Les musulmans ont le droit d’inciter à la haine, mais pas les islamophobes

Le Conseil d’État a rendu en référé, le 31 janvier 2018, une décision intéressante quant à l’antagonisme de l’islam et des valeurs républicaines.

L’association des musulmans du boulevard National demandait la suspension de l’exécution d’un arrêté du préfet de police des Bouches-du-Rhône ordonnant la fermeture pour une durée de six mois de la mosquée “As Sounna“ située 351 et 353 boulevard National à Marseille.

La fermeture de la mosquée avait été décidée sur le fondement de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure, selon lequel “aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme, le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut prononcer la fermeture des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination, provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes. / Cette fermeture, dont la durée doit être proportionnée aux circonstances qui l’ont motivée et qui ne peut excéder six mois, est prononcée par arrêté motivé et précédée d’une procédure contradictoire (…)“.
La sanction de la violation de l’interdiction est prévue à l’article L. 227-2 du même code : « six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende ».

Venons-en à la motivation qui a conduit le Conseil d’Etat à rejeter la demande de réouverture de la mosquée.
Il commence par affirmer que « la liberté du culte confère à toute personne le droit d’exprimer les convictions religieuses de son choix et emporte la libre disposition des biens nécessaires à l’exercice du culte, sous les réserves du respect de l’ordre public ».
Il s’agit simplement de reformuler le texte de la Déclaration de 1789, qui, cependant, précise que les limites de la liberté religieuse doivent être prévues par la loi. Nuance importante car cela neutralise la possibilité pour le juge de créer sans le soutien d’un texte législatif une limite à la liberté religieuse.

Comme d’habitude, à aucun moment les juges ne chercheront à définir ce qu’est une religion ni poser la question du caractère religieux de l’islam. D’emblée, l’islam est considéré comme un culte, une religion… malgré l’opinion d’une partie de la population française qui dénie à l’islam son caractère prétendument religieux.

Les juges peuvent sans doute procéder ainsi si l’on tient compte du fait que la Déclaration de 1789 ne distingue pas les propos religieux des autres à cet égard, traitant des « opinions, même religieuses » (article 10).
De plus, la laïcité interdit de réserver un traitement de faveur dérogatoire aux religions en France.
Or, c’est justement sur ce point que la décision soulève une question intéressante comme on va le voir.

Quant à la libre disposition des biens nécessaires aux cultes, là encore il n’y a rien d’extraordinaire à cela : c’est la conséquence du droit de propriété consacré pour tous à l’article 2 de la même Déclaration.

Toutefois, à nouveau, le Conseil d’Etat ne se demandera pas si une mosquée est nécessaire au « culte musulman » !

On apprend que « pour prendre la mesure de fermeture provisoire contestée, le préfet s’est notamment fondé sur les faits tenant en ce qu’à travers les prêches de son imam, B., dont certains sont encore publiés sur le site internet “assalafia.com“, la mosquée “As Sounna“ légitime le “djihad“, la mise à mort des personnes adultères, des apostats et des mécréants, qu’elle fait référence à des théologiens prônant des idées similaires et que plusieurs de ses fidèles ont rejoint la zone de combat irako-syrienne ; qu’il a estimé que ce lieu diffuse des idées incitant à la haine et la discrimination contraires aux principes républicains, de nature à provoquer à la commission d’actes de terrorisme ».

