Comprendre la Hongrie de Viktor Orban… l’âge d’or de l’Europe c’est peut-être l’âge d’Orban !

2019 • Orban à l’Université d’été Fidesz, Baile Tusnad, Roumanie

Le Premier Viktor Orban est très populaire auprès de la droite identitaire européenne. Il s’agit là d’un personnage attachant très attaché à l’Histoire mais comme son peuple l’est lui-même à l’UE, la tâche est bien moins aisée qu’il n’y paraît. Et Dieu créa les équilibristes.

 

Les deux plus grandes tragédies de l’Histoire magyare sont la défaite de Mohács et le Traité de Trianon.

 

Première tragédie : musulmane

En 1526, les forces de Soliman le Magnifique battent à Mohács – sur le Danube, à quelques kilomètres de l’actuelle frontière entre Serbie et Croatie – celles du Royaume de Hongrie, commandées par le RoiLouis II qui périt lui-même lors des combats. La victoire des Ottomans entraîne la partition de la Hongrie entre l’Empire ottoman, les Habsbourg d’Autriche et la Principauté de Transylvanie.

Notons le joli retour de flamme de 1687 : dans la foulée de Vienne 1683, les Turcs, dirigés par le Grand vizir Sari Süleyman Pacha, seront battus en ce même Mohács par les armées de l’Empereur germanique menées par Charles V de Lorraine. Bienveillante Justice…

Il est essentiel de saisir que durant l’occupation ottomane, l’âme hongroise fut entretenue principalement en Transylvanie et c’est bien elle qui assura la continuité culturelle du noyau hongrois. Buda – Budapest sera fondé en 1873 par la fusion de Buda, Pest et Obuda – fut réduit de 1541 à 1699 au rôle de ville garnison ou caserne militaire ottomane.

Mohács de nos jours. Adios les fumisteries du Coran

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Seconde tragédie : la défaite de la Deutsches Heer

Le Traité de Trianon du 4 juin 1920 à Versailles, que le chef de la délégation hongroise Albert Apponyi refusa d’ailleurs de parapher lui-même au nom de son pays, voit la Hongrie privée des deux tiers de son territoire. Hallucinant : on passe de 325.000 à 102.000 km² perdus principalement en faveur de la Roumanie, la Tchécoslovaquie, la Croatie-Slavonie, la Bosnie-Herzégovine.

La population passe de 21 à 8 millions et environ 3 millions de Hongrois vivant dès lors hors des nouvelles frontières se voient contraints de changer de nationalité : roumaine, tchécoslovaque, yougoslave.

Le 4 juin est décrété jour de deuil national, les drapeaux sont en berne, dans les écoles les mioches prient pour le retour à « avant Trianon ». La révision du traité est l’obsession du parlement hongrois des années 20.

En ce centenaire, 2020 a été proclamé Année de l’Unité nationale par Orban et le 4 Juin est maintenant Jour de l’Unité nationale.

 

Comme en Pologne, la société est de plus en plus polarisée autour de ceux de Budapest et des grandes villes et ceux de la Hongrie B traditionnaliste mais l’indignation Trianon fait quasi l’unanimité. Selon une récente étude de l’Académie hongroise des Sciences, 85% des Hongrois considèrent toujours Trianon comme « la plus grande tragédie nationale » : ce sont là des faits actuels et non de l’histoire ancienne.

L’amputation Trianon et la prothèse Horthy

Le régent Miklos Horthy règne sans partage de 1920 à 1944. Comme les dirigeants allemands restés militaristes, il fait partie des insatisfaits de Versailles (ici en version Grand Trianon) et ceci explique partiellement cela : tentation fasciste, irrédentisme. En Hongrie, le sentiment d’injustice devient une raison d’État.

Au vu de sa loyauté envers l’Allemagne nazie, Horthy récupère le nord de la Transylvanie roumaine, la Ruthénie transcarpathique et le sud de la Slovaquie, aux dépens de la Tchécoslovaquie. Ainsi, plus de deux millions de personnes réintègrent la Hongrie et son territoire repasse de 102.000 à 170.000 km².

