Loin, très loin de moi, de critiquer les grandes fortunes. Mon respect pour les vrais entrepreneurs qui font fortune grâce à leur prise de risque, leur créativité, leur opiniâtreté face aux échecs, leur capacité de rebondissement pour finalement atteindre le Graal est immense. Mon immense respect pour l’entreprise n’a d’égal que mon plus grand mépris pour les prédateurs financiers, ce genre si bien décrit dans l’ouvrage de Catherine le Gall et Denis Robert : « Les Prédateurs », paru au Cherche Midi. Les prédateurs, souvent agissent contre l’Etat. En conséquence contre nous, en nous dépossédant avec bonne conscience pour s’enrichir. « Les Prédateurs » est à ce sujet une riche enquête sur ces salauds sans scrupules. Ces parasites sans humanité, sans conscience, que le souci de l’enrichissement rapide pour des mises modestes, peu importe qu’ils écrasent au passage les classes moyennes qu’ils dépossèdent au passage.
Il est vrai que pour les uns, comme pour les autres, le système français est d’une grande générosité, afin, prétend le système, de les garder sur notre territoire, où ils payent des impôts desquels nous ne saurions nous priver. Ce que le système omet soigneusement de nous dire, est que les uns comme les autres, pas tous, savent parfaitement se dérober à leur responsabilité, qui consiste à participer à la solidarité nationale. Une armée d’avocats très compétents, aux honoraires pharaoniques, effectue des montages savants qui les font se soustraire à l’impôt en toute légalité.
C’est ce drame national de Notre Dame et ses « généreux » donateurs qui me plongent dans ces réflexions.
François Pinault, PDG d’ARTEMIS, propriétaire de marques de luxe regroupées dans le groupe KERING : https://www.groupeartemis.com/categorie-participations/luxe/ annonce le premier qu’il fera don de 100 millions d’€ pour la restauration de la cathédrale martyrisée par l’incendie. Plus tard dans la journée, c’est Bernard Arnaud, PDG de LVMH qu’on ne présente plus, premier groupe mondial du luxe, une fierté nationale, annonce qu’il offrira 200 millions €. Les enchères entre les deux rivaux viennent de monter. Une habitude entre les deux familles qui brillent par leurs investissements dans l’art et les musées, le rachat de grandes marques de luxes. A qui aura la plus belle collection, à qui aura le plus beau musée, a qui aura les meilleures marques. Arnault, l’esthète, marié à une pianiste, musicien lui-même, dégaine après que Pinault père se paye le prestigieux Palazzo Grassi à Venise, dirigé par un certain Jean-Jacques Aillagon, en construisant son musée extraordinaire : « La Fondation LVMH » dans le bois de Boulogne, dont l’architecte est Frank Gehry. S’y tiennent les plus belles expositions, des concerts de haute facture, pour la plus grande joie du public. Je me souviens comment le froid Arnault a fait main basse sur Louis Vuitton. Le début de sa « success story » qui le conduit à devenir l’homme le plus riche de France et la quatrième fortune mondiale selon le magazine américain FORBES. https://www.lesechos.fr/22/06/2007/LesEchos/19944-077-ECH_lvmh–un-empire-du-luxe-construit-en-vingt-ans.htm
Ce n’était pas très glorieux. Les articles sur cet épisode de prédateur ont disparu du net, comme celui-ci : https://www.lesechos.fr/22/06/2007/LesEchos/19944-077-ECH_lvmh–un-empire-du-luxe-construit-en-vingt-ans.htm qui indique que l’article n’est plus disponible. Il faut avoir les moyens pour se faire effacer et se refaire une virginité sur Google ! Et puis, ne l’accablons pas trop, il créé des emplois, c’est son argument qui tue toute contestation.
Revenons à nos moutons.
Quelque temps après l’inauguration de la Fondation LVMH, Pinault fils suit, en rachetant en plein centre de Paris la Bourse du Commerce pour y abriter sa collection. Le Palazzo Grassi à Venise abrite la collection d’art moderne et contemporain de François Pinault père. François Pinault a fait sa fortune dans le bois. Il a largement contribué à la déforestation de la planète. C’est lui qui a racheté la BECOB l’entreprise d’André Lévy, père de BHL. Je passe les détails décrits ici.
Voilà pour le tableau des premiers donateurs pour la restauration de Notre Dame de Paris. On suivit les Bettencourt, propriétaires de l’OREAL, d’autres moins fortunés, mais faisant partie des plus riches du pays, comme les Bouygues, Marc Ladreit de Lacharrière, les Decaux …
Spontanément, les médias aux ordres, les Français, applaudissent devant cette « générosité spontanée ». Pour eux, les riches se mobilisent pour une grande cause nationale. Pour eux, c’est suffisamment rare pour être chaleureusement applaudi, les larmes aux yeux, que le cœur martyrisé de notre culture, de notre civilisation, de notre identité et de notre universalité soit sauvé par les plus grandes fortunes du pays et d’ailleurs. Sauf que …
Sauf que, si on y regarde plus prêt, ces dons bénéficient d’importantes réductions fiscales. Et ces réductions fiscales, qui sont encore à hauteur de 60%, qui devra les payer ? Eh bien nous, le lambda, le salaud de peuple. Cerise sur le gâteau, le valet de ces messieurs, Jean-Jacques Aillagon, éphémère ministre de la culture de Jacques Chirac, un énarque évidemment, a sutoffrir aux mécènes une loi portant son nom que vous pouvez découvrir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_relative_au_mécénat,_aux_associations_et_aux_fondations
Pinault, devant tant d’indécence, vient d’annoncer qu’il renonce aux 60% concernant son don de 100 millions. Prenons-en acte, mais les autres ?
