La guerre du clitoris aura-t-elle lieu ? Je ne vois pas de mâle à ça !

La guerre de Troie n’aura pas lieu ( 1 )
Tel était le titre d’une pièce de Jean Giraudoux…1
Et la guerre a bien eu lieu !
On peut donc craindre le pire puisque, à l’imitation des Grecs et des Troyens, nos femmes se déchirent.
Les féministes d’une part et celles, d’autre part, qui ont fait paraître une tribune dans Le Monde – « Le droit d’être importunées » – s’affrontent avec une violence homérique.
Elles s’empoignent par le vagin – ce n’est pas aussi facile qu’on le croit communément.
Plus ! Elles s’empoignent jusqu’à vagir, ou, parce que je veux éviter toute confusion funeste, « jusqu’à vociférer ».

Le hashtag ( 2 ) « balance ton porc » fait rage.

Pourtant, ce n’est pas une formule très heureuse – le vocabulaire en est bien pauvre, bien grossier et bien réducteur, mais peut-être sont-ce ces caractéristiques qui le rendent si provocateur et expliquent sa bonne fortune. Ou alors, elle confirme la thèse du « bouc émissaire » développée par René Girard ( 3 ) : ce bouc – qui loin d’être un « bouc en train » le malchanceux ! – va bientôt être la victime expiatoire d’une communauté dont le meurtre va permettre aux individus du groupe, quel que soit ce groupe, d’être à nouveau réconciliés ( 4 ).

Jamais ma mère, qui n’était ni une star, ni une philosophe reconnue, ni une « agitée du bocal »( 5 ), n’aurait balancé « son porc ».

Pourtant ce porc exigeait qu’on lui donnât à manger chaque jour, qu’on lui frottât l’échine, qu’on lui caressât le museau.

Alors, il poussait des grognements de plaisir en se collant au tablier maternel.

Un vrai lubrique, un libidineux, un luxurieux, un sa- lace quoi ! (d’indignation, on en vient à substantiver tous les adjectifs !)

Mais il pesait près de 200 kg.

Et bientôt il nous fournirait sa tripe, ses pâtés, ses jambons, son lard, ses saucisses, ses oreilles, son museau qu’il aimait tant frotter de ci de là.

Pourquoi le dénoncer dans ces conditions ? On le ca- jolait au contraire.

Je ne sais pas comment mes parents, leurs propres pa- rents, et ainsi de suite en remontant vers l’origine du monde ( 6 ) ont pu s’y prendre pour assurer leur descendance.

Sans doute, parce qu’ils étaient incultes et ruraux, ce ne pouvait être que par des gestes et des paroles que l’on jugerait maintenant inappropriés.

Ah ! S’ils avaient été à demi, voire aux trois quarts, habillés de strass hollywoodien transparent, les choses auraient pris un autre cours…

Toutefois, j’ai une pensée pour tous ces gens incultes, pour tous les ploucs à qui on n’a jamais enseigné la Carte de Tendre (7).

Ni expliqué, jamais, La princesse de Clèves ( 8 ) et la fameuse scène dite « du bal ». À sa lecture, tous auraient pu mesurer l’abîme qui existe entre une cour de ferme et une Cour tout court :

Mme de Clèves avait ouï parler de ce prince à tout le monde, comme de ce qu’il y avait de mieux fait et de plus agréable à la cour ; et surtout madame la dauphine le lui avait dépeint d’une sorte, et lui en avait parlé tant de fois, qu’elle lui avait donné de la curiosité, et même de l’impatience de le voir. Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer, pour se trouver le soir au bal et au festin royal qui se faisait au Louvre (9 ). Lorsqu’elle arriva, l’on admira sa beauté et sa parure ; le bal commença et, comme elle dansait avec M. de Guise, il se fit un assez grand bruit vers la porte de la salle, comme de quelqu’un qui entrait et à qui on faisait place. Mme de Clèves acheva de danser et, pendant qu’elle cherchait des yeux quel- qu’un qu’elle avait dessein de prendre, le roi lui cria de prendre celui qui arrivait.

