Novlangue : la “radicalisation” au Journal officiel pour éradiquer le radical “islam”

« Commission d’enrichissement de la langue française » : la radicalisation, concept créé ex nihilo.

Parlait-on couramment de « radicalisation » et de « déradicalisation » avant les attentats islamistes ?

La réponse implicite apportée par la « Commission d’enrichissement de la langue française » au Journal officiel du 7 décembre est négative. C’est un aveu. Mais c’est aussi une étape supplémentaire dans l’avancée de la « novlangue » promue par le gouvernement français.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037769128&dateTexte=&categorieLien=id

 

« Le dispositif d’enrichissement de la langue française a pour mission première de créer des termes et expressions nouveaux afin de combler les lacunes de notre vocabulaire et de désigner en français les concepts et réalités qui apparaissent sous des appellations étrangères. Placée sous l’autorité du Premier ministre et coordonnée par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), la Commission d’enrichissement de la langue française repose sur un réseau de 19 groupes d’experts des domaines scientifiques et techniques répartis dans 13 ministères, et travaille en concertation permanente avec des partenaires institutionnels comme l’Académie des sciences, des universitaires spécialistes de la langue, mais aussi des membres d’organismes de normalisation (AFNOR) et des responsables de la politique linguistique des pays francophones.
Une fois validés par l’Académie française, les termes sont publiés au Journal officiel de la République française ; ils sont d’usage obligatoire dans les administrations et les établissements de l’État et servent de référence, en particulier pour les traducteurs et les rédacteurs techniques »

(source : ministère de la culture http://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/Politiques-de-la-langue/Enrichissement-de-la-langue-francaise/Le-dispositif).

 

La fournée du 7 décembre répertorie un certain nombre de mots effectivement à la mode.

Tous correspondent à une traduction de termes étrangers, donc une francisation, sauf deux intrus : « radicalisation » et « déradicalisation »…

Voici le tableau récapitulatif, en effet :


TERME ÉTRANGER (1)

DOMAINE/SOUS-DOMAINE

ÉQUIVALENT FRANÇAIS
commissioning parent, intented parent.Sciences humaines-Droit/Droit de la famille.mère, père d’intention.
cyberbullying, cyberharassment, cyberstalking, Internet bullying, online bullying.Droit-Informatique.cyberharcèlement, n.m.
cybercrime.Droit-Informatique.cybercriminalité, n.f.
cyberharassment, cyberbullying, cyberstalking, Internet bullying, online bullying.Droit-Informatique.cyberharcèlement, n.m.
cyberterrorism.Droit-Informatique.cyberterrorisme, n.m.
intented parent, commissioning parent.Sciences humaines-Droit/Droit de la famille.mère, père d’intention.
Internet bullying, cyberbullying, cyberharassment, cyberstalking, online bullying.Droit-Informatique.cyberharcèlement, n.m.
mouse jacking.Droit-Automobile.vol par effraction électronique, vol à la souris.
online bullying, cyberbullying, cyberharassment, cyberstalking, Internet bullying.Droit-Informatique.cyberharcèlement, n.m.
revenge porn, revenge pornography.Droit-Informatique.pornodivulgation, n.f.
Il s’agit de termes anglais, sauf mention contraire.

 


TERME FRANÇAIS

DOMAINE/SOUS-DOMAINE

ÉQUIVALENT ÉTRANGER
cybercriminalité, n.f.Droit-Informatique.cybercrime.
cyberharcèlement, n.m.Droit-Informatique.cyberbullying, cyberharassment, cyberstalking, Internet bullying, online bullying.
cyberterrorisme, n.m.Droit-Informatique.cyberterrorism.
déradicalisation, n.f.Droit.
mère, père d’intention.Sciences humaines-Droit/Droit de la famille.commissioning parent, intented parent.
pornodivulgation, n.f.Droit-Informatique.revenge porn, revenge pornography.
radicalisation, n.f.Droit.
vol par effraction électronique, vol à la souris.Droit-Automobile.mouse jacking.

 

Si « radicalisation » et « déradicalisation » ont été créées ex nihilo, on ne peut pourtant pas les mettre sur le même plan que les termes issus de la pratique anglo-saxonne, qui semble-t-il, a toujours un « temps d’avance » (selon une certaine conception du progrès!) sur la France…

 

La définition de la « radicalisation », présentée comme un terme juridique (mais alors totalement nouveau, alors que notre droit s’alimente d’une tradition plurimillénaire), est la suivante :
«
 processus par lequel un individu ou un groupe en vient à justifier, au nom d’une idéologie, le recours à la violence comme mode d’action ».

