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Extrait de Et la levêche souffla sur Oran , du même Régis Guillem
Extrait du chapitre 10, mars 1962
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Ce lundi 26 mars 1962 se prépare rue d’Isly à Alger un nouveau massacre perpétrée par l’armée française contre des civils non armés: femmes, enfants, vieillards, défilant drapeau tricolore en tête.
« Halte au feu, nom de Dieu, halte au feu… » Tel est le cri de déses- poir que lance un civil au jeune lieutenant Ouchène qui commande les tirailleurs.
Il fait beau ce lundi ensoleillé; une foule calme, digne, où l’on sent passer le frisson de l’émotion, descend drapeaux tricolores en tête le boulevard Laferrière. Il y a beaucoup de jeunes visages, aussi résolus que ceux de leurs aînés, une jeunesse – notre jeunesse – prête à se sacrifier.
Les Algérois vont soutenir leurs frères de Bab-El-Oued, devenu quartier martyre, assiégé par les forces de l’ordre depuis vendredi. Les autorités militaires ont décidé d’en finir avec ceux qui refusent le « ces- sez-le-feu » du 19 mars. Tous les moyens sont bons; tout comme à Oran, l’aviation française lâche ses roquettes sur les terrasses de Bab el-Oued, mitraille les façades faisant au moins une centaine de morts.
Les autorités militaires déclareront la même version que celle faite à Oran : « Ce ne sont que des tirs d’intimidation dans la mer… »
Les habitants du quartier sont coupés du reste de la ville et ne reçoivent que peu de vivres. Les CRS, les gendarmes, multiplient les perquisitions, mettant à sac les appartements, exerçant des sévices sur de nombreuses personnes.
Alger vole au secours des insurgés. Personne n’est armé, sinon de gerbes de fleurs et de drapeaux. L’armée ayant interdit toute mani- festation, barre tous les accès menant au plateau des Glières où les manifestants doivent déposer une gerbe.
Les ordres sont clairs « vous devez bloquer le square Laferrière ; si les manifestants insistent, ouvrez le feu… »
Il est 14 heures. Un premier barrage, rue Charles Peguy, est franchi sans encombres, on fraternise avec les soldats.
Les manifestants piétinent maintenant devant la Grande Poste.
Le silence se fait, on s’approche du barrage de la rue d’Isly.
Les soldats sont des tirailleurs du 4e RT armés de fusils et de fusils- mitrailleurs; tous semblent nerveux. Qui donc a pris la responsabilité de confier le service d’ordre à des soldats musulmans, non formés au maintien de l’ordre, en majorité des anciens rebelles ralliés, harassés par de longs mois dans le bled, au moment même où la tension entre Européens et musulmans est des plus fortes ?
Était-ce de l’inconscience ou de la malveillance ? Cette interrogation restera à jamais posée et n’obtiendra sans doute jamais de réponse.
La foule est toujours aussi calme; soudain fusent de toutes parts La Marseillaise, Les Africains, entrecoupés de « Vive l’Algérie française ». L’émotion est à son comble. L’officier de tirailleurs, un jeune kabyle d’apparence européenne, laisse passer individuellement une trentaine de personnes, porte-drapeaux en tête; les autres, encouragés, se rap prochent du barrage. Le drame éclate en une fraction de seconde. Des tirs sporadiques crépitent en direction des manifestants ; il est 14 h 45.
La tuerie dure douze minutes.
Chacun se plaque au sol, se réfugie sous les coches aux portes obstinément fermées; on se jette sur des proches pour les protéger du feu meurtrier, dérisoire protection. Certains blessés, agonisants, sont achevés malgré les appels à la pitié; des secouristes sont tirés comme des lapins. Les ambulances et les pompiers, toutes sirènes hurlantes, sont également criblés de balles. Rien ni personne n’aura été épargné.
Au-delà des hurlements de la foule et des détonations, des cris déchirent l’air : « Pour l’amour du Ciel, mon lieutenant, dites-leur d’arrêter ! » ; « Halte au feu, halte au feu… Mon lieutenant, de l’énergie bon Dieu! ». Le jeune lieutenant s’élance et, les larmes aux yeux, s’époumone : « Halte au feu, au nom de la France, halte au feu... »
Mais qui pourrait l’entendre tant le fracas des armes et les hurlements couvrent sa voix ?