Elle se tourna et vit un homme qu’elle crut d’abord ne pouvoir être que M. de Nemours, qui passait par- dessus quelques sièges pour arriver où l’on dansait. Ce prince était fait d’une sorte qu’il était difficile de n’être pas surprise de le voir quand on ne l’avait jamais vu, surtout ce soir-là, où le soin qu’il avait pris de se parer augmentait encore l’air brillant qui était dans sa per- sonne ; mais il était difficile aussi de voir Mme de Clèves pour la première fois sans avoir un grand éton- nement.

M. de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu’il fut proche d’elle, et qu’elle lui fit la révé- rence, il ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de louanges. Le roi et les reines se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini sans leur donner le loisir de parler à personne et leur demandèrent s’ils n’avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s’ils ne s’en doutaient point.

– Pour moi, madame, dit M. de Nemours, je n’ai pas d’incertitude ; mais comme Mme de Clèves n’a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j’ai pour la reconnaître, je voudrais bien que Votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom.

– Je crois, dit Mme la dauphine, qu’elle le sait aussi bien que vous savez le sien.

– Je vous assure, madame, reprit Mme de Clèves, qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez.

– Vous devinez fort bien, répondit Mme la dauphine ; et il y a même quelque chose d’obligeant pour M. de Nemours à ne vouloir pas avouer que vous le connais- sez sans l’avoir jamais vu.

La reine les interrompit pour faire continuer le bal ; M. de Nemours prit la reine dauphine. Cette princesse était d’une parfaite beauté et avait paru telle aux yeux de M. de Nemours avant qu’il allât en Flandre ; mais, de tout le soir, il ne put admirer que Mme de Clèves.

Je ne vais pas vous livrer  clé en main un commentaire fouillé de cette rencontre.

Je ne vais fournir que quelques éléments d’interprétation, rabaissant cette scène à mon niveau, c’est-à- dire bien bas.

Un terme tiré du vocabulaire du ménage y suffira. Comme cette scène est proprette !
On n’y voit que des gens bien élevés qui vous tournent leurs phrases comme un maître luthier son bois précieux.

Quelle déférence, quelle subtilité, quelle élégance ! Que de révérences !
Tout est si soigneusement règlé que l’on a presque l’impression de nager dans un aquarium aseptisé.
On n’y entend aucune parole grossière puisque tout est quasi subliminal : « M. de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu’il fut proche d’elle, et qu’elle lui fit la révérence, il ne put s’empêcher de don- ner des marques de son admiration ».
Nous sommes entre gens du monde, donc bien élevés. Quel contraste avec un bal populaire ( 10 ), son accordéon, son chanteur musette, ses valses et ses slows, ses joues contre joues et ses mains sur les fesses10. Si j’étais Céline, j’aurais écrit : « C’est un air de polka, un véritable rigodon… C’est terminé la tristesse… L’assistance se met à guincher, on s’enlace, on s’émulsionne, on se trémousse »( 11).

Vous auriez eu bien des choses à dénoncer après avoir « guinché », les filles !

Mais plus sages que l’on ne le pense, elles ne souhaitaient pas que, par ricochet, se dépeuplent les campagnes, se ferment les services de gynécologie et de pédiatrie du département – il arrivait que l’on accouchât à la maison, je m’en suis aperçu moi-même dès la pre- mière seconde de mon existence, trop tard.

Comme je suis enfariné de grec, j’ai voulu connaître l’opinion de la Victoire de Samothrace, cette déesse ailée aux formes marmoréennes exposée au Louvre.

Elle n’y a pas été par quatre chemins : « Les bras m’en tombent » m’a répondu la belle hellene.

Encore une qui s’est fait Niké  (12) ?
Il faut dire qu’elle n’a plus toute sa tête !

 

Jean-Louis Massourre

Notes

Tiré des HUMEURS CHRONIQUES, avec l’aimable autorisation de son auteur. Merci à Jean Lafitte qui nous a fait connaître et apprécier cette belle plume.

