Il est un peu tôt pour évoquer les fêtes de fin d’année, mais ma devise est : mieux vaut trop tôt que jamais. J’avais envie de vous conter les Noëls de mon enfance. C’était il y a fort longtemps. Dans les années 50. Tous les protagonistes de cette époque sont partis pour un monde meilleur. Enfin, je l’espère. Je pense souvent à eux lorsque Noël approche, avec un brin de tristesse et beaucoup de nostalgie. L’époque était difficile, mais chacun s’en accommodait. Aujourd’hui, je considère que c’était une époque heureuse. Nous connaissons la crise COVID avec toutes ses restrictions de libertés chèrement acquises et si vite confisquées, l’écologie punitive qui détruit et va détruire totalement notre société, entraînant un bouleversement pire que les révolutions industrielles précédentes et une régression sociale et économique.
Lorsque nous restions dans notre banlieue pour les fêtes, j’allais souvent passer Noël chez ma grand-mère Fernande, qui tenait un café en plein Paris. Chez elle, c’était des Noëls toujours empreints de gaîté, d’optimisme. Mes parents me déposaient chez elle lorsqu’ils partaient faire réveillon chez une connaissance. Personnellement, j’aimais mieux. Chez Fernande, je traînais dans la salle du bistrot, au milieu des consommateurs. Il y en avait toujours un pour me payer une limonade ou quelques bonbons. Il y en avait un bon nombre qui arrosait les fêtes avant l’heure. Quand ils partaient, ils tenaient souvent une sacrée prune! J’aidais mémé à décorer la salle. Elle installait toujours un sapin dans un coin. Les clients mettaient souvent une pièce dans le juke-box. Des chants de Noël, parfois. Avec l’incontournable Tino Rossi. Son compagnon, Gaëtan, tenait l’établissement le temps que Fernande aille faire les emplettes pour le repas du soir. Elle ne se refusait rien. Elle était plus cigale que fourmi. Elle disait toujours que le pognon —c’est le mot qu’elle employait— ne suivait jamais un cercueil. Elle a bien fait d’en profiter, elle est morte des suites d’une leucémie à l’âge de soixante-sept ans.Elle allait chez ses fournisseurs attitrés. Certains, qui la connaissaient bien, lui faisaient des ristournes. C’était à peu près toujours le même menu : huîtres, foie gras, dinde, marrons et bûche. Le tout bien arrosé. Sauf pour moi, bien sûr, mais j’avais quand même droit à une lichette de champagne au dessert. Un jour, où on m’avait opéré des amygdales et qu’on me faisait sucer de la glace, j’avais réclamé du champagne! À l’âge de sept ans! Je me souviens que le toubib avait failli en avoir une attaque! J’aimais pas trop les huîtres, ça me faisait penser à des crachats. «Tu ne sais pas ce que tu perds», me disait-elle. Elle m’achetait toujours un boudin blanc truffé ou un morceau de pâté en croûte.
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Les derniers clients partis, elle se mettait au fourneau. Toujours le même rituel. Elle buvait un ou deux apéritifs au cours de la préparation du repas. Elle fumait la gauloise, aussi, la coinçant au coin des lèvres, avec une mimique à la Jean Gabin, bien qu’elle ne lui ressemblât guère. Quelquefois, quand la gazinière refusait de marcher à la première allumette, elle s’emportait contre cette bon D. de saloperie de m. de machine du Diable. Ça lui arrivait même de mettre un ou deux coups de pieds dans le ventre -—la porte du four— de cet engin de malheur. Elle jurait comme le pire des charretiers, mais elle avait un cœur d’or. Avec elle, la messe de minuit, pas question. Mémé Fernande était athée sur les bords et très anticléricale au milieu. Après le repas, on regardait la télévision. Elle s’était payé cette fantaisie, malgré son prix prohibitif pour l’époque. Les programmes n’étaient pas très variés. Et une fois terminés, il y avait une mire sur l’écran. À cette époque, on se couchait encore relativement de bonne heure, fin des programmes oblige. De nos jours, les insomniaques peuvent passer la nuit devant leur écran. Il y avait aussi pas mal d’interruptions suite à des défaillances techniques, toujours indépendantes de la volonté de la RTF. Bon, on s’en contentait.
