Le Conseil d’Etat au défi du CCIF
Par décret du 2 décembre 2020, le président de la République a prononcé la dissolution du CCIF, Association de défense des droits de l’homme-Collectif contre l’islamophobie en France.
Il l’a fait sur le fondement des 6° et 7° de l’article L.212-1 du Code de sécurité intérieure selon lesquels :
« Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait :
(…)
6° Ou qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ;
7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger ».
À peine commencée la procédure contradictoire préalable à cette dissolution, on se rappelle que le CCIF avait décidé, dès le 29 octobre 2020, de s’autodissoudre.
La procédure du ministère de l’intérieur avait alors été conduite contre « le groupement de fait » CCIF, lequel, selon le décret précité, perpétuait les agissements du CCIF dont la dissolution volontaire est qualifiée par le même décret « de pure façade ».
Le dimanche 31 janvier 2021, l’ex-CCIF a déposé au Conseil d’Etat un recours en annulation contre le décret qui décide de sa dissolution.
Plus précisément, croit savoir le journal Le Monde du 5 février 2021, « Mille deux cent vingt-deux membres de l’association, qui déclarait 12 000 adhérents en 2020, ont produit le même recours dans une sorte d’action de groupe auprès de la justice administrative, défendue par Me Ouadie Elhamamouchi et Me Florian Borg. La ligne directrice du recours rédigé par l’avocat de l’ex-collectif, Me Sefen Guez Guez, est que la dissolution voulue par le ministre de l’intérieur a une « motivation politique » ».
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Par une curieuse ironie du sort, les sages du Palais-Royal vont donc être amenés à juger de la nocivité consubstantielle d’une association dont, hier encore, ils accueillaient sans ciller les recours qu’elle déposait en leurs mains.
Nul n’a oublié, en effet, la calamiteuse ordonnance du Conseil d’Etat du 26 août 2016. Ce jour-là, à la demande du CCIF, ledit Conseil suspendait l’arrêté du 5 août 2016 du maire de la commune de Villeneuve-Loubet interdisant le burkini sur les plages de cette commune.
Le lendemain, dans le journal Le Monde, le professeur de Droit public Serge Sur fulminait : « Il est triste d’observer qu’une décision rendue le jour anniversaire de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ignore à ce point la dignité des femmes. »
Hier comme aujourd’hui, une question juridique se pose : au sens des règles du contentieux administratif, le CCIF a-t-il « intérêt à agir » ?
Nous croyons permis d’en douter.
Le décret du 2 décembre 2020 est ce que l’on appelle un acte administratif.
Parce qu’il l’estime illégal, le CCIF a saisi le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative, pour lui demander d’annuler cet acte. Le recours qu’il a déposé devant lui s’appelle d’ailleurs un recours en annulation.
Quiconque (personne physique ou morale telle qu’une association) ne peut prétendre à solliciter l’annulation d’un acte administratif.
Une condition, parmi d’autres, doit être impérativement satisfaite : l’intéressé doit démontrer que l’acte lui fait grief. En termes juridiques, on dit qu’il doit prouver au juge qu’il a « intérêt à agir ».
Ce n’est pas tout.
Cet intérêt à agir doit lui-même revêtir d’indispensables caractéristiques.
-Il doit être direct, en ce sens que celui qui s’en prévaut doit être directement lésé par l’acte administratif qu’il attaque.
En l’espèce, cette condition est aisément remplie puisque le décret vise directement le CCIF. Ce dernier est, en effet, la raison même de ce décret.
L’intérêt à agir doit être aussi certain. Là encore, dès lors que le décret du chef de l’État a pour essence de faire disparaître le CCIF, il est patent, donc certain, qu’il lèse ce groupement.
–Reste une dernière exigence : l’intérêt à agir doit être légitime. Cela signifie qu’on ne peut demander l’annulation d’un acte administratif dans le seul but de se maintenir dans une situation irrégulière.
Ainsi, celui qui occupe un immeuble sans autorisation ne peut demander l’annulation du permis de construire autorisant des transformations de celui-ci (CE, Sect., 27 fév. 1985, SA Grands travaux et constructions immobilières, Rec., p. 723).
