En 1955, la France cherchait comment financer la Sécurité sociale de sa population musulmane en Algérie

Photo : faculté de médecine d’Alger,  fondée par les Français en 1909 : la médecine moderne s’installe en Algérie.

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Grandeur et misère de la santé en Algérie.

1ère partie : 1955, un défi financier pour la France (Historien)

2ème partie : la médecine française en Algérie, 1830-1902 (Médecin)

3ème partie : Algérie 2019 : la santé a mauvaise mine (Actualité)

 

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La France de 1955 face au  casse-tête  de l’Algérie française :

-l’ «extraordinaire accroissement de la population musulmane, conséquence de l’hygiène apportée par la France » entraîne des besoins d’argent vertigineux pour financer la sécurité sociale et  les prestations familiales.

-par ailleurs, face à des « masses rurales musulmanes » pauvres, la France doit absolument industrialiser l’Algérie.

 

L’historien Jacques Marseille : il a travaillé directement à partir des chiffres.

Son doctorat, obtenu en 1984 et bientôt publié sous le titre Empire colonial et capitalisme français : histoire d’un divorce (entre opinions), lui vaut une renommée savante immédiate et durable.

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Ses conclusions mettent à mal l’idée que l’Empire colonial ait eu des retombées financières favorables pour la France : après 1930 en particulier, il aurait surtout entravé la modernisation de son appareil de production.

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L’historien, au départ communiste, voulait montrer les bénéfices des colonies pour la France. Les faits sont têtus : il découvre le contraire en étudiant les statistiques.

Il quittera définitivement le communisme.

Outil de prédilection du marxisme comme de l’histoire quantitative de l’époque, l’exploration statistique des comptes du commerce extérieur et des sociétés coloniales avait en quelque sorte débouché sur un résultat contraire aux propres postulats de l’auteur, qui pensait mesurer les fruits récoltés par la métropole grâce à l’exploitation des colonies.

Source  Encyclopédie Universalis.fr

 

Voici un extrait, volontairement sans coupure, sans ajout, du texte de Jacques Marseille*.

 

Placés devant ces faits  objectifs, les pouvoirs publics avaient  donc une marge de manœuvre fort étroite. Pour sauver l’Algérie de la misère et de la rébellion, il fallait consentir de lourds efforts d’investissements et maintenir au moins le niveau de vie de la population indigène en prodigieux accroissement.

Pour créer des emplois et par là résoudre le problème des finances publiques, il fallait amorcer en Algérie une vigoureuse politique industrielle axée sur les industries de transformation. Mais pour engager cette politique d’industrialisation, il fallait renoncer aux injections artificielles de pouvoir d’achat  qui accroissaient plus rapidement la masse salariale que les profits, contribuant ainsi à la faible rentabilité des entreprises.

Telles étaient les limites  étroites à l’intérieur desquelles pouvaient se mouvoir les pouvoirs  publics, telles étaient les contraintes «  incommodes «  de la domination politique directe.

Contraintes dont le dénominateur commun était l’accroissement spectaculaire de la population à partir de 1948, accroissement qui  brisait l’équilibre entre population et ressources (Tableau II, p.I44).

A partir de cette date en effet, sous l’effet d’une intervention  accrue des pouvoirs publics dans le domaine de la santé disparaissaient les «  fléaux d’équilibre » (disettes et épidémies) qui avaient jusque-là écrémé périodiquement le surplus démographique.

Rien ne s’opposait plus désormais à l’accroissement cumulatif de la population musulmane, les prévisions démographiques effectuées en 1950 prévoyant un doublement de la population algérienne entre 1960 et 1980, dans l’hypothèse la plus pessimiste d’une fécondité constante.

Or, malgré les victimes de la guerre,  cette hypothèse a été confirmée. Elle projetait à 15,5 millions la  population algérienne en 1975. A cette date, elle s’éleva en fait à  16,7 millions.

Ce sont ces prévisions qui, au cours des années 1950, suscitent l’émoi des pouvoirs publics et les amènent à s’interroger sur les contraintes de souveraineté.