 

HEBDOMADAIRE SATIRIQUE GRATUIT EN LIGNE PARAISSANT LE JEUDI

Dépôt légal numérique à la BnF : 19 janvier 2016
© Jean-Louis Massourre 2016, Pech de Rayssac, 47300 Villeneuve-sur-Lot

Abonnement gratuit à : jlouis.massourre@neuf.fr
Site Humeurs chroniques : http://jlouismassourre.wixsite.com/humeurschroniques

N° 63 du 18 janvier 2018

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6 Commentaires

  1. Qui a dit déjà,que si l’amour n’avait pas été maintes fois décrit dans la littérature,beaucoup d’entre nous n’en auraient jamais entendu parler ?
    La littérature classique est en train de disparaitre,donc,quelles références ont les ados pour se lancer dans la vie amoureuse?
    Le sexe,le c…les organes,quoi.Et même pour certains c’est bien compliqué .
    De la Princesse de Clèves aux chti à Miami ,voilà le chemin parcouru .
    Cherchez l’erreur.

  2. Les codes de l’amour courtois ne sont pas mal non plus :

    L’amour courtois est une codification très rigoureuse des rapports entre une dame et son prétendant. Il désigne les règles à suivre avec une femme de la noblesse et explique comment la séduire. C’est une sorte de code de conduite à l’intention d’un jeune chevalier qui doit savoir parfaitement se comporter en société. Calquée sur les règles de la féodalité, la relation courtoise entre un homme et une femme ne représente rien de moins qu’un lien vassalique entre la dame de haut rang, qui représente le suzerain, et le jeune chevalier en quête d’exploits, qui représente le vassal. La relation courtoise, passionnelle et tourmentée, est en réalité une épreuve initiatique qui permet au jeune chevalier de prouver sa vaillance et sa valeur morale.
    Un sentiment qui permet de s’élever

    L’amour courtois, également appelé la “fin’ amor” (“amour raffiné” en ancien français), est une sublimation du sentiment amoureux et du désir. L’amour est présenté comme une sorte d’accomplissement moral qui élève l’homme, le rend plus noble et lui donne accès à des valeurs supérieures. La passion domine complètement les personnages et les pousse à se surpasser, les chevaliers, inpirés par leur bien-aimée, réalisent en leur nom des prouesses extraordinaires. En faisant passer les intérêts d’une autre avant les leurs, ils deviennent aussi plus altruistes et plus humbles, n’hésitant pas parfois, comme Lancelot, à affronter l’humiliation publique. L’amour permet donc aux chevaliers de devenir des hommes meilleurs, plus courageux, plus valeureux et plus vertueux. Il les libère en quelque sorte des sentiments vils comme la brutalité, la vanité et l’orgueil, et aussi de préoccupations terre à terre comme la quête de gloire personnelle et les plaisirs mondains. La passion amoureuse est un sentiment élitiste qui permet à ceux qui la partagent de s’élever largement au dessus du commun des mortels.

      • Heureux temps où les “gens” étaient habités par des sentiments qui les dépassaient et les sublimaient, à mille lieux de la barbarie que nous sommes obligés de subir quotidiennement…

    • l’amour courtois c’était le bon temps, le temps des troubadours et rondeaux, le temps ou la femme était mise sur un pied d’estale, le temps ou le manque de respect ne venait a l’idée de personne.
      comme les temps ont bien changés, de nos jours certaines femmes sont devenues castratrices, veulent égaler les homme dans tous les domaines sans avoir compris que les sexes ne sont pas faits pour se mesurer mais sont complémentaires….
      souvenons nous de cette belle légende: dans les temps très lointains les humains étaient a la foi hommes et femme et vivaient heureux auprès des dieux, mais au fil du temps les humains sont devenus arrogants et méprisant envers les dieux, donc ceux ci décidèrent de les punir et les humains se retrouvèrent chacun coupé en deux parties une partie homme une partie femme les dieux les ont répandus sur terre au hasard, et les humains hommes et femmes furent donc condamnés a chercher toute leur vies la moitiés qui leur manquais, les très peut qui y arrivèrent trouvèrent le bonheur et l’harmonie….

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