Italie : les risques politiques du tout sauf Salvini

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A lire, ci-dessous, le point de vue de Christophe Bouillaud sur les négociations en cours en Italie et ce qui peut en advenir.
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Atlantico : Le quotidien italien La Repubblica a salué cette initiative parlant “d’un gouvernement pour une Italie qui renaît”. Pourtant, en jouant la stratégie du “tout sauf Salvini”, l’opposition ne joue-t-elle pas un jeu dangereux ? Tenter de barrer la route à tout prix à Matteo Salvini ne pourrait-il pas un avoir un effet plus dommageable sur le pays que de le laisser en prendre les rênes ?

Christophe Bouillaud : La réponse à vos questions dépend de l’image que l’on se fait des politiques publiques qui seraient menés par un gouvernement Salvini. Sur le plan sécuritaire et de lutte contre l’immigration illégale, cela ne serait probablement que l’approfondissement de ce qui a déjà été fait depuis juin 2018 avec le dit Salvini comme Ministre de l’Intérieur, à savoir l’application du «Décret Sécurité Bis » qui vient d’être voté par l’ancienne majorité M5S/Ligue.

Sur le plan économique et social, Salvini réclamait à ses alliés du M5S une forte baisse de l’imposition des particuliers (« flat tax ») et des petites et moyennes entreprises, tout en refusant d’imposer des contraintes supplémentaires sur la vie économique (dont l’instauration d’un salaire minimum interprofessionnel, voulu par le M5S). Il promettait aussi de relancer tous les chantiers publics arrêtés ou ralentis depuis des années, dont bien sûr le nouveau tunnel franco-italien destiné à permettre une traversée à grande vitesse des Alpes, qui a été le point déclencheur de la crise estivale avec le M5S. Tout le problème est que cette relance, financièrement très coûteuse, « à la Trump » – ou à la « Reagan » ?-  aurait été presque à coup sûr hors des clous des règles européennes de bonne gestion des comptes publics, que l’Italie s’est engagée à suivre pour participer à la zone Euro.

De fait, avec Salvini aux affaires, décidé à appliquer son programme électoral de baisse drastique des impôts des Italiens et de hausse des dépenses publiques d’investissement , la probabilité d’un conflit majeur avec la Commission européenne sur les comptes publics était très forte, surtout que ce dernier voulait se prévaloir du soutien majoritaire des électeurs italiens pour faire plier la Commission européenne et les autres Etats de la zone Euro.

Si l’on pense que l’Italie doit absolument changer de politique économique pour se sortir de l’anémie économique qu’elle connait depuis plus de 20 ans, on regrettera bien sûr que Matteo Salvini n’ait pas pu mettre à exécution son plan, et, inversement, si l’on pense qu’il s’agissait d’une folie vu le niveau d’endettement du pays, on poussera un soupir de soulagement.

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Pour ce qui est des deux partis, qui s’apprêteraient à gouverner ensemble, le M5S et le PD, le risque est d’une part que la situation économique se dégrade encore plus en raison de la conjoncture internationale et qu’ils soient donc rendus responsables par les Italiens de cette dégradation, laissant à Salvini le beau rôle du prophète inécouté, et que, d’autre part, leur politique migratoire et sécuritaire apparaisse comme laxiste au regard de l’extraordinaire fermeté affichée de Salvini, fermeté qui faisait un peu fi, et c’est un euphémisme, du droit international maritime.

Enfin, si cette alliance se révélait fragile, et s’il fallait finalement voter au printemps 2020, il est probable que Salvini serait en très bonne position pour gagner. Cependant, les deux partis peuvent en urgence changer la loi électorale pour éviter que ce dernier ne profite de la loi actuelle qui donne de fait une bonne possibilité d’avoir une majorité dans les deux chambres, nécessaire pour gouverner, à un parti ou une coalition de partis atteignant autour des 40% des suffrages exprimés. Cela consisterait sans doute à revenir à la proportionnelle pure.

Alors que Salvini et la Ligue ont très largement remporté les élections européennes, en cherchant à tout prix à le mettre hors-jeux l’opposition ne risque-t-elle pas de se mettre une partie de la population à dos (la partie qui était favorable à la coalition par exemple) ?

Bien sûr, la plupart des électeurs de la Ligue et du petit parti nationaliste allié à cette dernière (« Frères d’Italie », FdI) vont trouver saumâtre la solution trouvée par le M5S et le PD pour éviter des élections anticipées. En revanche, la majorité de l’électorat n’avait sans doute pas très envie d’être appelé aux urnes cet automne. De fait, lorsqu’il est tombé, le gouvernement Conte était encore populaire. En effet, contrairement à ce qu’une stratégie plus avisée lui aurait recommandée, Matteo Salvini a fait éclater cette crise politique sans que le tréfonds du pays soit concerné. Si j’ose dire, la situation apparaissait aux Italiens ordinairement médiocre, comme depuis des décennies, mais pas catastrophique. A cette crise,  il n’y avait donc pas de prétexte très clair pour l’Italien ordinaire, qui se désintéresse d’ailleurs en majorité de la politique. Du coup, il est possible que, dans un premier temps, la popularité de Salvini en pâtisse.

Enfin, alors que la crise politique italienne devient crise économique, ces gesticulations de la classe politique interne et leur guerre interne ne risque-t-elle pas de lasser très largement la population italienne ? N’est-ce pas là une bien mauvaise stratégie ?