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En 1955, Paul Reynaud envoie cette lettre à Bourgès-Maunoury, ministre de l’Intérieur :

«  Mon Cher Ministre et Ami,

 Vous aurez sans doute lu, dans un numéro récent de L’Express, I’article de M. Sauvy évaluant à 400 milliards par an les dépenses que la France devra faire en Afrique du Nord, non pas pour élever le niveau de vie de la population, mais pour le maintenir en raison du taux de natalité qui fait que cette population aura plus que doublé en 25 ans.

 

Comme Président de la Commission des Finances, je suis très alarmé sur les conséquences financières de cette situation.

Il est manifeste que la France ne peut pas songer fournir un effort pareil. Dans ces conditions, je vous serais reconnaissant de bien me dire si vous êtes d’accord avec l’estimation de M. Sauvy, si vous ne pensez pas que, même si cette estimation était très exagérée, il y aurait lieu de laisser à l’Assemblée algérienne la responsabilité d’une diminution importante du train de vie de l’Algérie en mettant à la charge de la métropole les dépenses considérables d’investissements qui sont nécessaires.

J’ai été alerté à cet égard par la déclaration faite par M. Soustelle l’information suivant laquelle il estime que la métropole devrait supporter les budgets de l’Éducation et de la Santé publiques.

 

La pudeur du langage masque en fait un problème fort  trivial. Dans un  pays autonome livré à ses ressources propres un tel rythme d’accroissement démographique ne pose des problèmes qu’au gouvernement local. Dans les pays dominants, il ne suscite tout au plus que des déclarations de principe sur la nécessité de la solidarité internationale ou sur les causes du sous-développement.

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Mais dans le cas de l’Algérie que l’on cherchait à rattacher le plus étroitement possible à la métropole en accordant la citoyenneté française à tous les habitants du pays, il [le sous-développement] exigeait de la puissance tutélaire des investissements sociaux considérables.

En 1955, le rapport annuel sur le fonctionnement des régimes de sécurité sociale en Algérie, constatant le quintuplement en neuf ans des prestations versées au titre des allocations familiales, formulait cette conclusion pessimiste :

«  En ce qui concerne les allocations familiales du secteur privé, il importe de remarquer que le financement de celles-ci a atteint la limite de ses possibilités dans le cadre des charges sociales actuellement supportées par l’Algérie. Cette situation laisse prévoir que, dans un proche avenir, le volume des prestations familiales servies étant en augmentation constante par rapport une stabilisation relative des recettes, la question se posera de trouver des ressources nouvelles que la seule économie de ce pays n’est pas en situation de fournir ».

Cette distorsion entre la croissance démographique et la structure d’une  économie arriérée  contraignait donc le Trésor Public métropolitain à prendre en charge les dépenses publiques algériennes  d’investissements, voire même de simple fonctionnement.

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«  Conditionné par la croissance démographique et les nécessités sociales, notait encore le rapport Maspétiol, le budget ordinaire de l’Algérie tend à acquérir, en dépenses, une structure analogue à celle du budget de la Métropole. L’évolution des recettes d’origine locale, par contre, est essentiellement fonction du développement de l’économie ».

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 Le Figaro du 2 octobre 1955 analysait en fait très bien la contrainte de souveraineté quand il écrivait :

« Algérie : ce que nul Français ne doit ignorer.

Le fait dominant de l’Algérie 1955, c’est l’extraordinaire accroissement de la population musulmane, conséquence de l’hygiène apportée par la France, mais le développement économique ne va pas, hélas! à la même allure. Tel est le fond du problème algérien. Il ne peut manquer d’avoir des incidences politiques. Mais les remèdes politiques seront insuffisants pour sortir de l’impasse sans une amélioration rapide et substantielle du niveau de vie des masses rurales musulmanes dont la moitié meurt lentement de faim. C’est en intensifiant considérablement sa politique d’investissements agricoles et industriels pour laquelle elle a déjà consenti de gros sacrifices que la France sauvera l’Algérie de la misère, bouillon de culture et de rébellion.