Soudain, de la même façon qu’ils ont commencé, les tirs cessent. Des pleurs, des gémissements, le silence des morts. Partout des mares de sang qui brille au soleil, des pantins désarticulés jonchent les trottoirs, les marches de la Grande Poste.
On relève 46 tués et 200 blessés; beaucoup décédèrent en arrivant à l’hôpital ou dans la vingtaine de camions militaires qui, dans un « funèbre ballet » incessant de 25 minutes, emmènent les corps vers la morgue de l’hôpital Mustapha. Au total on dénombrera 80 morts.
Partout c’est la stupeur ; les gorges se nouent. L’armée française a tiré sur des Français, l’armée française a tiré sur des civils non armés, l’armée française a tiré sur des manifestants qui chantaient l’hymne national. L’impensable est réalité. La haine envahit les cœurs, mais surtout un immense désespoir, le sentiment que cent trente ans d’histoire française se sont, d’un seul bloc, écroulés sur nos épaules.
La plaie est désormais béante et ne se cicatrisera jamais. Henry Tanner, du New York Times, écrit :
On a vu les soldats tirer à bout portant dans la foule avec des armes automatiques. Les militaires installés sur les trottoirs ont éga- lement ouvert le feu. Quelques-uns des soldats ont vidé des chargeurs entiers. D’autres épuisaient le magasin de leur mitraillette et le réapprovisionnaient encore. On vit un officier arracher des mains d’un soldat la bande de cartouches qu’il s’apprêtait à engager.
John Wallis, du Daily Telegraph, décrit l’horreur avec ces mots :
Personne ne semble avoir su qui a tiré. Une chose est sûre: c’est que le premier coup de feu n’est pas venu des manifestants. Les soldats ont ouvert le feu sur la foule placée à quelques mètres devant eux. Certains se retournèrent et mitraillèrent dans le dos des manifestants qui les avaient dépassés.
Ici, à Oran, c’est un paysage de guerre qui s’offre à mes yeux alors que je traverse la place des Victoires ; place d’Armes on peut apercevoir des chars, des bus criblés de balles gisent sur la chaussée. Il est vrai que la bataille d’hier a été des plus rudes et les dégâts visuels sont là pour attester de l’âpreté des combats.
[…]
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Une personne proche de moi a vécu à Bab el Oued pendant le couvre feu de Mars 1962 , Des impactes de balles de mitrailleuses 12/7 jusque dans sa chambre qui avaient traversé les persiennes, la chaleur suffocante, les perquisitions pour savoir si les gens ne cachaient les des armes pour l’OAS et l’obligation de rester confiné . Ceux pour lesquels l’armée avait ordonné à la population de rester chez soit c’est à dire l’OAS étaient les mêmes qui aidaient la population prise en otage, !!!
Et les rafles de la population masculine de Bab el Oued emmenés vers le camp de Paul Cazelles dans le but de casser les velléités de résistance.
Tout ces évènements ont été précédés en 1961par les concerts de casseroles improvisés, émanant des balcons et des terrasses de Bab El Oued .
Certains ont duré 2 heures d’affilé au rythme d’ Al-gé-rie Fran-çaise ! Quelle émotion!!!
Une petite explication du quartier
https://hubertzakine.blogspot.com/2011/04/il-etait-une-fois-bab-el-oued-hubert_28.html
Qui est le modérateur du jour ?
@frejusien. y a t’il un souci camarade?
On s’en fout de savoir qui est le modérateur du jour pour une bonne raison c’est qu’il n’y a pas de modérateur du jour ! Il y a 4 ou 5 personnes qui modèrent notre site, s’il y a un souci de modération, un oubli, un commentaire à la corbeille etc il est absurde de prendre un ton accusatoire, il suffit de signaler géntiment « à la modération » un éventuel souci
bonsoir @Christine,
avez-vous des nouvelles de Machinchose ?