Plus cocasse, mais tout aussi édifiant, il a été jugé qu’un professeur d’université n’a pas un intérêt légitime à agir contre une décision du jury d’annuler les résultats de sa matière et d’organiser de nouvelles épreuves au motif que l’enseignant avait attribué de façon systématique aux étudiants des notes qui ne tenaient aucun compte de leur mérite réel.
À raison, le juge a considéré qu’ayant « volontairement méconnu les responsabilités attachées à l’exercice de prérogatives découlant de ses fonctions de professeur d’université, ce dernier ne justifiait d’aucun intérêt lui donnant qualité pour contester devant le tribunal administratif la décision d’organiser des épreuves écrites de remplacement destinées à pallier les conséquences de ses propres agissements » (CE, 22 septembre 1993, Université de Nancy II, n°79575).
Cette dernière hypothèse est une illustration topique de l’adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans (parmi les plus fameux de notre patrimoine juridique, cet adage signifie, dans une acception large, qu’une personne ne peut se prévaloir en justice d’une situation irrégulière ou litigieuse dont elle est à l’origine ou à laquelle elle a consenti).
Enfin, dernier exemple, une association regroupant des militaires et ayant notamment pour objet d’assurer la défense de leurs intérêts professionnels contrevient aux prescriptions de l’article L. 4121-4 du code de la défense (qui interdit l’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical).
Cette association est donc dépourvue d’un intérêt légitime à agir contre des textes relatifs à des indemnités et avantages professionnels (CE, sect., 11 déc. 2008, req. no 306962, Assoc. de défense des droits des militaires).
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On l’aura compris : bien que la jurisprudence n’en ait jamais donné une définition précise, l’adage nemo auditur caractérise une situation où un acte ou un comportement empêche la reconnaissance même d’un droit.
Le comportement du requérant (c’est ainsi que l’on nomme celui ou celle qui fait un recours), en lui-même moralement répréhensible, l’amène dans un état d’illégitimité qui lui interdit de fonder une prétention.
Mais il faut dire le mot et la chose : cette condition particulière tenant à la légitimité de l’intérêt à agir du requérant n’entraîne qu’exceptionnellement le défaut d’intérêt.
Parce qu’il veut ouvrir en grand l’accès à la barre, le juge administratif se montre, en effet, très souple en la matière.
Pour être avéré, le défaut de légitimité de l’intérêt dont se prévaut le requérant doit présenter un certain degré de gravité ou d’immoralité. C’est à ce prix et à ce prix seulement qu’il fait obstacle à l’exercice du recours.
L’intention est louable. Qui pour trouver à redire à ce raisonnement ?
Reste qu’il y aurait de quoi s’étonner que le prétoire fût fermé à un enseignant ou à des militaires s’émancipant des règles de leur statut et ouvert sans condition au CCIF.
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Pour qui ignore encore ce que fut le CCIF, vingt ans durant (!), la lecture des motifs du décret du 2 décembre 2020 est pour le moins édifiante.