Aillagon, comme j’y fais allusion plus haut, fut engagé par François Pinault père, ami de Jacques Chirac, pour diriger le Palazzo Grassi. Pour bons et loyaux services en ayant fait passer la loi sur le mécénat ? Bref, Aillagon est le pantouflard type. Ce genre de parasite qui pollue la vie sociale française et qu’on aimerait voir disparaître.
La dernière trouvaille de Jean-Jacques Aillagon, la voix de ses maitres, est ouvertement inscrite sur sa page Twitter que je vous livre ici. Ce qui signifie que c’est vous, Mesdames et Messieurs, si cette nouvelle proposition Aillagon passe, c’est vous qui allez régler 90% des « dons généreux » des plus fortunés de notre pays. Cela mérite-t-il toujours vos applaudissements enthousiastes ?
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Encore une fois, on marche sur la tête !
C’est absolument débile.
Ils appellent cela un don ????? J’aimerais comprendre:
L’Etat fait appel aux dons.
Des donateurs se manifestent…
L’Etat leur rembourse la majeure partie de ce qu’ils auront versé.
C’est proprement (façon de parler) incroyable !
Pour résumer, plus les fortunés « donnent », plus (indirectement) le contribuable donnera en payant une partie de leurs impôts… Cela, bien sûr,en plus de ses dons personnels. La nuance est dans les guillemets !
Ecoeurant !
Je pensais, naïvement, qu’un don était un don !
Il semblerait que ce ne soit qu’un tour de passe-passe…
(Je sais que je n’emploie pas les mots qui conviennent. J’ai encore un peu de pudeur).
Les « petites gens » donnent, sans retenue, avec sincérité, sans calcul, avec émotion; avec le coeur et sûrement beaucoup de Grandeur d’âme !
En un autre temps l’on appelé cela de la Noblesse même chez les gueux !
Je déplore depuis longtemps que le montant d’un don pour une cause, une oeuvre, une activité d’assos ou syndicale soit restitué à plus de 50%.
Avec cela, tout n’a plus le même sens !
Oui, mais nous aussi petits contribuables bénéficierons de cette réduction d’impôt de 60 % voire 90 % si modification Aillagon ? En ce qui me concerne, je préfère donner pour la reconstruction de N.D. qu’à l’État…
Chère Louisa, vous n’avez pas compris que l’état, c’est nous ?
L’État, c’est aussi des hordes d’immigrés à nourrir, loger, soigner, bichonner d’allocations, etc…Je préfère choisir à qui je donne…
Bravo pour cet article. C’est d’autant plus scandaleux que la France est le seul Etat à prévoir à ce sujet une réduction d’impôt et non une déduction de charge.
https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/mecenat-le-gouvernement-veut-revoir-les-niches-fiscales-139239
La nuance ?
Sur 100.000 euros de revenus, taxés selon une hypothèse fantaisiste à un taux de 25%, la réduction d’impôt va amputer le montant final de l’impôt. Si elle est de 50% du don, à supposer un don de 10.000, l’impôt dû sera :
(100.000/ 4) = 25.000
– ( 10.000 / 2 ) = 20.000
Si c’est une déduction de charge égale à 50% de la dépense de mécénat, au contraire, l’impôt sera plus important :
100.000 – 5.000 = 95.000
/ 4 = 23.750.
Or, même si la dépense de mécénat procède d’une intention altruiste, elle relève avant tout de la politique de l’entreprise qui fait le don et non de la politique de l’Etat décidée au nom du peuple dans les lois de finances et le vote du budget de la nation. Le mécénat participe donc d’un ultralibéralisme destiné à conforter le pouvoir des hyper-riches.
Si, comme l’auteur de l’article, je respecte l’idée d’entreprise privée (mais dans une certaine limite : les labos pharmaceutiques et les pharmacies devraient selon moi être nationalisés par exemple), je doute que la fortune des milliardaires soit vraiment légitime tant les forces d’un seul homme – connais-toi toi-même ! – ne permettent pas de bâtir un empire financier. De telles fortunes sont à mes yeux toujours suspectes tant il est par ailleurs difficile de savoir exactement de quoi elles se nourrissent (à moins de faire une confiance aveugle aux administrations fiscales, financières, aux procureurs, etc. … à moins d’ignorer les liens de certains avec des hommes politiques très puissants… Bref !)