La déradicalisation ? On aurait pu la définir comme un « fantasme qui n’existe que dans la tête des bien-pensants ». Mais non, la commission fait comme si ça pouvait fonctionner…

« Processus par lequel un individu ou un groupe radicalisé est conduit à abandonner une idéologie légitimant la violence comme mode d’action ; par extension, politique publique appliquée à un individu ou à un groupe radicalisé afin de l’inciter à renoncer à la violence ».

 

Bref, surtout ne pas stigmatiser, surtout ne pas suggérer comment ce terme a pu émerger ces derniers temps au côté des mots de la famille du « cyber », dont la légitimité est réelle puisque liée à l’évolution technologique, ainsi que de mots comme « mère d’intention » qui ont trait à l’insémination artificielle.

 

Tous les nouveaux mots sauf ces deux-là ont trait à l’évolution scientifique ou informatique, par exemple « revenge porn » est traduit par « pornodiffusion » : « action de divulguer, afin de nuire à un tiers et sans son consentement, un enregistrement ou tout autre document à caractère sexuel le concernant, que celui-ci ait été ou non réalisé avec son accord ».

Cherchez l’intrus, là encore !

 

Comment expliquer autrement que par une volonté gouvernementale de manipuler – puisque la Commission est sous l’autorité du Premier ministre – la promotion de « radicalisation » et « déradicalisation » au rang des concepts juridiques légitimes, sans jamais parler d’islam, pour éviter de parler d’islam ?

 

En effet, les tentatives de « déradicalisation » se sont soldées par un échec notoire.

http://resistancerepublicaine.com/search/d%C3%A9radicalisation

La notion relève de l’anecdote et de l’idéologie, pas de la science du droit. Elle n’a pas d’avenir au vu de l’échec des tentatives de « déradicalisation ». Elle n’a pas fait ses preuves, donc n’a pas vocation à s’inscrire dans la durée. Dès lors comment peut-on le 7 décembre 2018, malgré l’unanimité quant à l’échec des politiques publiques à ce sujet ces dernières années, promouvoir une telle notion ?

 

On avait déjà dénoncé en mai 2016 l’utilisation du concept de « radicalisation » par le Conseil d’Etat. Il nous semblait en effet obscurcir son discours et participer d’un politiquement correct contestable :

http://resistancerepublicaine.com/2016/05/18/terrorisme-quand-le-conseil-detat-joue-au-taboo/ .

On ne peut donc que regretter l’utilisation préconisée officiellement de ce terme et de son contraire, qui a pour but de dissuader de recourir au principe de précaution en matière d’islamisation.

 

Plusieurs articles, dont celui de M. Jean Lafitte, ont rappelé qu’autrefois, jusqu’au développement sous l’égide de l’Etat de l’immigration musulmane, on utilisait couramment l’un pour l’autre « islam » et « islamisme » :

http://resistancerepublicaine.com/2016/09/05/document-de-1697-islam-et-islamisme-sont-deux-synonymes/

La novlangue avait conduit alors à distinguer pour « ne pas stigmatiser ».

Désormais la « novlangue » déploie de nouveaux trésors d’imagination, en cherchant à évacuer le radical – c’est le cas de le dire ! – « islam » afin de faire ce dont ils rêvent depuis longtemps : évacuer l’islam de la problématique du terrorisme.

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4 Commentaires

  1. C’est vrai que c’est un piège ce terme . Qui peut juger de son degré sinon les propres spécialistes concernés que sont les imams eux mêmes .Est ce une radicalisation par rapport à nos conceptions de ce que doit être une religion dans un cadre laïc où celle des musulmans ?. Ce qui pour nous est du prosélytisme envahissant n’est pour eux que le bon suivi du dogme.
    Et quelle valeur peut on donner au jugement de cette religion par des politiques qui sont directement intéressé par le vote musulman?
    On voit bien que c’est le rapport de force qui fera la différence;
    L’islam ne peut partager surtout quand il est en majorité ce sera eux les musulmans ou nous les laïcs.
    Ce qui est clair c’est que plus l’islam impacte la société plus les citoyens se radicalisent.

  2. En marge de la radicalisation, cette commission a-t-elle accepté le mot mail que l’on retrouve même dans des textes officiels à la place du mot courriel ?

    • Merci Ulysse… Je me lance dans la psychanalyse linguistique, ou comment l’entreprise de “déradicalisation” vise à éradiquer le radical “islam” plutôt que “l’islam radical” 😉

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