On ne vit que deux fois : my name is Navalny, Alexeï Navalny

Alexeï Navalny • Le coup du parapluie ?

 

On ne vit que deux fois… C’est peut-être ce que se dira Navalny lorsqu’il reprendra tous ses esprits à Berlin, ville truffée d’espions jusqu’il n’y a pas si longtemps que ça.

 

Jeudi 20 août 2020, à bord du vol S7 Tomsk-Moscou, c’est la panique : le VIP Alexeï Navalny fait un malaise. Les pilotes se posent fissa à Omsk et Navalny est emmené aux urgences.

 

En Russie, la vitesse de propagation des news est hamiltonienne puisque ce même jour vers midi, les journaux pro-kremlinois annoncent que Navalny aurait préalablement consommé de l’alcool frelaté, le tout arrosé de somnifères et/ou de pilules anti-cuite.

 

L’entourage d’Alexeï n’a aucun doute : c’est un empoisonnement prémédi-thé. Sa porte-parole Kira Jarmysz confirme qu’il n’a bu qu’un thé russe noir à l’aéroport et qu’il était en excellente forme en montant à bord. Alors, qui dit vrai ? Quoi qu’il en soit, on peut dire que la Russie thé-saurise son avenir.

 

Les médecins omskois parlent de perturbation métabolique liée à un déséquilibre glucidique, un constat et non un diagnostic. Le Kremlin prend ses distances : « Nous ne sommes pas médecins ». Suivant les conseils du médecin personnel de Navalny, l’opposant est transféré le 22 août vers l’unité de soins intensifs de la très renommée Charité berlinoise. Aux dernières nouvelles, les examens ont révélé des traces d’inhibiteurs de cholinestérase dans l’organisme. Navalny s’en sortira mais est déjà hors service politique pour de longs mois, c’est la faute à pas de chance.

Kira Jarmysz, porte-parole de Navalny

 

La mission à Tomsk

 

Navalny était sur place afin de mobiliser l’opposition en vue des élections infranationales du 13 septembre 2020. Intitulé de la méthodologie ? « Vote intelligent ». Recette ? Voter pour le candidat ayant le plus de chances de battre le concurrent Russie Unie. Cette stratégie VIP ou Votons-Ignorons-Poutine a déjà connu un modeste succès au niveau de l’élection de gouverneurs. En parallèle, Navalny enquêtait en Oblast de Tomsk à propos de faits de corruption.

 

Les services spéciaux russes ont-ils voulu faire peur à l’ensemble de l’opposition en émettant ce type de signal ? En effet, rien n’est plus difficile que la gouvernance à longue distance : gérer les oblasts sibériens au départ de Moscou, c’est comme gérer l’Islande au départ du Palais Bourbon.

 

Le Parquet russe a affirmé le week-end dernier qu’il ne disposait d’aucune preuve d’actes criminels intentionnels à l’encontre d’Alexeï Navalny. Poutine lui-même avait-il intérêt à tremper dans la tasse de thé aéroportuaire ? Rien n’est moins certain en ces temps biélorusses. Là-bas, de discrètes infiltrations devraient d’ailleurs prendre le dessus sur la méthode Donbass, écartée pour cause d’insuffisance de résultats.

Tomsk

 

Pedigree santé sans thé

 

Doublement licencié en droit et en finances, Navalny s’intéresse rapidement aux mécanismes des actions et aux opérations en bourse en mode russe. Par rachat de titres en petites quantités, il a accès aux comptes-rendus financiers légaux et y découvre de très fortes anomalies et des détournements de fonds de plusieurs milliards d’euros. En 2011, il s’exclame : « Russie Unie : parti des voleurs et des escrocs »

 

Wikipédia le décrit comme un personnage protéiforme : avocat, actionnaire activiste, blogueur, écrivain, militant pour les droits de la personne humaine, homme politique, directeur général, homme d’affaires, vidéaste web et réalisateur. Sur YouTube Nawalnyj Live et ses deux millions de souscripteurs, Navalny a posté un reportage sur les biens immobiliers de Medvedev (36 millions de visiteurs), de même que des shootings au sujet de Poutine et de la cheffe d’orchestre multimédias Margarita Simonyan.

 

De nombreuses rumeurs circulent sur les raisons de ses études à l’Université Yale en 2010. Le but réel de Navalny aurait été de préparer une révolution orange en Russie et il serait un agent à la solde de Washington, selon l’opposition de simples allégations provenant d’agents russes adeptes du complotisme.

 

En 2013, Navalny est reconnu coupable de détournement de fonds au détriment de la société forestière Kirovles et condamné à cinq ans de camp. En appel, la peine est commuée en sursis au vu de la forte pression exercée par les manifestants sur la voie publique. Les States et l’UE évoquent un procès politique sans fondement avec pour conséquence sa non-éligibilité en 2018.

 

L’Homme aux bracelets, une partie intégrante de son organisme

 

Navalny, un libéral en perspective russe

 

Navalny, c’est plus qu’un simple libéral au sens occidental du terme : il a de sérieux penchants nationalistes et s’oppose à l’arrivée de migrants d’Asie Centrale et du Caucase, qualifiant même les populations locales de… cafards ! Poutine serait-il comparativement un bien-pensant ?

 

En 2011, la justice russe interdit le « Mouvement contre l’immigration illégale » pour cause d’extrémisme et de positions racistes. Navalny y trempa de près ou de loin, d’où la controverse.

 

En 2013, lors des élections pour le poste de maire de Moscou, Navalny présente un programme axé lutte contre la corruption et l’immigration. Il déclare alors : « J’ai consulté les statistiques. Saviez-vous que près de 50% des crimes et délits sont commis par des étrangers ? ». Il décrochera officiellement 27,24% des voix.