Après la Seconde Guerre mondiale, la Hongrie retrouve ses frontières de 1920. Trianon lui-même devient un sujet tabou afin de ne pas créer de conflits diplomatiques entre nations satellites, Tchécoslovaquie et Roumanie en tête : Moscou veille au grain de la stabilité de ces frontières, plus précisément de ses frontières.

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Orban entre en scène roumaine

Depuis plus de 30 ans, Viktor Orban se rend chaque été à Baile Tusnad, 200 km au nord de Bucarest, Roumanie. La région est peuplée d’un million de Széklers ou Sicules, minorité catholique hongroise de Transylvanie. Le parti Fidesz y organise annuellement son Université d’été au profit des magyarophones et Orban y fixe le cap hongrois pour les années suivantes, cap fortement teinté de politique identitaire.

 

26 juillet 2014, une date charnière : à Baile Tusnad, Orban annonce pour la première fois que la démocratie libérale est un échec. Il avance le concept de démocratie illibérale, développé plus tard en Autriche et en Italie. Ça a l’avantage de la transparence, Berlin accuse réception et déception.

Toujours en Roumanie, il dira en 2018 : « Il y a 30 ans, nous allions vers l’Europe. Maintenant c’est l’Europe qui doit venir à nous ». Le dirigeant y promeut régulièrement la liberté chrétienne et la Hongrie historique, symbolisée par la couronne de Saint Étienne et la Renaissance par le prisme de la Monarchie austro-hongroise (1867-1918)

Lors de la crise migratoire, « L’Homme de la frontière » n’a pas réellement voulu se mettre à dos l’UE – ce n’est nullement dans l’intérêt de la Hongrie – mais le « diktat de Bruxelles » entrait déjà entièrement en collision frontale avec la politique identitaire lancée par l’Université d’été de Fidesz.

Baile Tusnad, anciennement Tusnádfürdő. En vert pâle, la Grande Hongrie

Baile Tusnad

Killer Orban à Baile Tusnad : « Nous protégeons les minorités hongroises »

Offensive administrative tous azimuts

 

En 2010, Fidesz a forcé la loi sur la citoyenneté entrée en vigueur le 1er janvier 2011. Elle permet aux Hongrois des « territoires perdus » de récupérer en procédure accélérée leur « nationalité historique » et ils sont à ce jour 1,1 million à l’avoir obtenue. La narration Trianon est ici source de légitimité de cette nationalité récupérée. Ceci conforte la popularité d’un Fidesz proclamant : « Il y a plus d’un million de nouveaux Hongrois ! »

En parallèle, Orban a œuvré à l’émission de la carte du Hongrois accordant aux citoyens limitrophes « floués par Trianon » privilèges et facilités sur le territoire comme le droit de travailler en Hongrie, d’y entamer des études etc. Le Conseil de l’Europe ne s’est pas opposé à cette initiative des plus surprenantes, une sorte de nationalité virtuelle.

Depuis 2012, la Constitution stipule « Hongrie » et non « République de Hongrie », ce qui signifie par extension que le pays englobe également les Hongrois limitrophes. Fallait y penser…

 

Dix millions d’âmes peuplent une Hongrie assez homogène ethniquement. Les minorités hongroises – 5 millions d’âmes environ – vivent actuellement en Roumanie, Slovaquie et Ukraine, sans omettre la diaspora UE ou migration économique que Fidesz tente de rapatrier à coups de subsides et d’allocations de retour.

Exemplaire de la carte du Hongrois ou para-nationalité

Offensive architecturale tous azimuts

 

2008 voit l’ouverture du Parc de la Mémoire Trianon. Une cloche y sonne chaque jour à 16h32, instant précis de la signature du document.

Nemzeti Összetartozás Emlékhelye est le Mémorial d’Unité Nationale inauguré le 4 juin 2020 à proximité du Parlement de Budapest, un lieu de mémoire sous forme de rampe de 100 mètres où sont gravés 120.000 noms de localités hongroises, certaines perdues, d’autres situées en Hongrie. Symbolique : les souffrances de la Hongrie comme source de sa renaissance, chirurgien Viktor Orban.

