Bon, il faut décidément mettre fin à ces rumeurs et aux fausses joies qu’elles apportent aux Français. Beaucoup de bruit pour rien, tout simplement parce que la langue utilisée dans ces décrets est absconse, et je pense que c’est volontaire, histoire de rendre impossible au pékin moyen de se retrouver dans les méandres des textes officiels et histoire, aussi, de faire l’important auprès des justiciables…
Retour du juge Bridoye… Rabelais, au secours, sors de ta tombe !
L’élection de Macron est légitime ( il y a sans doute eu des fraudes mais c’est une autre histoire ) et notre Constitution n’a pas été abrogée par un coup de baguette magique, un vulgaire décret, il faudrait bien plus que cela !
I LA RUMEUR
- Un décret publié au Journal officiel en décembre 2016 alimente depuis deux ans une intox récurrente.
- A l’en croire, celui-ci entraînerait la nullité de la Constitution et, par extension, la non légitimité d’Emmanuel Macron et de son gouvernement, élus dans une « dictature » dont on ignorerait l’existence.
- Si la rumeur est particulièrement partagée en plein mouvement de protestation des « gilets jaunes », elle reste une pure intox sans fondement juridique, comme nous l’explique une juriste à 20 Minutes.
Le slogan « Macron démission », populaire parmi certains « gilets jaunes », s’appuierait-il sur une réalité juridique méconnue de la plupart des Français ?
Sur les réseaux sociaux, nombre d’internautes relayent depuis plusieurs jours un texte affirmant que le président de la République et son gouvernement sont illégitimes… au motif que la Constitution française n’est plus en vigueur depuis plus d’un an, soit avant la tenue de l’élection présidentielle de 2017.
Lire l’ensemble de l’article ici :
II LES FAITS
Un décret du 5 décembre 2016 créait une « inspection générale de la justice » qui regroupait 3 inspections déjà existantes. Point barre.
Un décret ne peut en aucun cas modifier la Constitution ni l’abroger, il faut que le Parlement soit réuni en Congrès en Versailles..
Voici en complément la réponse de Maxime, notre juriste, à la question que je lui ai posée à propos de ces rumeurs.
Je viens de trouver la décision en question :
Comme je vous l’écrivais à l’époque, comme les juges ne sont pas élus en France, ça ne me semblait pas vraiment très important puisqu’il n’y a de toute façon pas vraiment de séparation des pouvoirs au moins pour le « pouvoir judiciaire » dans la Constitution de 1958. Ce sont des raisonnements très formels en réalité. Si encore on élisait ces juges ou s’ils étaient désignés par des personnes élues, comme aux Etats-Unis, on pourrait en faire un motif d’indignation. La décision du Conseil d’Etat est d’ailleurs vraiment verbeuse et très vague, abstraite… Je ne vois rien qui retienne mon attention là-dedans en réalité.
Je pense que ce serait de la mauvaise foi que de mêler à cela l’élection de Macron intervenue au terme d’un débat faussé plutôt par les partis pris de la presse et sans que l’opinion publique ait été influencée par ce décret.
Pour ceux qui veulent approfondir ( bon courage à eux… ) Marcher sur des oeufs leur a cherché les liens des différents textes :
I. Le fameux décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 portant création de l’inspection générale de la justice
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033538164
_________________________________
II.- 6 décembre 2016 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 64 sur 199
https://www.cnape.fr/documents/arrete-du-5-decembre-precisant-les-modalites-dorganisation-de-linspection-generale-des-la-justice-et-ses-missions/
_________________________________
III.- Décret du 5 décembre 2016 portant création de l’Inspection générale de la Justice
https://www.courdecassation.fr/venements_23/relations_institutionnelles_7113/gouvernement_7930/decembre_2016_7931/
Par simple décret du Premier ministre, en date du 5 décembre 2016, la Cour de cassation a été placée sous le contrôle direct du gouvernement, par l’intermédiaire de l’inspection des services du ministère de la justice. Le 23 mars 2018, le Conseil d’État a annulé l’article 2 de ce décret en ce qu’il inclut la Cour de cassation dans le champ de la mission de l’Inspection générale de la justice.