 

En 2014, il affirme que le problème de l’immigration illégale en Russie est cent fois plus important que le dossier Ukraine et en 2015 : « La Crimée est russe, une fois pour toutes ». Ses déclarations ont parfois une connotation limite xénophobe et populiste, ce qui l’éloigne d’opposants russes libéraux stricto sensu.

 

Son programme générique ? Lutte contre la corruption et les abus de pouvoir, rapprochement de l’UE et de l’OTAN. Navalny est l’opposant indésirable : il surfe sur un nationalisme fortement concurrentiel au noyau Russie Unie.

 

Durant les périodes sensibles, Navalny est un habitué des va-et-vient home-prison-home et il semble que Kira Jarmysz devrait planifier ces navettes indigestes dans l’agenda Navalny des années à venir.

 

En 1901, Lénine rédigea « Que faire ? » à Munich. En 2020, Navalny se posera la même question à Berlin. Allemagne, terre de tous les questionnements ?

 

Richard Mil+a

Der Spiegel 29.08.2020

« Kremlin, poison et attaque contre la bête noire de Poutine »

 

Les Polaques ne perdent pas le nord

« Navalny s’est intoxiqué aux vapeurs biélorusses de la liberté »

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5 Comments

  1. Tout ce que l’on sait de l’aventure de Navalny, c’est ce qu’en ont dit les médias européistes qui détestent Poutine. Les résultats des analyses seront sans doute publiées dans le Lancet avec toute la fiabilité qui va de paire.

  2. Rino : « … au moment où des manifestations se tiennent dans le pays voisin, la Biélorussie avec le risque qu’elles s’étendent à la Russie »

    C’est exactement ça. Pour l’instant, le régime est en mode stable parce que Poutine a su verrouiller l’opposition comme il se doit. Mais à considérer une douma « défidélisée » de son leader, une opposition ayant accès aux médias relevant des services publics et une agora telle que l’entendent les républicains, vous n’avez aucune certitude de voir le régime actuel perdurer. C’est sans doute naïf de ma part, mais je serais curieux d’assister à un débat public à la régulière Poutine-Navalny lors des présidentielles 2024…

    Quelques-unes des contraintes de la Russie en mode Poutine : bras de levier politique difficile à actionner en certaines régions (Russie : 17.125.191 km2, environ 30 fois la France !), monoculture économique la rapprochant plus de l’Arabie saoudite que de l’Allemagne, marasme-19, réseaux sociaux avec propension à l’expression libre des jeunots, sanctions difficilement contournables quoi qu’en disent les autorités. Le cahier des charges de la Chancelière est bien moins contraignant…

  3. @ FdG. Sympa d’avoir joué le rôle de l’avoué ! Je suis le premier à défendre la plume de Voltaire en vêtant systématiquement le mois d’août de son canotier alors qu’aout est maintenant autorisé, mais quelle tristesse estivale…

    Bond, James Bond
    https://www.youtube.com/watch?v=TXxKZkE2MGo

  4. Pardon @Rinocero mais vous êtes parfois aussi exaspérant que « le tropisme pour les anglicismes »…

    « On ne vit que deux fois » s’avère le titre d’un James Bond. C’est donc un jeu de mot de Richard basé sur un film britannique, rien de destructeur pour la culture et la langue française (comme « To be or not to be »…)

  5. « my name is » . En français ne dit-on pas habituellement : « je m’appelle ». Ce tropisme pour les anglicismes qui plus est de la part d’un contributeur de RR qui se prétend patriote est désespérant, étant à la mesure du désintérêt que les « élites » de notre pays portent à notre langue. Il est vrai que Navalny est un ancien « fellowship » de l’université américaine de Yale, une sorte de Young leader comme l’ont été Macron, Hollande et de nombreux autres responsables politiques, économues et médiatiques de notre pays. Il y a donc peut-être un forme d’humour involontaire chez l’auteur de l’article mais j’en doute connaissant sa senbilité politique pro atlantiste.
    Quant à l’ origine de l’empoisonnement (raté), s’il s’agit bien d’un empoisonnement, on ne peut exclure aucune hypothèse (opération sous faux drapeau d’un service de renseignement occidental (CIA, MI5, BND), agissant soit directement, soit indirectement en instrumentalisant, manipulant ou soudoyant une petite main locale.
    Une responsabilité du gouvernement russe qui chercherait à éliminé un opposant ? Même en considérant que les états sont des monstres froids, chercher à éliminer un opposant qui a le soutien des chancelleries et médias occidentaux, ce serait en quelque sorte jeter de l’huile sur le feu surtout au moment où des manifestations se tiennent dans le pays voisin, la Bielorussie avec le risque qu’elles s’étendent à la Russie. Surtout ce serait donner du grain à moudre à l’opposition libérale russe en faisant de Navalny un « martyr » .
    Une chose est certaine, cette tentative d’empoisonnement arrange bien les pays occidentaux qui rêvent de voir renverser Poutine pour lui substituer une marionnette de Washington, Berlin et Bruxelles
    comme l’était Eltsine le prédecesseur de Poutine.
    Or comme Trump, Poutine est attaché à l’indépendance de son pays et se méfie du multilatéralisme ce qui déplait fortement à l’oligarche mondialisée qui à l’instar de Soros rêve d’une gouvernance mondiale détruisant les nations et leurs identités culturelles via le multiculturalisme et les flux migratoires, pour leur substituer une population sans attache et sans repaire prête à toutes les manipulations.

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