En effet, « la mosquée “As Sounna“ a diffusé, à travers les prêches de son imam, B, également président de l’association requérante gestionnaire de ce lieu de culte, dont certains sont publiés sur son site internet, des appels à la haine et à la violence contre les Chrétiens, les Juifs, les Chiites et les personnes adultères, en des termes particulièrement explicites (…) ; dans ces prêches, l’imam légitime et glorifie le “djihad“ ; que lors de l’audience de référé et dans ses écritures, l’association n’a pas contesté la teneur de ces prêches mais s’est contentée, pour l’essentiel, d’alléguer, sans l’établir, qu’ils avaient simplement été publiés sur le site internet de B et non tenus dans la mosquée elle-même ; que, si elle fait également valoir, d’une part, que les propos relatés devaient être replacés dans un contexte soit strictement religieux dès lors que la substance des prêches et discours incriminés était la reprise de versets du Coran ou de textes religieux anciens, soit politique, s’agissant de la Palestine et, d’autre part, que les prêches entendus à la mosquée et l’enseignement qu’y dispensait l’imam ne comportaient pas de caractère radical et violent, ces allégations générales ne permettent pas, en l’état des éléments versés au dossier, de contredire utilement les éléments retenus sur ce point par le préfet de police des Bouches-du-Rhône pour prononcer la fermeture temporaire de la mosquée ; que, par ailleurs, il n’a pas été sérieusement contesté que la mosquée prônait un islamisme radical dont l’influence s’étendait à l’ensemble de la vie locale, en particulier sur les plus jeunes, et qu’au moins cinq fidèles sont partis rejoindre la zone irako-syrienne pour faire le “djihad ».

Pour en savoir plus sur l’imam :

https://www.la-croix.com/Religion/Islam/Fermeture-mosquee-Sounna-Marseille-test-grande-priere-2017-12-15-1200899719

La défense de l’association mérite l’attention car elle laisse entendre que le fait que ce soit la « reprise de versets du Coran ou de textes religieux anciens » créerait une immunité juridictionnelle au bénéfice de celui qui tiendrait de tels propos.
Or, ce serait contraire à la laïcité dans un système qui permet de poursuivre aussi l’auteur de propos incitant à la haine et la violence contre des personnes sans se fonder sur un texte dit « religieux », tel un néo-nazi.
Ce serait un traitement de faveur au bénéfice de l’islam. Le Conseil d’Etat se garde de franchir la ligne jaune dans cette affaire.
L’argument est révélateur en lui-même d’une conception de l’islam qui serait au-dessus des lois de la cité.

De plus, il tend à reconnaître, fût-ce implicitement, que le Coran et des « textes religieux anciens », sans doute faut-il comprendre les hadiths, comportent intrinsèquement un message d’appel à la haine et la violence.
Comment la justice peut-elle alors, par ailleurs, poursuivre Christine Tasin quand elle dénonce le caractère « assassin » de l’islam ?

Ces éléments de la motivation sont de nature à soulever, plus généralement, des questions essentielles en démocratie et en République.

La Constitution belge garantit explicitement la libre expression des opinions minoritaires. La française, sans être aussi explicite, implique cependant aussi une telle tolérance. Cependant, il est interdit par loi de 1881 révisée d’inciter à discriminer à raison d’une appartenance catégorielle, mais cette interdiction est trop large.
Tout système juridique discrimine, crée des statuts différents, en fonction de la légitimité différente des situations. L’indifférenciation sociale, l’anarchie, sont incompatibles avec l’organisation de la cité selon des règles de droit.
On peut être rassuré à première vue en lisant que ce sont les discriminations « contraires aux principes républicains » qui sont prohibées. Ce sont donc celles qui empiètent excessivement sur la liberté d’autrui, qui relèvent d’un manque de tolérance.
Toute la difficulté toutefois est de tracer la frontière dans ce domaine puisque, par ailleurs, des islamophobes sont aussi poursuivis pour l’incitation à la discrimination, à la haine et au rejet des musulmans, parfois pour de simples critiques.

A cet égard, tant qu’il n’y a pas d’incitation à commettre des actes de violence contre les musulmans dans les propos concernés, aucune poursuite judiciaire ne devrait être permise.
Les procureurs effectuant de telles poursuites judiciaires, pouvant déboucher sur un emprisonnement, à caractère pénal donc, devraient être révoqués ipso facto.

Or, on voit bien que des poursuites interviennent sans qu’il y ait incitation à la violence de la part du prévenu, alors même que pour ordonner la fermeture d’une mosquée, mesure provisoire, préventive, administrative et qui n’est donc pas privative de liberté, contrairement à l’emprisonnement, l’incitation à la violence est requise.