_________________________________
IV.- Inspection générale de la justice : la Cour de cassation ne peut être contrôlée
https://www.lemondedudroit.fr/professions/271-magistrat/56905-inspection-generale-de-la-justice-la-cour-de-cassation-ne-peut-etre-controlee.html
27 mars 2018
Le Conseil d’Etat valide le décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 portant création de l’inspection générale de la justice mais annule son article 2, prévoyant la possibilité d’inspecter la Cour de cassation.
Par ailleurs, rien de tout cela ne nous empêche de demander la démission de Macron !
642 total views, 1 views today
La séparation des pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire, la protection liberté de la presse sont des principes fondamentaux des démocraties représentatives.
A contrario, les régimes dictatoriaux recherchent une concentration des pouvoirs pour maquiller les réalités, organiser des propagandes, influencer l’opinion publique par des actualités truquées… ça ressemble à quelqu’un (KA) ou quelque chose, on verra ça d’ici peu…
====« Il n’y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l’homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit. »
===== René Cassin
la séparation des pouvoirs n’a jamais pu empêcher des abus. On peut comparer avec le domaine de la concurrence : malgré une pluralité d’entreprises dans un secteur, des ententes permettent de fausser les prix, tromper le consommateur, avoir des pratiques déloyales…
La séparation des pouvoirs était le « trip » des gens du XVIIIème siècle; depuis, on en est revenu, surtout quand il s’agit d’évoquer un décret relatif à l’inspection de la Cour de cassation ignoré par 99% des Français (et pour cause, ce décret ne cassait pas trois pattes à un canard).
Merci surtout à Christine car cet article était nécessaire : j’ai lu des internautes se moquer amplement de ceux qui ont pris au sérieux ce que 20minutes présente comme une intox.
En fait ce n’est pas une intox, puisque ceux qui ont soutenu cette idée se sont fondés sur une lecture littérale de la Déclaration de 1789 (article 16).
Or la loi est faite pour être appliquée littéralement quand elle est claire.
Le souci est que la Déclaration de 1789 est un texte très particulier : il n’a pas été initialement conçu pour être invoqué en justice. Les Révolutionnaires ont seulement voulu rendre hommage à Montesquieu dans l’article 16 et déclaré s’être inspirés de sa théorie de la séparation des pouvoirs.
C’est en 1971 que le Conseil constitutionnel a permis d’invoquer la Déclaration à l’occasion d’un recours contre une loi ou un traité et seulement depuis 2010, elle peut l’être aussi dans le cadre d’un procès quand sont en cause des droits et libertés.La séparation des pouvoirs n’est pas, à cet égard, un droit ou une liberté mais un principe d’organisation de l’Etat. Il n’empêche que la Constitution est le fondement du droit électoral et donc de la validité d’une élection.
Ce qui empêche d’invoquer ce texte contre l’élection de Macron, c’est le contexte historique de son édiction : il n’a pas été conçu pour annuler une Constitution. C’est une déclaration de principe sur l’idée que les Révolutionnaires se faisaient d’une Constitution afin de discréditer la monarchie absolue (mais pas la monarchie constitutionnelle ni la république). Les lois fondamentales de l’Ancien régime, souvent considérées comme la Constitution de l’Ancienne France, étaient ainsi discréditées afin d’instituer le peuple souverain comme détenteur du pouvoir constituant.
Si l’on considère le texte indépendamment de ce contexte historique, c’est bien plutôt 20minutes qui est dans l’intox que ceux qui ont pris le texte au pied de la lettre. En effet, sur le plan de l’interprétation juridique, la lettre claire doit toujours primer sur l’esprit du texte. En toute rigueur, 20minutes a tort. Valérie Nicolas, quoique maître de conférences, ne développe pas de raisonnement pertinent : elle se prévaut d’une évidence qui n’en est pas une car on est face à une situation inédite et il y a autant de mauvaise foi de la part de 20minutes de parler d’intox que de la part des auteurs de cette interprétation de vouloir annuler sur ce fondement l’élection de Macron…
On n’est pas dans le domaine de l’intox, plutôt dans celui de la mauvaise foi excusée par un ras-le-bol légitime !
Merci Christine et Maxime pour ce rappel !
Tout le plaisir est pour nous cher Jean
Par contre on peut dire « Micron président légitime d’une DEMOCRATURE ! »