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J’allais ensuite dormir entre eux deux. Jamais tout seul. La deuxième chambre était au rez-de-chaussée, et j’avais toujours peur, car, parfois, quelques poivrots, tellement saouls qu’ils ne savaient plus où ils se trouvaient, venaient secouer la porte du café en beuglant. Il y en avait même qui sanglotaient. Quand ils insistaient, mémé les dégrisait en leur jetant une bassine d’eau sur la tête. Je m’endormais vite, car j’étais impatient de déballer mes cadeaux. Le lendemain, mes parents venaient déjeuner avec nous. J’avais toujours deux cadeaux, un de mémé Fernande, et un de la part de mes parents. Une boîte de mécano, une panoplie du petit menuisier ou autre. Mon jeune frère, lui, séjournait en Corrèze chez mes arrières-grands-parents. II ne supportait pas l’air pollué des banlieues, bien plus pollué qu’aujourd’hui, quoi qu’en disent les écologistes. On lui envoyait ses cadeaux par la poste, un peu avant le 24 décembre. Il n’a jamais cru au père Noël. Pour ses cinq ans, il me confia que le père Noël, c’était de la c…(sic).
Le 26 décembre, les clients de Chez Fernande rappliquaient, les yeux cernés, le teint brouillé, l’haleine pas fraîche. Ils commandaient des rince-cochon, un mélange de vin blanc et de Vichy. Les plus atteints couraient chez le pharmacien pour acheter de l’Hépatoum, une mixture employée pour décongestionner le foie et la vésicule. Et le lendemain, ils reprenaient le cours normal de leur vie. Et rebelote pour le jour de l’an.
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Aujourd’hui, cette époque est révolue. Tous ces gens que j’ai connus ont quitté cette vallée de larmes. C’était des Français, qui ont combattu pour leur pays en leur temps, qui ont relevé la France d’après-guerre, ont traversé l’Occupation et des périodes difficiles. Certains avaient connu la première guerre mondiale, la grippe espagnole. Aujourd’hui, ils seraient taxés de sans-dents, ou d’alcooliques, ou d’illettrés par des hommes politiques qui méprisent profondément leur peuple, ce qui aurait sûrement déclenché des réactions indignées et épidermiques de leur part. Ce n’était pas des énarques, mais ils les valaient bien. Aujourd’hui, la grande masse moutonnière ne réagit même plus sous les insultes. Autre temps, autres mœurs.
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Dans un prochain récit, je vous conterai les Noëls passés chez mes arrières-grands-parents en Corrèze. En vous remerciant pour votre indulgence.
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Que d’émotions en lisant votre « vécu » des fêtes d’antan .
Beaucoup de souvenirs me reviennent de ces grandes fêtes familiales , car nous formions de vraies familles .
Aujourd’hui , je ne veux même pas en parler .Tout est froid !
Merci , Argo !!!
Merci , j’ai bien aimé votre texte , mon histoire ressemble bien à la votre … les souvenirs de ce temps révolu mon font plaisir quand j’y repense . Aujourd’hui la corruption a pris le dessus et va nous faire entrer dans une société où le droit de penser par nous même nous será prohibé …
Merci @ Argo
J’attends la suite avec impatience.
J’attends avec impatience le récit du Noël en Corrèze.
Petit récit du passé :
Quand j’étais en maternelle, la période de Noël était accompagnée du bonnet du père Noël, attaché à l’envers au plafond.
On nous disait que c’était le Papa Noël qui était coincé car il était trop gros, mais de ne surtout pas s’inquiéter : il nous donnerait nos cadeaux de Noël à temps…
C’était très excitant pour nous, les petits de maternelle : ça nous mettait pleins de joie, et en plus, on profitait de la période de Noël pour faire pleins de jeux en intérieur, regarder des petits films grâce au cinématographe, et… manger des mandarines!
D’ailleurs, l’un de nos jeux aux petits étant : quand on était en tout petit groupe d’enfants dans le couloir, notre test de courage était de nous approcher – tout(e) seul(e) – du bonnet du Papa Noël. Car si nous étions contents de savoir le Père Noël là… nous approcher de lui – ou plutôt de son bonnet – sans personne pour nous accompagner faisait quand même un peu flipper (mais rigoler aussi!).
…Ce sont de bons souvenirs…!
Merci pour ce témoignage, Argo.
On devrait tous les jours, des comme ça : c’est en lisant ce genre de textes qu’on apprend à aimer encore PLUS la France – la VRAIE!
Autrefois – il n’y en fait pas si longtemps -, je me souviens d’un JT de « TF1 » qui parlait du « Papa Noël » et de la « Maman Noël »… en respectant le fait que les enfants CROYAIENT au Père Noël, et évitant ainsi de parler des « achats de cadeaux de Noël par les parents ».
On dirait que, de nos jours, on fait TOUT – sur « TF1 » – pour priver les Français de cette « magie de Noël », et de faire comprendre aux enfants que le Père Noël n’existe pas… C’est bien triste.
ahhhhh!
la solution Hépatoum..Tout comme la Boldoflorine…..
les fées des foies engorgés
merci Argo 😆
merci pour ce témoignage
vivement le prochain récit !