bonsoir @Moktar, pas de soucis, mais une demande d’info,
merci pour cette vidéo, on a besoin de savoir et de comprendre le passé pour mieux appréhender le présent ,
tout est fait pour nous cacher l’histoire réelle, et nous la faire oublier, afin de mieux de nous coloniser, c’est vraiment une horreur que nous sommes en train de vivre, et beaucoup de s’en aperçoivent même pas
Témoignages très émouvants ! véritables histoires dans l’Histoire, pour ceux qui ne l’ont pas vécue,
une horreur organisée par le pouvoir en place,
aujourd’hui, elles seraient capables de recommencer, toutes ces zélites qui se gargarisent des droits de l’homme, et se réclament de la démocratie républicaine
et nous voilà 60 ans plus tard dans une situation qui lui ressemble étrangement,
car des abrutis sans nom , mais bien connus, ont recréé le même panorama,
tout de suite après la fin de la guerre, on s’est ingénié en haut lieu, à faire venir le plus possible d’Algériens, sans prendre garde à rejeter les FLN et autres islamistes anti-Français,
aujourd’hui, ils brandissent leur drapeau dans la capitale française et tout le monde applaudit et trouve cela normal ,
aujourd’hui, ils défilent dans Paris soutenus par notre gôche traîtresse qui n’a pas encore été écartée du pouvoir politique, et pourtant …
Merci beaucoup pour ce nécessaire rappel et pour les commentaires et témoignages des lecteurs.
@Robert; l’Oranais te salue et te remercie de ton témoignage. A titre d’info, Simone Gautier dont le mari fut également tué ce 26 mars a un site consacré à cette tragédie. Si tu la contactes fais le de ma part.
Je suis un rescapé de cette tuerie du 26 mars 1962. Je me trouvais à l’angle de la rue d’Isly et du boulevard Laferrière quand les premières rafales de fusils mitrailleurs ont claquées. En entendant les culasses s’enclencher avant ouverture du feu, j’ai plongé sur le sol en avant, aussi loin que possible pour me rapprocher du trottoir et de la porte cochère la plus proche.Cette réaction m’a sauvé la vie. En rampant au sol parmi les morts ensanglantés, j’ai réussi à m’infiltrer dans l’entrée de l’immeuble dans lequel j’ai attendu la nuit pour en ressortir. J’ai mis des années pour arriver à effacer ces images de ma mémoire, mais tous les 26 mars, je me souviens….
Merci Roger pour ce témoignage, avec vous de tout coeur pour ce que vous avez vécu
@pif; Juste: Bravo et merci pour eux que nous n’oublions pas car les oublier serait les tuer une seconde fois.
Merci Pif pour ce texte qui dit tout. Emotion terrible en ce 26 mars…
C’était la guerre
Il y a 58 ans
Mais aujourd’hui
Ni fleurs, ni couronne
« Ni oubli, Ni pardon »
Ni drapeaux, ni gants blancs,
Ni musique, ni clairon.
C’est la guerre
Depuis trop longtemps
Mais aujourd’hui pourtant,
Sans fleurs ni couronnes,
Que d’oublis, que d’abandons !
Que des gants, des masques blancs,
Mais ni attroupements, ni recueillement.
Le président, enfin maître du monde, peut faire tout et son contraire,
il peut dire « C’est la guerre » et ne fournir aucune arme à sa population,
interdire les déplacements mais se déplacer pourtant,
confiner les braves gens et libérer les délinquants,
verbaliser les pacifiques mais ignorer les belliqueux.
Tout comme il y a 58 ans, le président (son maître à présent)
faisait tirer sur la foule et pactisait avec les terroristes.
– « Mais c’était la guerre » nous dit-on, depuis 58 ans.
– « Oui, comme à présent, la guerre contre la population, initiée par le communisme, véhiculée par le mondialisme, exploitée par le gaullisme, la guerre toujours, exaltée par les présidents-dictateurs à l’encontre de leur propre peuple dans le seul but de garder leur poste ! »
C’était la guerre il y a 58 ans. Ni oubli, ni pardon !
Bravo Pif !
Bravo Pif !
superbe pif !!! tellement bien dit !!
Et pas de RSA, pas d’allocation temporaire d’attente, ni de réquisition de logements pour ces saloperies de colons racistes et profiteurs qui avaient la France et le monde entier contre eux…Non ! Direction : les halls de gare et leurs lits de camp !
« Allez vous faire réadapter ailleurs ! Il faut les pendre, les fusiller, les rejeter à la mer !!… » (Dixit Gaston Deferre député maire de Marseille …)
Pourtant, si des naufragés avaient bien le droit d’asile en France, c’était bien les pieds-noirs et les Harkis …
Ils n’ont pas vu beaucoup d’humanitaires dépêchés par France Terre d’Asile , Terra Nova etc.. leur venir en aide…Leur cause était évidemment indéfendable comme le sont toutes les causes en faveur des français d’abord !!….