Sa dissolution y est justifiée ainsi :
- Le « Collectif contre l’islamophobie en France » doit être regardé comme « partageant, cautionnant et contribuant à propager les idées d’actions terroristes et autres actes punis par la loi au risque de susciter, en retour, des actes de haine, de violence ou de discrimination ou de créer le terreau d’actions violentes chez certains de ses sympathisants » ;
- « Sous couvert de dénoncer des actes d’islamophobie, le « Collectif contre l’islamophobie en France » distillait, par la publication de ses propres statistiques ou ses dénonciations, un message consistant à faire passer pour islamophobe tout acte ou évènement mettant en cause des personnes de confession musulmane, n’hésitant pas, dans certains cas, à travestir la vérité pour accréditer ainsi dans l’opinion publique un soupçon permanent de persécution religieuse de nature à attiser la haine, la violence ou la discrimination ; qu’ainsi, ce collectif a notamment recensé comme « actes islamophobes » des expulsions d’imams appelant au djihad, la fermeture d’une mosquée utilisée comme centre de recrutement djihadiste ou encore une manifestation contre le déplacement, à Lyon, de M. B, connu pour avoir justifié la lapidation des femmes en expliquant qu’il s’agissait d’une forme de purification » ;
- « Les publications du « Collectif contre l’islamophobie en France » ont généré, sur ses comptes ouverts sur les réseaux sociaux, des commentaires de la part des sympathisants et internautes qui constituaient par eux-mêmes une provocation à la haine, à la discrimination et à la violence ; que ces commentaires diffusaient ainsi des propos antisémites ou négationnistes, hostiles aux autres formes de croyance, et notamment aux chrétiens, hostiles aux francs-maçons ou encore des propos homophobes, sans que le président du collectif ni aucun autre responsable ne procède à leur retrait ou même à une quelconque modération des propos ainsi diffusés, alors même que le collectif disposait de nombreux salariés et a toujours démontré une réelle volonté de maîtrise de son image et de sa communication » ;
- « En 2012, en réponse à la publication de caricatures par le journal satirique Charlie Hebdo, le « Collectif contre l’islamophobie en France » a publié des dessins de M. C, connu pour ses positions antisémites, mettant ainsi sur le même plan, d’une part, des caricatures antisémites ou négationnistes et, d’autre part, des caricatures satiriques publiées par ce journal ; que certains membres du collectif, dont son porte-parole, ont participé es-qualité à des rassemblements militants interdits aux blancs ou aux non-musulmans, contribuant ainsi à légitimer cette démarche» ;
- « Par suite, le « Collectif contre l’islamophobie en France » doit être regardé comme provoquant à la haine, à la discrimination et à la violence en raison de l’origine, de l’appartenance à une ethnie, à une race ou à une religion déterminée et comme propageant des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence» ;
- « Le « Collectif contre l’islamophobie en France » doit également être regardé comme se livrant, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger, au sens du 7° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieureainsi qu’il résulte des faits suivants :
6.1 De nombreux dirigeants du « Collectif contre l’islamophobie en France », anciens comme actuels, sont les tenants d’une approche radicale de la religion musulmane pouvant être qualifiée d’islamiste ; que le collectif entretient de nombreuses relations avec des penseurs ou prédicateurs affiliés à l’islam radical, dont l’un justifie la lapidation, le sida en tant que punition divine pour les comportements déviants et diffuse des théories complotistes dans le but d’attiser la haine et la violence à l’égard des non-musulmans, en particulier des juifs (…);
6.2 Plusieurs responsables ou membres du « Collectif contre l’islamophobie en France » entretiennent des relations avec des figures de l’islam radical, dont certains membres de la mouvance djihadiste ou ayant combattu en Syrie dans les rangs d’Al-Qaeda ; que le collectif a fait la promotion publique des interventions de M. B, connu pour ses propos antisémites et homophobes et interdit de séjour en France ; qu’en 2020, le collectif a fait à plusieurs reprises la promotion de M. D, auteur salafiste, prônant un islam révolutionnaire en rupture avec la démocratie élective, membre fondateur de l’association « Anâ Muslim », connu pour ses liens avec de nombreuses personnes et organisations prônant le djihad armé ; que le collectif a également apporté son soutien à l’association dénommée « Barakacity » et à son président, alors même que ce dernier a soutenu le terrorisme, la mort en martyr et les attentats contre Charlie Hebdo, faits qui, parmi d’autres, ont conduit à la dissolution de l’association qu’il présidait ;
6.3 Sous couvert de dénoncer les actes de discriminations commis contre les musulmans, le « Collectif contre l’islamophobie en France » défend et promeut une notion d’« islamophobie » particulièrement large, n’hésitant pas à comptabiliser au titre des « actes islamophobes » des mesures de police administrative, voire des décisions judiciaires, prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; que ce faisant, le « Collectif contre l’islamophobie en France » doit être considéré comme participant à la légitimation de tels actes ;
6.4 Les publications du « Collectif contre l’islamophobie en France » et les interventions de ses responsables ont systématiquement conduit à relativiser ou refuser de condamner des actes de terrorisme ou l’appel à la violence armée, participant également à leur légitimation ; qu’il en a été notamment ainsi des attentats perpétrés par Mohammed MERAH à Toulouse, par Mehdi NEMMOUCHE au musée juif de Bruxelles, de l’attentat perpétré à Saint-Quentin Fallavier ou encore de celui de Conflans-Sainte-Honorine ;
6.5 Les publications du « Collectif contre l’islamophobie en France » ont généré, sur le compte de l’association sur les réseaux sociaux, des commentaires de la part des sympathisants et internautes constituant une provocation à des actes de terrorisme ou une légitimation de tels actes, sans que le président de l’association ni aucun autre responsable ne procède à leur retrait ou même à une quelconque modération des propos ainsi diffusés ; que ces commentaires diffusaient des propos laissant entendre que l’Etat français est à l’initiative de l’attentat commis contre Samuel PATY, des propos légitimant les actes de terrorisme commis à l’encontre de la rédaction de Charlie Hebdo, des propos légitimant l’action d’une association dissoute en raison de ses agissements en lien avec la commission d’actes de terrorisme ainsi que des appels à commettre des meurtres et des actes de violence en France, notamment à l’égard d’autorités publiques ».