120.000 villes et villages hongrois gravés dans la mémoire collective

 

Offensive marketing tous azimuts

La « Grande Hongrie » ou Nagy Magyarorszag est présente partout et on retrouve la carte d’avant 1920 sur les timbres-poste, les pare-chocs ou les T-shirts. Durant la météo de la chaîne TV publique, les panneaux faisant la pluie et le beau temps sont présentés sur fond de frontières d’avant 1920. Trianon est bel et bien le mythe fondateur de la nouvelle identité.

 

Petite et Grande Hongrie en version cocooning

 

« Keleti nyitás » ou la danse du paon

Orban ne s’en cache nullement : il pratique depuis des années la danse du paon entre Bruxelles – où son anglais fluide lui permet de dialoguer sans embûche – et le duo Poutine-Xi Jinping, à l’opposé de ses confrères polonais, tchèque et slovaque. Intérêts économiques pour les uns, sonde pour l’évaluation du rétablissement des frontières de l’Âge d’Or pour d’autres, ceci ne pouvant survenir qu’après un bouleversement total des rapports de forces à l’échelle mondiale. Politique fiction ?

L’orbanisme met à son compte la bonne santé de l’économie hongroise mais celle-ci est en réalité la résultante de la dynamique entrepreneuriale et manufacturière propre au Groupe de Višegrad. Le business allemand ne s’y est pas trompé, lui qui considère la Hongrie comme sa base industrielle, indépendamment de l’option politique du gouvernement hongrois. Les véritables qualités d’Orban sont à chercher ailleurs : à l’identitaire et à l’international où les rapports entre Budapest et Tel-Aviv sont au beau fixe.

Octobre 2019 • Viktor Orban, Premier ministre 1998-2002 et depuis 2010

Orbanisme, organisme d’avenir ?

 

Orban présente un discours attrayant boostant le mythe de la Belle Époque 1867-1914 et la France serait bien avisée d’en faire de même. Ceci légitime les actions Fidesz – actuellement 117 sièges sur 199 au Parlement national – au profit des minorités hongroises et conforte également le bien-fondé de la réaction Fidesz anti-immigrationniste de 2015 dans un pays recensant 6000 musulmans environ. 0,1% de mahométans est d’ailleurs le score propre au Groupe de Višegrad, la Gaule Gauche peut toujours rêver.

 

Le discours combatif d’Orban est assez proche de la rhétorique de guerre défensive d’Éric Zemmour : les élites face au peuple, la chrétienté face au brassage multiculturel. Nonobstant mon attachement envers l’UE, j’invite les eurodéputés à prendre de la graine hongroise. L’orbanisme, ce n’est pas un cours d’économie mais bien d’autonomie. L’Âge d’Or de l’Europe, c’est peut-être l’Âge d’Orban.

 

Richard Mil+a

OMEGA est le groupe rock hongrois culte

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2 Comments

  1. Merci Richard pour cet article fort instructif …On comprend mieux l’attitude de ce peuple et de V.Orban : ils ont eu l’occasion, dans le passé, de goûter aux valeurs « civilisatrices de la culture islamique » (sa nère !!…) ….
    L’ami Zemmour a aussi cette particularité, celle de bien connaître l’histoire et d’en tirer leçon et prévision pour l’avenir …
    Par contre, avec l’autre trou du cul prétend que la culture française n’existe pas et que l’importation de millions de nouveaux français c’est bon pour la croissance, bien que chômeurs potentiels, nous irons droit dans le mur!!!….

  2. Obono la député pétasse de la France insoumise accessoirement noire de peau a traité le nouveau 1er ministre de « homme blanc » mais c’est vrai que contrairement à Orban Casteix n’est hélas pas aussi bien équipé niveau service 3 pièces !!! car cette abrutie d’Obono devrait être virée de mon pays

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