour vous, c’était quasiment une tentative de suicide collectif pour nous. Pour pas vous présenter mes bons vœux, fallait bien que je vous écrive. En plus, pas de timbre à mettre sur l’enveloppe; ça m’a évité de piocher dans ma tirelire. J’ai récupéré une vieille enveloppe qui traînait dans un tiroir et pris une feuille d’un vieux cahier. J’ai que neuf ans et je suis pas riche.
Depuis que vous êtes là, notre famille a connu de grands changements. On a quitté la banlieue pour la province. C’était plus possible. On habitait un petit pavillon, mais les cités d’à côté ont tout gâché. Maman, qui était infirmière libérale, a vu sa voiture brûler. Papa avait une petite entreprise de serrurerie; il s’est fait attaquer trois fois en allant ouvrir des portes à des gens qui avaient soi-disant perdu leurs clés. C’étaient des cambrioleurs. Ils l’ont obligé à ouvrir les portes. Moi, de mon côté, à l’école des Lapins- Blancs, c’était pas mieux. J’étais presque le seul «fromage blanc» de la classe. C’est comme ça qu’ils m’appelaient. Les gamins des cités me rackettaient. La directrice a rien voulu faire. Elle disait que c’était amical. Ma sœur se cloîtrait chez nous après le lycée, les racailles faisaient que de la siffler ou essayaient de la coincer. En plus, à l’école, des gamins des cités vendaient du shit. Rajoutons à ça que maman devait se faire vacciner, alors qu’elle a failli y passer avec le vaccin de la grippe, et vous aurez compris que ça suffisait comme ça. Bref, c’était devenu invivable.
Nous avons quitté la banlieue pour la région de Poitiers, pas loin d’où Charles Martel a arrêté les Sarrazins. Papa et maman ont vendu le pavillon et ont acheté une jolie maison à la campagne. Papa a monté une entreprise de fabrication de serrures et a embauché maman comme salariée. Ils ont réussi. On est plus heureux qu’avant. Maman regrette pas son ancien travail. Papi et mami du côté de maman ont fait pareil. Ils ont quitté leur banlieue et sont venus s’installer près de chez nous. Il y avait des campements sauvages de migrants dans leur quartier. C’était l’enfer. Du côté de papa, papi et mami habitaient déjà le village où nous sommes. Même grand-papi Marcel, le grand-papa de mon papa, qui vivait tout seul depuis la mort de grand-mami. Il arrête pas de rouspéter en disant que c’est malheureux d’être obligé de se sauver comme ça dans son propre pays et que c’est pire que du temps de l’exode, au temps des Doryphores. Chez nous, personne est vacciné. Surtout depuis la mort de deux habitants du village. Les médecins ont dit qu’ils devaient y passer de toute façon un jour ou l’autre. Des gens de 58 ans? C’est aussi à cause du vaccin que Maman a perdu son boulot.
On a fait deux réveillons avec la famille. Celui du premier janvier, quand on a vu votre tête à la télé pour nous présenter les bons vœux, papa a éteint la télé. Grand-papi Marcel a suggéré de regarder à la place un vieux film de 1967 sur DVD, Un idiot à Paris. Ils ont tous bien ri. Je n’ai pas bien compris pourquoi. Des trucs de grandes personnes. Il a même rajouté en parlant de votre prochaine candidature qu’il n’y avait que les cancres qui redoublaient. Avec lui, on ne s’ennuie pas.
Bon, je vous quitte. Je vous félicite pas.Grand- papi Marcel vous compare au général Gamelin, un vieux général qui a fait perdre la guerre à la France en 39. .D’après grand-papi, on a eu les mêmes couvre-feu que sous l’Occupation. Et en plus on est quasiment obligés de se faire piquer pour aller au ciné ou au restaurant. Toujours d’après grand-papi, on a même les ausweis, sauf qu’en 40-44, les gens pouvaient aller au cinéma, au restaurant sans présenter de laisser-passer et sans vaccin. Il a même ajouté qu’avec vous, la France allait cesser d’exister. «Ne mets pas ton nom et ton adresse, m’a-t-il dit, il serait capable de t’envoyer à la DASS en représailles.» J’ai suivi son conseil. J’espère que vous serez pas réélu ou que vous renoncerez.
Signé le petit Nicolas. PS, je ne redouble pas, moi!
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On dirait l’original ! Bravo Argo. Au collège, la prof de Français nous en lisait quelques pages à voix haute, la veille des vacances, sa voix m’est restée dans l’oreille.