La loi française contient donc actuellement des contradictions et des iniquités profondes à ce sujet.

En effet, un autre texte, l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881, qui constitue le fondement des poursuites judiciaires qui ont été menées contre certains islamophobes, vise « ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement ».

C’est à l’égard de ce texte que la question de savoir si l’islam est une religion se pose vraiment.

Dans ce texte, la discrimination, la haine et la violence sont érigés en alternatives, alors que dans la loi permettant de fermer les mosquées, la fermeture n’est décidée qu’« aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme », ce qui suppose qu’il y ait une incitation à commettre des actes de violence en plus de l’appel à la discrimination. Certes, la même loi pose encore ensuite une alternative entre la discrimination, la haine et la violence, ce qui semble rendre l’ensemble du dispositif législatif cohérent, qu’il s’agisse de la prévention (fermeture de mosquée) ou de la répression (poursuites judiciaires pouvant conduire à un emprisonnement et/ou une amende).

Toutefois, de l’incitation à discriminer à l’appel à la violence, il y a un pas qu’on ne peut pas franchir.
En effet, il est inconcevable qu’on puisse mettre sur le même plan celui qui incite à militer pour que l’Etat vote des lois discriminatoires au nom du principe de précaution (assorties alors d’une possibilité de coercition confiée au monopole de l’Etat comme détenteur unique du pouvoir légal de commettre des actes de violence pour faire respecter le Droit, conformément à la théorie politique de l’Etat qui prévaut en France) et celui qui incite à commettre des actes de violence sauvage en dehors de toute légalité.

Par ailleurs, l’imam sera-t-il poursuivi judiciairement pour les propos visés ? Il n’y ait fait aucune référence dans la décision du Conseil d’Etat. Il n’y a rien de choquant à cela, car les poursuites judiciaires n’ont aucune valeur particulière dans une telle affaire : elles ne constituent même pas un indice justifiant la fermeture. Mais certaines décisions font parfois état de poursuites judiciaires en cours devant les juridictions pénales. Le silence du Conseil d’Etat est donc difficile à interpréter.
Toujours est-il que l’observateur attentif de la jurisprudence pénale dans ce domaine constate qu’il est rare de lire une décision condamnant un imam pour ses prêches, alors que les condamnations d’islamophobes paraissent plus fréquentes…
Il serait intéressant que l’Etat publie une étude objective, sur la base de statistiques, à ce sujet afin de s’assurer que la justice française respecte bien la laïcité et se garde de réserver une immunité juridictionnelle pour cause religieuse à certains imams comme c’était soutenu dans l’affaire jugée le 31 janvier dernier.

Finalement, en plus de cette interrogation portant sur le respect de la laïcité, on peut se demander si en France, les opinions minoritaires sont encore libres de s’exprimer pleinement même quand elles n’incitent pas à la violence sauvage.

On peut en effet penser que l’appréhension de la discrimination dans la loi n’est pas satisfaisante, si le principe de précaution, sur la base de considérations fondées rationnellement, n’est pas consacré dans les textes comme justification possible à l’incitation à discriminer.

Cela pose un problème aussi au regard de la liberté de culte.
Doit-on poursuivre les Eglises pour incitation à discriminer les homosexuels au motif qu’elles ne marient que des hétérosexuels, par exemple ?
Cela ne paraît pas justifié si l’on tient à respecter la frontière entre le temporel et le spirituel, le mariage religieux n’étant pas le mariage civil.
Le même texte de la loi de 1881 prévoit pourtant que « seront punis des peines prévues à l’alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap OU auront provoqué, à l’égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal », ce dernier texte prohibant les discriminations fondée sur le sexe ou l’orientation sexuelle, entre autres.
De même, l’imam qui prône le voile pour les femmes musulmanes ne se rend-il pas coupable d’une incitation à discriminer les femmes en raison de leur appartenance à l’islam, voire d’une incitation à la haine de toutes les femmes s’il fonde son discours sur un prétendu caractère « impur » ?