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Un tel « réquisitoire », pensera-t-on, devrait délégitimer le recours du CCIF.
Les faits qui lui sont reprochés n’ont-ils pas atteint un degré de gravité propre à disqualifier profondément son recours ?
Dans une société où la « moraline » coule à flot, est-il moral que les séides d’une religion intrinsèquement, « scripturalement » guerrière et maupiteuse – il faut voir comme !-, est-il moral donc que ces êtres de bave et de sang – surtout de sang – usent et abusent d’un Etat de droit qu’ils ont fait serment d’abattre ?
S’imaginerait-on Josef Mengele devant l’Académie de médecine ?
Reste à espérer que l’Etat français ne faillisse pas ; qu’il invoque le défaut d’intérêt à agir du CCIF, obligeant le Conseil d’Etat à tenir le rôle historique que l’on attend de lui voir jouer.
Qu’un jour de 2021, retentisse en ses murs, cette fois en bonne part, la célèbre harangue de Saint-Just : « Il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».
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Je vous prie de ne pas tenter de me faire rire: j’ai les lèvres gercées.
Ah! décidemment, ce n’est pas mon jour, prônent, bien sûr et non au singulier!
Petit addenda , par expulser, il faut entendre les membres de ces associations qui font l’apologie du terrorisme et incitent à la violence où la prône!
Il faut dissoudre toutes les associations qui prônent la violence et se font les apologistes du terrorisme. J’irais plus loin, expulser ceux qui n’ont pas la nationalité française, et déchoir les autres de leur nationalité du même nom, et les expulser aussi. Cela avait été entrepris à une certaine époque, pour les binationaux mais rejeté pour x raisons. Dommage.
Quand la chasse est tirée, on ne revient pas en arrière !
merci pour cet exposé très explicite
Attention car le conseil d état a retoque ce que Raymond Barre voulait annuler le rapprochement des familles. Alors pas confiance en ces c. S d enfoirés de hauts fonctionnaires.
relevé chez Desouche
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ces deux patriotes ont trés bien bien compris notre malheur
on voit le proprio noir d’ une laverie virer Manu Africani une dizaine de »Mijeurs » en les etranglant et a coups de pompes
le malheur est là!
un blanc se ferait planter ou pire interpeller
alors que la racaille dégage toute tremblante
ils ne sont redoutables que de la dévirilisation qui nous a été imposée
ces scènesne sont même pas imaginables au Maroc d’ ou son expédiésces dechets empoisonnés, parce que la raclée est vite distribuée généreusement
je connais et j’ ai vécu ça dans ma prime jeunesse, la propriété privée etant sacrée
par exemple un squatt est tellement impensable que le squatter risque de se faire lyncher par le voisinage…………ALORS QUE CHEZ NOUS;;;;;;;;;;;;;
Bonjour,
Article passionnant !
Merci !
C’est très simple : le CCIF n’est pas content ? OK : dissolution et expulsion !