« Les autres avant les nôtres » telles devraient être la devise gravée au fronton de nos bâtiments publics !
Merci d’avoir rappelé cette date à partir de laquelle les PN ont compris que pour garder leur pays, il leur faudrait se battre non seulement contre le FLN, mais également contre l’armée française et même contre le monde entier…Ce qui les a décidé à choisir la valise !……….
Bonjour Conan,
vous avez raison sur tout.
Autre détail « amusant », les dockers CGT de Marseille qui, au moment de décharger certaines caisses de transport des effets personnels des rapatriés, n’omettaient pas de les immerger dans la mer avant de les décharger. Depuis, j’ai une haine profonde envers la CGT et les Marseillais, même si je sais que ces derniers ne sont pas tous des fils de p…et des lâches.
Honte à De Gaulle et à l armée.
Cet événement est un assassinat collectif d Etat…
Une pensée pour nos compatriotes décédés et pour leur famille.
En 62 en Algérie la France a ouvert la page qu’il ne fallait pas tourner ; le résultat en France c’est maintenant.
Bonjour Corleone,
vous avez raison. La guerre d’Algérie n’est pas finie pour nos « frères algériens ». Ils sont chez nous et feront tout pour nous en chasser.
C’est en effet l’un des passages les plus marquants de cet ouvrage. J’étais un enfant quand ces évènements ont eu lieu.J’ai tout de même le souvenir de l’un de mes oncles, militaire en permission, revenant d’Algérie et racontant à mes parents les horreurs dont il avait été témoin et celles dont il avait eu la description. Mes oreilles n’étaient pas censées entendre ou du moins comprendre » ces choses là », mais j’en ai été marqué à vie !
Dans votre dernier paragraphe, vous citez la ville d’Oran? Pourquoi?
Une allusion aux massacres de juillet 1962?
Pourriez-vous préciser?
L’auteur raconte ce qui s’est passé à Alger dans un livre autobiographique, au moment des horreurs du 26 mars à Alger, il se trouve à Oran.
Un grand merci à Christine, à Résistance Républicaine, de rappeler à ceux qui ont vécu ce drame cette tragédie voire trahison; à informer ceux et celles qui ignorent tout de ce conflit que des soldats de l’armée française n’ont pas hésité à tirer sur des Français qui chantaient la Marseillaise.
Merci de ce rappel en cette situation douloureuse que traverse la France.
Merci pour cet hommage, Moktar.
Mes parents et ma famille paternelle faisaient partie des assiégés de Bab-el-Oued, et j’avais 1 mois quand le massacre a eu lieu. Je passe sur l’attitude des gendarmes mobiles pendant ce siège, gendarmes qui se sont comportés comme les nazis pendant l’Occupation ! Le massacre de la rue d’Isly n’est que la suite logique de la volonté gaulliste de terroriser les partisans de l’Algérie française.
Mon père est allé prendre des photos rue d’ Isly afin de garder des preuves du massacre des innocents, mais il n’a jamais pu les récupérer car, utilisant du film pour diapositives Kodachrome qui devait être développé dans un labo spécialisé en métropole, ses photos ne lui ont jamais été retournées. La censure qaulliste avait fait son oeuvre.
Quand j’ai été en âge de comprendre, il m’a parlé de ce massacre, et une de ses paroles me restera en mémoire pour toujours: » Les murs étaient couverts de sang jusqu’à 3 m de hauteur ».
Voilà, je préfère arrêter là car, même si je n’ai pas vécu directement la répression aveugle et sanguinaire du pouvoir, ce que j’ai entendu de la part de mes aînés sur le comportement de certains politiques et militaires pendant la guerre d’Algérie me ferait cracher sur le drapeau français.
Bonjour,
Merci pour ce témoignage.
Bonjour Antiislam,
cette horreur dont aucun media ne parle est une tache indélébile sur l’honneur de la France et prouve que notre soi-disant patrie des droits de l’Homme n’est que vaste mensonge quand son peuple se révolte.
Cinquante-six ans plus tard, les GJ étaient mutilés à coups de LBD40 et de grenades, sans que le pouvoir ne s’en émeuve, et certains menaçaient de faire tirer sur eux. Le massacre de la rue d’ Isly n’était pas loin…
Bien à vous.