Pour offrir du travail à une main-d’œuvre pléthorique, pour augmenter le niveau de vie, pour stabiliser à terme les concours du  trésor public métropolitain en accroissant la pression fiscale supportée par la population algérienne, il fallait industrialiser l’Algérie.

* Empire colonial et capitalisme français : histoire d’un divorce, Seuil format poche, pages 142,143,144,145.

 

http://resistancerepublicaine.com/2018/02/03/epoustouflant-la-nullite-crasse-de-lalgerie-expliquee-par-les-siens/

http://resistancerepublicaine.com/2019/04/14/une-solution-a-la-desertification-medicale-envoyez-les-marabouts-dans-nos-campagnes/

https://resistancerepublicaine.com/2019/07/22/algeriens-il-faut-en-finir-avec-ce-probleme-de-salete-qui-vous-gangrene-et-vous-humilie/

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13 Commentaires

  1. Et si 1 français part plus de 3 mois hors de FRANCE , la SS ne le couvre plus
    Retraité après 43 ans de cotisation à la SS il me faut cotiser à une assurance mi privée , mi publique … enfin la CFE pour espérer une couverture à peine égale à la SS et n ‘ être couvert qu ‘à 80 %
    cout 113 / mois CFE + mutuelle santé 85 /mois pour 2019
    pour 2020 CFE +5% & mutuelle + 3,5 %
    et la retraite CNAV combien de revalorisation >> 0,3 % la dernière fois
    la complémentaire 1 %

    https://www.cfe.fr/assurance-sante?gclid=CjwKCAiAws7uBRAkEiwAMlbZjvqDsW7zou14wFJ6jfhcEJLEB9ateyslYmwOmwfzzGyOs3iU-v8efhoCZVgQAvD_BwE

  2. Ben aujourd’hui, la solution a été trouvée, les métropolitains cotisent pour eux et tout le reste de l’Afrique.
    Mais cela ne se voit pas trop puisqu’ils sont chez nous.

  3. Je tiens d’une amie qui travaille a la sécu que les étrangers travaillant en France bénéficient de la couverture sécu pour leur famille la bas au pays !!

    • C’est en vigueur depuis quelques années déjà.

      https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F12859

      Les membres de votre famille sont également couverts en France, qu’ils y résident ou pas. S’ils continuent à résider dans votre pays d’origine, vous devez demander le document S1 (attestation pour l’inscription des membres de la famille du travailleur salarié ou non salarié) à votre caisse d’assurance maladie en France. Vous devez le remettre ensuite à l’organisme d’assurance maladie compétent à l’étranger, afin que les membres de votre famille y soient enregistrés.

      • « Les membres de votre famille sont également couverts en France, qu’ils y résident ou pas.  »

        Je croyais qu’il fallait résider quand même un temps minimal en France ?

        Parce que c’est bizarre je trouve comme pratique. J’ai connu des gens dont la fille était partie en Angleterre, et quand elle est revenue en France, il sont été obligés de payer sa sécurité sociale (bien Française elle pourtant !).

        En plus, comme dans ces pays étrangers on peut travailler « au noir » je suppose, sans problème pas comme en France, ils sont salariés là-bas si ça trouve…

        On a vraiment de drôles de législations en France.

    • Et j’ai vu hier un article qui disait que beaucoup de Français(je ne me souviens plus du pourcentage mais le nombre était conséquent) renonçaient à se soigner en raison du reste à charge (merci Sarkosy !)…

      Et « on » trouve normal que des gens qui n’ont jamais payé, ni cotisé,ni construit de notre système social, soient soignés « eux » gratuitement….Il fut vraiment être de gauche pour ne pas être questionné par cette discrimination parfaitement injuste et même incroyable

  4. C’est très bien de replonger dans l’Histoire car cela remet les pendules à l’heure, l’Histoire laisse des traces et là bien écrites donc preuves.

    La France a vraiment beaucoup donné à tous les niveaux, on le savait déjà mais vu comme ça… c’est encore plus flagrant.

    De plus, on s’aperçoit que rien n’a changé…. et on continue (quand même cela fait répétition névrotique).