Tout dépend ensuite de la manière dont un gouvernement M5S-PD fonctionnerait. Depuis son entrée en fonction en juin 2018, le gouvernement M5S/Ligue n’a cessé d’être agité de soubresauts dus à des polémiques incessantes entre alliés, le plus souvent lancées par une initiative de Salvini d’ailleurs. Si le gouvernement M5S/PD continuait sur un registre similaire de chamaillerie permanente, il est probable que sa popularité s’écroulerait rapidement. 

Et cela d’autant plus que ce possible gouvernement M5S/PD aura face à lui un opposant résolu, Matteo Salvini. Un des avantages du gouvernement Conte fut en effet d’avoir une opposition qui se cherchait un chef. Le Parti démocrate a mis en effet des mois et des mois à se choisir un nouveau leader, et le déroulement de la crise actuelle montre bien que ce leader, Zingaretti, opère au sein d’un champ de force partisan qu’il ne maîtrise pas entièrement. Salvini, pour l’instant, est devenu le seul leader de la droite italienne. Berlusconi est âgé et en déclin. Le petit parti, Frères d’Italie, est dirigé par une femme, bonne cliente des médias certes, mais une femme tout de même, ce qui ne lui permet pas dans le contexte italien d’ambitionner au leadership de tout ce camp de la droite.

De plus, face à un gouvernement M5S/PD, nécessairement mieux en cour avec la nouvelle Commission européenne, Matteo Salvini pourrait jouer à plein de sa rhétorique eurosceptique, et de son nouveau nationalisme. 

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9 Commentaires

  1. Si les Italiens laissent passer la formidable chance qu’ils ont d’avoir un chef patriote avec Salvini, qui a réussi à échapper au troupeau des politiciens soumis, ils peuvent être certains que ça ne se renouvellera pas, le système a commis l’erreur de laisser Salvini monter au plus haut niveau possible de notoriété, il ne commettra pas deux fois la même erreur, les prochains seront ficelés bâillonnés surveillés comme le lait sur le feu, comme chez nous en fait, je me demande souvent comment les Français ont pu voter pour quelqu’un que personne ne connaissait un mois avant qu’il ne se porte candidat, on me répondra les médias, non !, moi je réponds peuple d’abrutis c’est plus réaliste

  2. jojo ( le plombier )
    27 août 2019 at 18 h 52 min
    Che camurria !
    merci Jojo
    y a 60 ans que je n’ avais plus entendu ce juron si fréquent a la “piccola sicilia” du Bourraz de goulette vieille !

    • moi aussi j’avais oublié cette expression…..je vais y revenir tellement elle revient dans notre vie ma che camurria ……que ce soit en Italie ou en France..

  3. Cela montre encore une fois que ceux qui ambitionnent les places sont prêts a tout , au diable les intérêts réels du pays ! en France nous avons le même cancer parmi nos élites , j’espère que l’Italie va se ressaisir et soutenir a fond Salvini , l’Europe patriote a aussi besoin de Salvini .

  4. Toutes ces coteries politiciennes sont hors sol par rapport au risque de tsunami migratoire !!….
    Prenons simplement l’Egypte = au moins 100 millions de personnes aujourd’hui !!.. Le Caire au moins 25 millions !!!…. 60% de moins de 30 ans !!.Surpopulation des espaces urbains !!…Epuisement des ressources naturelles, notamment agricoles !!… Frustration sociale grandissante !!…
    Idem pour tous ces pays de la rive sud ….Idem pour toute l’Afrique !!…Le tout mobilisable par l’islam !!…
    Bref, nul besoin d’être un grand expert en géostratégie pour imaginer ce qui va nous tomber sur la tronche !
    Et pendant ce temps là ça discutaille sur la pma, la gpa, les fessées, les gros mots, les points de retraite, l’avis des syndicats, du pape de mé2 etc..etc..
    Les positions de nozélites politiques est tout bonnement surréaliste face au danger actuel !

    • Je suis d’accord avec vous sur le fait qu’on discutaille – aujourd’hui à Rome, pour ainsi dire – du genre des queers comme naguère à Constantinople du sexe des anges, alors que la déferlante afro-barbaresque, jointe à notre dénatalité hédoniste, trucide à grande vitesse par sa submersion migratoire notre civilisation pourtant multi-bicentenaires. Mais on aime tant nos nouveaux anges – à Résistance Républicaine comme chez Hollande/Macron, d’ailleurs – qu’on ne peut pas s’empêcher d’y consacrer une part non négligeable de notre énergie, quant bien même il y a péril grave en la demeure.
      Le Progrès ne doit pas attendre. Il est notre religion physique plutôt que métaphysique, et il est temps que les sexualités “étranges” puissent s’épanouir de plein droit. No pasarán.

    • De tout coeur avec vous cher Conan, vous n’habiteriez pas dans le Var des fois?

  5. Che camurria ! en Italie comme en France le passage du rêve au principe de réalité est douloureux. on découvre la vraie nature de cette Europe qu’on nous a vendue comme un idéal idyllique au service des peuples et qui s’impose aujourd’hui comme un carcan totalitaire au service de salopards manipulateurs une bande de financiers forcement apatrides qui place ses pions. Le plus beau c’est que certains en redemandent ! pauvre Italie et pauvre de nous peuple français soumis au pion Macronien. Oui Che camurria !

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