Les doctrines et pratiques religieuses ne sont pas toutes conformes aux valeurs républicaines et l’islam n’est pas seul en cause. La République a été combattue par des réfractaires attachés à la monarchie catholique dès son instauration puis continuellement encore lors des différentes réformes de sécularisation du droit. Certaines militent encore plus radicalement et ouvertement contre « la Gueuse » sans, pour autant, prôner la violence, espérant triompher dans les urnes.
La République française paraît s’en accommoder, en pratique, tant qu’il n’y a pas d’incitation à la violence. Cependant, cette pratique de tolérance entre en contradiction avec la loi de 1881, comme cette dernière permet de poursuivre l’incitation à la discrimination.
Les athées, en particulier, sont moins bien protégés que les autres à cet égard, ce qui est pour le moins paradoxal en République laïque.
http://resistancerepublicaine.com/2017/11/27/avec-la-loi-pleven-la-republique-laique-et-profane-protege-les-croyants-aux-depens-des-athees/
http://resistancerepublicaine.com/2017/03/18/affaire-du-cenacle-la-loi-pleven-bafoue-la-constitution-en-etablissant-une-inegalite-entre-croyants-et-athees/

Il est donc temps de remettre de l’ordre dans tout cela, soit en consacrant une République laïciste ne tolérant aucune opinion minoritaire contraire à ses principes, même religieuse, soit en restaurant un libéralisme dans le domaine de l’expression des opinions en abrogeant les dispositions de la loi de 1881 qui répriment des propos n’incitant pourtant pas à la violence afin de concentrer l’effort de répression sur les propos incitant à la violence.

 532 total views,  2 views today

image_pdf

8 Commentaires

  1. Si la loi était appliquée, toutes les mosquées seraient fermées et l’islam interdit , ce serait tellement plus simple

    Toutes ces finasseries politico-juridiques pour essayer de nous islamiser, et faire avaler la pilule

  2. Les musulmans ont le droit…de couler.
    Un Afghan de 19 ans voulait noyer sa petite-amie allemande, mais ne sachant pas nager, il se noie lui-même et décède. Sa victime est saine et sauve.

    Après une querelle avec sa petite amie, un migrant de 19 ans a voulu noyer la jeune fille dans la rivière Havel. La jeune fille de 17 ans a pu se sauver, l’assaillant a coulé dans l’eau glacée.

    Le 19 décembre, selon les conclusions de la police, le demandeur d’asile originaire d’Afghanistan avait poussé sa copine allemande de 17 ans à Spandauer Bergwall dans la Havel. Alors l’homme a sauté dedans et a essayé plusieurs fois de pousser la jeune femme sous l’eau – mais sans succès. Au lieu de cela, la jeune fille de 17 ans a réussi à nager et à atteindre la rive salvatrice. Le demandeur d’asile a eu moins de chance: puisqu’il ne savait pas nager, il coula.
    https://www.berliner-kurier.de/berlin/polizei-und-justiz/19-jaehriger-tot-afghane-wollte-ex-freundin-ertraenken–konnte-aber-nicht-schwimmen-29713314

    Enfin une bonne nouvelle! Noyez vos migrants!

  3. en tous cas toute la 1ere partie me fait dire : quel bordel , de recevoir ces gens là , et ces tribunaux qui ne vont traiter bientôt QUE ces affaires là , tellement elles occupent tout l’espace !

  4. Rien de nouveau ça dure depuis des années;et Peillon qui disait qu’avec cette religion. Le catholicisme. On ne pourrait rien faire………allez dire la même chose contre sa religion.

    • Bonjour,

      Titres des programmes d’Histoire du lycée rédigés sous Peillon :

      “Islam, l’éveil d’une civilisation”.

      “La France sous l’emprise du Catholicisme”.

      Tout est dit :=)

      • ou l’art de la manipulation ..bien que l’Islam n’étant pas qu’une religion ..tout est dit alors ! et avoué !

Les commentaires sont fermés.