    Alors au lieu de « rendre » des objets aux anciennes colonies qui, entre parenthèse, n’ont même pas à être rendus, les politiques feraient mieux de réclamer « dédommagements » pour tout ce que la France a investi dans ces pays.

    Et ils ont l’immense culot (parmi d’autres, on l’a vu récemment) de dire que la France leur doit quelque chose !

    PS : malgré les possibilités de contraception, ils n’ont rien compris à la régulation des naissances apparemment….
    Mais c’est vrai que « y’a bon » les allocs, un enfant ça rapporte !

    Finalement, ils ont bien assimilé, à défaut du reste, la politique d’assistanat du Gouvernement Français. Comme quoi, quand ils veulent assimiler…, ils peuvent. Ils ont donc des capacités inemployées ou mal employées à ce jour.

    Il serait grand temps que ces sang-sues coupent le cordon ombilical d’avec « Maman France » pour prendre leur autonomie… là-bas.

    Moi je dirai carrément : pourquoi mes ancêtres et ascendants sont-ils allés aider ces pays-là…. ?

  5. pas de souci!

    soixante cinq ans plus tard,il sont tous en France , quand a la sécu, avec 20 millions de cartes vitale bidons …………..

  6. Le regretté Daniel Lefeuvre–au parcours très voisin de celui de Jacques Marseille : à ses débuts militant aux jeunesses communistes …– pensait faire un modèle d’une thèse universitaire qu’il avait tenté de rédiger dans le but de démontrer les horreurs du colonialisme français …
    Quand il a découvert quelle était la réalité après s’être immergé dans des données purement comptables, il a pris un virage à 180° et a écrit « Chère Algérie », puis « Pour en finir avec la repentance coloniale ».
    Ces deux ouvrages, un peu rébarbatifs car construits principalement sur des données chiffrées, établissent bien que la France s’est épuisée à essayer de sortir l’Algérie de sa situation de famine endémique et en la pourvoyant d’équipements nécessaires à son développement (voies ferrées, routes, barrages, centrales électriques, aéroports, écoles, fac de médecine etc…) au point qu’il y avait plus de lits d’hôpitaux par habitant qu’en France même !!….
    Ces mêmes efforts en équipement valaient également pour les autres pays de son « empire colonial » …
    In fine, l’outil industriel se reposant beaucoup sur des marchés captifs, ce boulet colonial a plutôt retardé la modernisation de nos industries, par rapport à nos concurrents européens… Donc oui, Président macron, faites donc l’effort de vous instruire en vous plongeant dans ce genre de littérature complétement occultée, bien sûr, des bibliothèques de l’Education anti-Nationale, ainsi que certainement de l’Elysée et du Sénat !!… Beurkhhhh !!…

  7. Si un descendant du duc d’Aumale voulait bien se donner la peine de reconquérir l’Algérie, nous lui en serions reconnaissants.

  8. Très judicieux rappel! Nous voyons que même les projections les plus pessimistes sur la population- à fécondité constante- ont été dépassées!! Donc plus de gnards, et plus de vieux centenaires toujours gaillards dirait-on.. C’est pourquoi c’est chez nous que Bouteflika vient se faire réanimer chaque année…
    Je pense qu’on devrait étendre la projection à tous les migrants « CPF »issus des ex colonies de l’Afrique subsaharienne pour faire tâter au maqueron notre puissance génocidaire!
    Qu’ont ils donc fait du gaz et du pétrole? Qu’ont-ils fait de leurs ports, de leurs villes, des vignobles, des orangeraies?? Et la France qui maintenant restaure la kasbah d’Alger!! Pourquoi ne pas promouvoir alors l’exploitation massive des ressources commerciales parallèles, comme sait si bien le faire le royaume voisin ?

  9. Les français n’ont pas eut pour la population algérienne le même regard que les américains sur les amérindiens. Et ça se voit à sa démographie.
    Et au final, ils nous accusent quand même.
    L’algérie française était un boulet pour la France, maintenant la FRANCE ALGÉRIENNE devient un véritable TROU A MERDE pour les Français de France

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